15/10/2013
Pas une voile ne s'inclinait sur l'onde grise
"Pas une voile ne s’inclinait sur l’onde grise, pas une traînée de fumée ne se dessinait, pas un clapotis ne scintillait dans l’espace.
Et les sabots claquetaient sans cesse. Hors des ruelles étroites, des maisonnettes en granit, des routes blanches, les femmes s’élançaient ; elles allaient par deux, par trois, par quatre ; elles tricotaient des bas et s’avançaient fixant les lointains gris, elles allaient rapides ; les cornettes tremblaient et les rubans blancs flottaient derrière elles.
Elles grimpaient sur les pentes abruptes, sur les masses élevées de rochers jetés au loin dans la mer par la main des cyclopes, vers la chapelle svelte, poussée entre les hauts blocs de granit étagés, et regardaient le désert de l’océan, écoutant le calme avec crainte.
Puis elles s’assirent en rang au bord du précipice comme des oiseaux de deuil à têtes blanches ; elles tricotaient des bas, les aiguilles scintillaient entre leurs mains et parfois un murmure s’échappait de leurs lèvres pâlies. Assises immobiles, elles fixaient les flots silencieux, opaques, et leurs âmes glissaient sur les profondeurs de l’horizon, planaient au-dessus des sombres gouffres déserts, fouillaient les eaux livides, appelant de leurs voix muettes et douloureuses.
Pas une voile n’émergeait des abîmes et le silence ne répondit par aucun clapotis de rames.
Vers les cœurs en détresse s’avançait lourdement l’Inconnu.
Alentour quelque chose d’inconcevable s’accomplissait.
C’était comme si soudain le ciel se fût effondré ; les corps gigantesques des nuages fondirent sur la terre et les eaux, en masses monstrueuses de brumes grises.
Un insondable tourbillon s’éleva, ouragan muet de poussière et, silencieusement, les brouillards couvrirent le monde. Ils s’élevaient des eaux en trombe vacillante, montaient de terre, emmêlés, et les inépuisables cratères du ciel soufflaient des colonnes de fumée pâle qui rampait lentement, jaillissait en fontaines, s’épandait de plus en plus largement et coulait sans trêve comme une mer écumante de grisaille et de tristesse.
Les femmes se hélaient entre elles et, errant parmi les tourbillons, s’assemblaient sous la chapelle, se blottissaient contre les murs, s’asseyaient sur le seuil ; leurs aiguilles scintillaient toujours et elles regardaient le monde avec une inquiétude croissante."
Intégral :
http://bibliotheque-russe-et-slave.com/Livres/Reymont%20-...
20:53 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)
BD
"Pourquoi ce jeu de couleurs entre rouge et noir ?
J’ai voulu utiliser un nombre réduit de teintes, pour diriger l’attention du lecteur sur des éléments précis – comme le porte-monnaie ou la robe de Paul, qui symbolisent sa féminité. Mon dessin charbonneux rend bien l’ambiance d’un Paris prolétaire, vers Belleville ou Ménilmontant. Celle d’un monde difficile, où l’on ne progresse pas. J’ai laissé mon trait vivre, sans corriger les pâtés d’encre. Cela collait bien avec la relation imparfaite de Paul et Louise."
http://www.bodoi.info/a-la-une/2013-10-07/chloe-cruchaude...
20:49 Publié dans Bandes dessinées | Lien permanent | Commentaires (0)
14/10/2013
du processus de mort
"Pour reprendre le titre du célèbre roman de Vassili Grossman (11), que Timothy Snyder évoque dans sa conclusion, tous ces noms, qu’ils soient liés aux famines soviétiques du début des années 30, aux «variantes» de la Solution finale ou à l’antisémitisme stalinien du lendemain de la guerre, sont autant de moments où des vies se condensent en destin. Mis bout à bout, ils constituent la réponse – ou le défi acharné – du singulier à la globalité anonyme du processus de mort."
http://www.juanasensio.com/archive/2013/10/12/alice-ferne...
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