09/09/2021
Jacques Salce en question
Je n'avais jamais entendu parler de Jacques Salce. Arrivée à la page 551 du livre de Philippe Jaenada Au printemps des monstres, je me demande si je vais le terminer ce gros pavé, car il faut passer par le long tunnel "Jacques Salce", très probablement le monstre d'amoralité que dénonce Philippe Jaenada. Écrivain qui enquête quant à lui pour de vrai, dévoile des secrets qui n'étaient pas si cachés que cela mais il fallait le courage de les débusquer, pour cela il a compulsé des masses d'archives bien gardées mais accessibles aux journalistes. On constate l'amour des feintes et faux semblants pour beaucoup dans les années cinquante-soixante qui retournèrent leur veste allègrement et avec beaucoup de cynisme. Fin du mythe des trente glorieuses.
Dans ce maelstrom le bonhomme Lucien Léger qui utilisera lui aussi le mensonge dans un premier temps, non pas pour berner méchamment autrui mais pour protéger un homme qu'il admirait, croyait intègre. Un homme qui sans nul doute, le doute à ce stade n'étant plus permis, l'a pigeonné, faisant de lui le coupable idéal dans le meurtre du petit Luc. S'apercevant trop tard de son erreur Lucien Léger a tenté de dire la vérité, mais celle-ci était si énorme à entendre, qu'il a pensé nécessaire d'inventer d'autres mensonges pour accréditer l'impensable : malgré les lettres imbéciles visant surtout à faire diversion, il était innocent et manipulé par celui qu'il voulait protéger.
Je trouve trop longues les pages sur Jacques Salce. Je vais m'efforcer de ne rien sauter, une lecture par petits bouts sera nécessaire jusqu'à la sortie du tunnel. Je voudrais faire la connaissance de Solange, Philipe Jaenada va reparler d'elle ensuite, je l'ai lu en diagonale avant de revenir à une lecture page après page.
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06/09/2021
Pages 294-295
J'en suis à la page 295 du livre Au printemps des monstres.
Travail titanesque de Philippe Jaenada. Lui et ceux qui l'ont aidé dans ses recherches font un travail d'enquête très pointue. La leçon à retirer de cette pénible affaire concernant le meurtre de Luc Taron : ne pas se fier aux apparences. C'est l'auteur qui l'affirme et je veux bien le croire.
Page 295, ce parisien qu'est Philippe Jaenada, part des déclarations de Lucien Léger concernant sa soit disant rencontre du petit Luc dans le métro à la station Étoile, sur le quai de la ligne 6, celle que l'enfant doit prendre pour rentrer chez lui.
L'auteur page 294-295 :
"C'est le terminus de cette ligne et, contrairement à la plupart des stations de Paris, même terminus, les rames ne s'y croisent pas, c'est-à-dire que ceux qui y arrivent et ceux qui en partent ne sont pas dans le même tunnel. Le métro qui monte vers le nord dépose, au terminus, les passagers sur un quai qui n'a pas de vis-à-vis, puis effectue une large boucle et embarque ceux qui partent vers le sud (et après tout, Luc aurait pu décider de se promener, même à 23 heures, vers le sud), mais surtout qu'on ne peut pas quitter ce quai : personne ne descend ici, tous les métros arrivent vides du tunnel, il n'y a pas de sortie. Aucune. Or Lucien, dans les courriers de l'Étrangleur ou lors de ses aveux, affirme qu'il a remarqué ce petit garçon sur le quai, près du distributeur de bonbons, et qu'il a décidé de le suivre lorsqu'il l'a vu partir vers une correspondance. Ce n'est pas possible. Il n'y a pas de correspondance, il n'y a pas un seul panneau de correspondance, ni même un panneau de sortie de la station. Bien sûr, on peut revenir, en sens inverse, vers le couloir, vers le couloir vers lequel on est arrivé. Mais d'une part, cela veut dire qu'on passe obligatoirement devant un poinçonneur, qui se serait obligatoirement étonné qu'un enfant emprunte, à cette heure tardive, un chemin interdit, à contre-courant (il y avait, en 1964, deux employés de la RATP par quai, un poinçonneur et un contrôleur : les enquêteurs consciencieux, ont interrogé tous ceux qui travaillaient entre les stations Étoile et Villiers, et même jusqu'à Wagram au nord-ouest de Villiers et La Motte-Piquet-Grenelle au sud d'Étoile, et pas un, pas une ne se souvient d'avoir vu un jeune garçon seul, qu'ils n'auraient pas manqué de remarquer, a fortiori à contre-sens (la "surveillante-receveuse" qui était en service le soir du 26 mai à la station Étoile, Mme Réau, est entendue en particulier : elle dit qu'il y avait très peu de voyageurs aux environs de 23 heures et qu'elle est certaine de ne pas avoir vu de petit garçon, elle s'en souviendrait), mais surtout, j'ai fait l'expérience, j'y suis allé (et il est évident que les couloirs n'ont pas changé depuis) : lorsqu'on se trouve sur ce quai et qu'on veut en repartir, il n'y a qu'une issue possible (qui est donc, en fait, une entrée), on se retrouve face à trois couloirs (puis six ensuite), deux escaliers qui montent, sans aucun panneau indicateur puisque personne n'est censé se déplacer dans ce sens, quitter ce quai. Je me suis trompé deux fois avant de retrouver, péniblement, le chemin qui mène à la ligne 2, celle qui va vers Villiers. Je prends le métro tout seul depuis quarante ans. Luc, aux dires de ses parents, n'avait jamais pris le métro tout seul. Luc n'a jamais mis un pied sur le quai de la ligne 6 à Étoile. Il y vient, à 23 heures passées, on ne sait pourquoi, y reste quelques minutes immobile sans plus de raison, et repart directement vers la ligne qui mène chez lui sans se tromper ? Non."
Et l'auteur poursuivra sa démonstration comme quoi Lucien Léger n'aurait pas rencontré l'enfant en fait.
Mon commentaire : il est probable donc que Lucien Léger ait voulu couvrir quelqu'un. Quelqu'un, d'après les récits ultérieurs de Lucien Léger, lorsqu'il reviendra sur ses premières déclarations pour clamer son innocence, que Lucien Léger devait profondément admirer. Il l'a cru lorsque celui-ci lui a demandé de le couvrir, affirmant qu'il avait tué sans le faire exprès Luc.
Il semblerait comme le pense à presque cent pour cent l'auteur du livre que, effectivement, Lucien Léger n'a pas tué Luc.
Le contexte : la fin de la guerre d'Algérie, un réseau proche de l'Algérie indépendante tente de se créer à Paris pour aider notamment des Algériens... Lucien a l'honneur d'y être recruté à la faveur d'une discussion à la terrasse du Missou, où il aurait rencontré celui qui par la suite tuera accidentellement Luc, d'après toujours les déclarations ultérieures à son procès, de Lucien Léger.
Quant au père de Luc, il aurait fait partie de ce réseau puis l'a quitté en emportant la caisse. On veut faire pression sur Yves Taron, le père de Luc, pour qu'il rende l'argent. Et voilà que l'homme à la tête de ce réseau naissant voit Luc vagabonder. Il le reconnaît, étant allé plusieurs fois chez son père où il aurait eu l'occasion de voir le garçon. Il aurait décidé de kidnapper Luc pour faire pression sur le père, afin qu'il rende l'argent. Mais à sa grande déconvenue, le père, peut-être remonté contre Luc qui fugue une fois de plus, aurait répondu que le garçon finirait bien par revenir et que d'ailleurs il n'était pas son fils. Ne sachant que faire du gamin, le kidnappeur, le lâche dans le bois. Mais Luc, ayant une peur affreuse des loups, se serait mis à hurler, le kidnappeur aurait voulu le faire taire et l'aurait tué sans le faire exprès. c'est ce qu'il va raconter au nouvel adepte du réseau, Lucien Léger.
Ce kidnappeur aurait été un ancien résistant, qui est allé dans un camp de concentration et en serait ressorti très diminué physiquement. L'homme incriminé par Lucien Léger existe et est devenu un intellectuel reconnu, dûment diplômé.
Lucien dit avoir cru en cet homme, avoir voulu l'aider en faisant diversion avec des lettres assez délirantes adressées aux médias, compte tenu que des fouilles chez le père de Luc auraient pu compromettre l'ancien résistant. Dans ses lettres, il manque de respect envers Yves Taron (qu'il juge indigne en raison de sa trahison, de son vol et du peu de considération envers un fils qu'il aurait quasiment renié en préférant garder le magot).
Voilà pourquoi pages 294, 295 se profile sérieusement l'innocence de Lucien Léger, qui, éperdu d'admiration pour l'ancien résistant, flatté d'être adoubé par lui a pensé que Luc a été tué accidentellement par l'individu qui par la suite l'a laissé tomber. On apprend au passage combien sont inhumaines nombre de prisons. On parle pour celle de Nîmes, dans les années 70 je crois, de cages grillagées...
Réponse à ceux que l'on a jugé à tort ou à raison barbares : une barbarie encore pire, puisque la mort lente y est programmée pour nombre d'entre eux, a témoigné Lucien Léger. Il était athée et a eu un chemin de croix tel un Christ. Paix à son âme et à celle du petit Luc.
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05/09/2021
Page 185
Patrick n'a pas encore entamé le livre Au printemps des monstres, occupé qu'il est à corriger son propre manuscrit. J'en suis quant à moi à la page 185 de ce fameux livre, de Philippe Jaenada.
J'y apprends qu'en fait, la maman de Luc, en 2019, vivait toujours dans un quartier parisien. Dans ce livre on parle de parisiens parisiens de fond en comble, de ceux qui connaissent Paris comme leur poche, qui y sont nés et l'ont parcourue de long en large, banlieues comprises souvent, qu'ils ont parfois connues à l'état champêtre. D'aucuns ont connu le Paris de leurs ancêtres, d'autres parisiens ultra parisiens le sont sans avoir forcément d'ancêtres parisiens, ils le sont pour s'être approprié ce vaste territoire dès qu'ils ont pu le parcourir, un peu à l'instar de Luc, mais avec plus de chance, et donc vivre mille et une choses dans ce Paris dont pour ma part j'ai vu surtout une masse grise ("malgré que" la Tour Eiffel m'ait favorablement impressionnée, toute grise qu'elle était, par son immensité s'envolant vers les cieux).
À la page 185, on voit un Lucien Léger que beaucoup décrivent comme taciturne tandis que d'autres qui sont devenus peu ou prou ses amis, le décrivent comme presque un boute en train, s'agissant de ses copains de la guerre d'Algérie ; il est aussi vu comme un homme très cultivé par d'autres, un homme qui s'instruisait en autodidacte, par la lecture de livres parfois difficiles.
L'auteur Philippe Jaenada fera déchanter les nostalgiques des années soixante. Et lisant ce qu'il en dit j'ai fait le rapport avec ce que j'ai entendu juste avant à France Culture, à propos des mises en garde contre "la méritocratie", (concernant ceux qui sortent des écoles prestigieuses).
En effet, les "petits", ceux qui n'ont pas fait de longues études et se retrouvent agent d'assurance, ouvriers, sténo-dactylo etc. étaient autant de gagne petit, n'ayant pas mérité de gagner plus car n'ayant pas fait de brillantes études ? On peut se le demander. Ceux qui les ont faites ces études brillantes dans les grandes écoles : les méritants, gagnent de très forts salaires en proportion de ce qui est vu comme leur mérite, mérite finalement éminemment "scolaire". Le prolétariat se trouvait donc à porter à bout de bras les "méritants", sachant que ceux qui tirent à eux la couverture, le font au dépens d'autres, en l'occurrence, les gagne petit en question. Voilà en tout cas le contexte social des années soixante qui s'est peut-être encore empiré aujourd'hui quand on voit le sort réservé aux jeunes, n'ayant plus accès du tout à parcours sup pour certains, celui-ci étant dorénavant strictement réservé à la haute bourgeoisie semble-t-il.
Lucien Léger était affecté par la maladie de sa femme, et n'était pas en grande forme lui non plus. D'après ses déclarations sur la mort du petit Luc, on peut penser que, dans un instant d'égarement, il s'est lui-même suicidé à travers "son double". Lucien Léger s'est pris de haine contre les parents de cet enfant, à voir les invectives qu'il leur adresse. Lesquels auraient été décrits par le petit fugueur de façon négative, ce qui aurait fait vriller Lucien Léger, se sentant débordé par l'impuissance à le secourir ?
Lucien Léger était ambitieux, rêvait parfois d'être le fils d'un haut fonctionnaire, d'après les mensonges auxquels il se livre dans ses lettres. Une crise d'égocentrisme n'est donc pas non plus à écarter, ce petit garçon, Luc, lui ayant par trop rappelé sa propre misère sociale et affective ?
Les années soixante : il y a eu l'affaire du petit Luc, puis celle de Bruay en Artois, les années 80, Grégory, les années 90, Marion disparue à Agen, et d'autres enfants sacrifiés sur l'autel de la folie, une folie tantôt ayant pour origine la misère sociale, tantôt la débauche de pédophiles très bourgeois notamment avec l'affaire Dutroux.
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