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27/10/2007

L'ombre

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Une autre fois, dans ce quartier sinistre,

Nous nous sommes assis sur un banc, à la nuit,

Et le vent qui chassait la pluie,

Les globes des hôtels meublés,

Les marlous aux chandails humides,

Les filles qui nous regardaient

Accumulaient, autour de nous, les maléfices

Dont le cercle se rapprochait,

Alors tu t’es mise à pleurer,

 

A m’expliquer, sans élever la voix,

Qu’un jour tu me délivrerais

De ces larves qui sont en moi…

Tu parlais et la pluie tombait.

C’était la pluie qui te faisait pleurer,

Comme un chagrin que rien n’apaise,

Comme une peine inconsolée.

 

Et la ronde des ombres et des feux des maisons

Tournait infatigablement

Avec ses voyous et ses filles,

Ses bars, où les phonos grinçaient,

En nous jetant quelquefois, par la porte,

Comme l’appel d’une voix morte…

 

La ronde que rien ne lassait,

Tournait et m’emportait, avec toi qui es morte,

Tourne et m’emporte encore, avec tout mon passé,

Hors du temps, hors du monde, hors de tout ce qui est

Ou qui n’est pas, mais que toi, dans l’ombre, tu sais…

Francis Carco

16:35 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2)

L'art et la science

« C’est par le truchement de l’expression artistique que les valeurs les plus hautes acquièrent une signification éternelle et une force capables d’émouvoir l’humanité. L’art possède la faculté illimitée de transformer l’âme humaine — faculté que les Grecs appelaient psychagogia. Seul, en effet, il dispose des deux éléments essentiels à l’influence éducative : une signification universelle et un appel immédiat. Parce qu’il combine ces deux moyens susceptibles de faire autorité sur l’esprit, il surpasse à la fois la réflexion philosophique et la vie réelle. La vie recèle un appel immédiat, mais les événements qui la composent manquent de portée générale : ils s’accompagnent de trop de hasards pour déclencher dans l’âme une vérité profonde et une impression durable. La philosophie et la pensée abstraite participent à l’essence même des choses, encore n’agissent-elles que sur l’homme capable d’user de son expérience personnelle pour leur insuffler la passion et la force de son existence propre. Ainsi la poésie (et l’art) garde l’avantage à la fois sur les enseignements généraux de la raison abstraite et sur les événements contingents de l’expérience individuelle. Elle est plus philosophique que la vie (pour reprendre en un sens plus large l’épigramme d’Aristote), mais d’autre part, vu la vérité spirituelle qu’elle concentre, elle est aussi plus proche de la vie que la philosophie. »

Werner Jaeger, Paideia : la formation de l’homme grec

Lire le dossier sur l’art.

Hubert Reeves

b14eae8cdbe6d3c8bc24238306664ea6.jpgDans votre dernier livre, je crois percevoir une certaine tristesse : en même temps que vous nous dites que la solution est dans la vie passionnée, on voit que vous même vous êtes très déchiré. Je pensais à ce mot de René Char qui me paraissait s’appliquer à vous : " La lucidité est la blessure la plus proche du soleil ". Parce que je vous trouve tellement lucide, et dans votre lucidité, tellement partagé : d’un côté, cette vision positive, cette recherche d’une vie passionnée, d’amour et d’ivresse, qui nous permettrait de franchir cette étape apparemment stagnante de l’évolution pour arriver à un niveau de conscience plus élevé, et d’autre part, cette inquiétude que vous d’exprimez sur la nature humaine qui semble piétiner, tourner en rond.

H.R : C’est pire que ça! Parce qu’en même temps que la nature humaine piétine, les dangers, eux, s’accélèrent. Il y a un tel progrès aujourd’hui des armes, qu’on se demande même si l’amélioration personnelle - qui est la seule solution possible - peut prendre de vitesse la course aux armements. On ne peut pas piétiner, arrêter là et attendre que ça se passe. La menace devient de plus en plus fabuleusement inquiétante : c’est une question de course, et on peut se demander si cette course n’est pas déjà perdue. J’espère toujours que non… (10/11/1986 Jacques Languirand rencontre Hubert Reeves

Hubert Reeves,  l'article en intégralité 

Les oiseaux inquiets eux aussi :

  6cf4bcb71cef8a1e2a974f9c0a35a1a2.jpgLorraine et histoires d’oiseaux par Gilbert Blaising

Au cours d’un récent voyage au Sénégal, je suis tombé par hasard, au bord d’un marigot, sur l’assemblée générale, en plein air, du club des oiseaux lorrains expatriés. Après avoir montré ma carte d’identité prouvant mon domicile et celle d’adhérent à la L.P.O. assurant ma sympathie, ils m’ont accepté comme auditeur libre en leur milieu. Que n’ai-je entendu de récriminations !

La huppe fasciée disait qu’étant de moins en moins nombreuses de son espèce en ces contrées de Lorraine, elle avait de plus en plus de difficultés à trouver un partenaire pour ses noces annuelles, car analphabète, elle n’avait pas accès aux petites annonces.

Le busard cendré se plaignait du manque de nourriture dans les vastes champs de céréales aseptisés qu’il a dû squatter après la destruction de ses marais, la rousserole turdoïde déclarant ne plus savoir à quelle roselière se vouer et la fauvette babillarde (qui, comme tout le monde le sait, a la langue bien pendue) protestant au nom de l’important groupe parlementaire des passereaux, contre la disparition dramatique et incompréhensible des haies.

Chaque fois, l’ignorance et les mauvaises actions des hommes, avec lesquels ils ne demandaient pourtant qu’à s’entendre, étaient en accusation. Mais quel mal, disaient-ils, nous leur faisons donc pour récolter tant d’indifférence à notre sort. Ce n’est pourtant pas de vouloir les distraire par nos vocalises éperdues, ni de leur prêter main forte pour les débarrasser des insectes nuisibles à leurs productions. Dans les rangs des étourneaux et des cormorans, on observait à ce moment…

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05:45 Publié dans Culture | Lien permanent | Commentaires (1)