Jacques Lacarrière
Je suis né d’un songe de la terre
rêvant qu’elle s’unissait au ciel.
J’ai grandi dans l’ombre inquiète de racines
toujours assoiffées d’obscur.
Et j’ai fleuri dans l’allégresse de la sève
et l’offertoire des frondaisons.
Je suis l’axe du monde,
vivant défi des temps carbonifères.
L’alliance de l’ombre et de l’éclair,
le tremplin des orages,
l’esprit des sources et des souffles.
Je suis le sommeil et l’éveil,
le silence et la symphonie.
Je suis l’oratoire des astres,
et mes feuillages s’impatientent des apocalypses à venir.
J’abrite en mes branches l’aspic et l’alouette,
l’ogre et l’océanide,
le singe et la sylphide,
le ver et la vestale.
J’abrite l’hier des fauves,
le présent des oiseaux
et le demain des hommes.
J’abrite le nid des anges et les couvées du ciel.
Je suis l’axe du monde.
Jacques Lacarrière, Terre, dans: A l’orée du pays fertile – Oeuvres poétiques complètes (Seghers, 2011)
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