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29/11/2013

Le Tonton dépecé

Sous l'extrait, le lien du texte intégral

 

"Finalement, notre fier entrepreneur de démolitions n'est qu'un pervers lacrymal, qui planque sa trouille et son vice sous des paletots stylistiques et des prétentions littéraires censées frapper de nullité la morale petite-bourgeoise, à laquelle il aspire pourtant tout entier, que chacune de ses jérémiades invoque pour qu'elle daigne le reprendre et lui accorder un pardon mérité.
Finalement, notre Lovelace aux mille et une maîtresses et amants n'est qu'un vieil homme, désormais, qui réclame le jugement et le pardon et fait absolument tout ce qu'il peut pour procrastiner avec ce qu'il sait constituer son unique salut, intime, visible, évident, à savoir : une solitude rédimée qui ne permettra sans doute pas à son œuvre surestimée de survivre, mais qui conférera, peut-être, un semblant d'honneur à un homme qui, par chacun de ses actes et ses écrits, a bafoué cet honneur.
Finalement, notre libre penseur, notre hérésiarque, notre impénitent mécréant n'est qu'un cathare mal dans sa peau, un jouisseur affamé de chasteté et même de continence, un pervertisseur de l'esprit d'enfance qui confond le respect de la pureté et de l'innocence enfantines avec sa fringale comique et pathétique de baiser un Christ à l'image d'un angelot, un Origène qui attire les badauds en levant bien haut une paire de ciseaux avec laquelle il menace de se châtrer, et qu'il range aussitôt dans la poche de son veston jusqu'à son prochain numéro une fois qu'il a reçu un peu d'attention.
Pauvre Gabriel Matzneff, si pressé de jouir comme un bouc en éternelle érection, pauvre diable affamé de grandeur et de cohérence rimbaldienne, spirituelle donc, qui ne tirera même pas le dernier enseignement de celui qui fut son maître, Henry de Montherlant, qui eut l'élégance de ne pas imposer à ses semblables la vision d'un homme se transformant en pourriture libidineuse."


http://www.juanasensio.com/archive/2013/11/27/les-moins-d...

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28/11/2013

to be one of the guys

"To be one of the guys" est traduit par un simple mot  normal, ici :

"You grow up thinking being recognized all the time will be sweet, but sometimes you just want to be one of the guys."

"Tu grandis en te disant qu'être reconnu tout le temps ça doit être super, mais parfois tu souhaites juste être un gars normal."

Une traduction de Linguee que je trouve bonne. Cette vision de la normalité ici, c'est "être un gars parmi d'autres", c'est-à-dire, ne pas éprouver le besoin de se distinguer quand se distinguer a pour seul motif d'être reconnu tout le temps. Mais ce n'est pas si grave en général, cela peut même donner de bons résultats dans le domaine de l'art j'imagine.

 En dehors du domaine artistique, la quête de reconnaissance peut tourner plus mal, notamment quand elle est "à tout prix", dans ce contexte je n'ai rien contre la normalité. Par contre s'il s'agit d'être normal par peur d'être original, d'inventer, je veux bien la fustiger cette normalité-là. 

 

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24/11/2013

La Peur de Gabriel Chevallier

Extrait :

 

 

Une infirmière apprivoisée en amena une autre, et ainsi de suite. Les conversations commencèrent, je fus entouré et pressé de questions. On m’interrogea sur la guerre :

 

 

 

— Qu’avez-vous fait au front ?

 

 

 

— Rien qui mérite d’être rapporté si vous désirez des prouesses.

 

 

 

— Vous vous êtes bien battu ?

 

 

 

— Sincèrement, je l’ignore. Qu’appelez-vous se battre ?

 

 

 

— Vous étiez dans les tranchées… Vous avez tué des Allemands ?

 

 

 

— Pas que je sache.

 

 

 

— Enfin, vous en avez vu devant vous ?

 

 

 

— Jamais.

 

 

 

— Comment ! En première ligne ?

 

 

 

— Oui, en première ligne, je n’ai jamais vu d’Allemand vivant, armé, en face de moi. Je n’ai vu que des Allemands morts : le travail était fait. Je crois que j’aimais mieux ça… En tout cas, je ne peux vous dire comment je me serais conduit devant un grand Prussien féroce, et comment cela aurait tourné pour l’honneur national… Il y a des gestes qu’on ne prémédite pas, ou qu’on préméditerait inutilement.

 

 

 

— Mais alors qu’avez-vous fait à la guerre ?

 

 

 

— Ce qu’on m’a commandé, strictement. Je crains qu’il n’y ait là-dedans rien de très glorieux et qu’aucun des efforts qu’on m’a imposés n’ait été préjudiciable à l’ennemi. Je crains d’avoir usurpé la place que j’occupe ici et les soins que vous me donnez.

 

 

 

— Que vous êtes énervant ! Répondez donc. On vous demande ce que vous avez fait !

 

 

 

—Oui ? … Eh bien ! J’ai marché le jour et la nuit, sans savoir où j’allais. J’ai fait l’exercice, passé des revues, creusé des tranchées, transporté des fils de fer, des sacs à terre, veillé au créneau. J’ai eu faim sans avoir à manger, soif sans avoir à boire, sommeil sans pouvoir dormir, froid sans pouvoir me réchauffer, et des poux sans pouvoir toujours me gratter… Voilà !

 

 

 

— C’est tout ?

 

 

 

— Oui, c’est tout… Ou plutôt, non, ce n’est rien. Je vais vous dire la grande occupation de la guerre, la seule qui compte : J’AI EU PEUR.

 

 

 

J’ai dû dire quelque chose d’obscène, d’ignoble. Elles poussent un léger cri, indigné, et s’écartent. Je vois la répulsion sur leurs visages. Aux regards qu’elles échangent, je devine leurs pensées : « Quoi, un lâche ! Est-il possible que ce soit un Français ! »

aux Editions France Loisirs, page 146, 147

 

Lu en quatrième de couverture : " Un roman bouleversant paru en 1930, retiré de la vente en 1939, puis oublié. Et enfin réédité."

 

 

 

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