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10/01/2014

paroles du médecin à Valentine

Paroles du médecin à Valentine qui se remet mal d'une congestion cérébrale. Il tente de la motiver à guérir en lui proposant le projet de se rendre au chevet de Bénédict :



 "En ce moment, Valentine ouvrit les yeux et reconnut sa sœur. Après l'avoir embrassée, elle lui demanda des nouvelles de Bénédict. Alors le médecin prit la parole :

 

— Madame, lui dit-il, c'est moi qui puis vous en donner, puisque c'est moi qui l'ai soigné et qui ai eu le bonheur jusqu'ici de prolonger sa vie. L'ami qui vous inquiète, et qui a des droits à l'intérêt de toute âme noble et généreuse comme la vôtre, est maintenant physiquement hors de danger. Mais le moral est loin d'une aussi rapide guérison, et vous seule pouvez l'opérer.

 

— O mon Dieu ! dit la pâle Valentine en joignant les mains et en attachant sur le médecin ce regard triste et profond que donne la maladie.

 

— Oui, madame, reprit-il, un ordre de votre bouche, une parole de consolation et de force, peuvent seuls fermer cette blessure ; elle le serait, sans l'affreuse obstination du malade à en arracher l'appareil aussitôt que la cicatrice se forme. Notre jeune ami est atteint d'un profond découragement, madame, et ce n'est pas moi qui ai des secrets assez puissants pour la douleur morale. j'ai besoin de votre aide, voudrez-vous me l'accorder ?

 

En parlant ainsi, le bon vieux médecin de campagne, obscur savant, qui avait maintes fois dans sa vie étanché du sang et des larmes, prit la main de Valentine avec une affectueuse douceur qui n'était pas sans un mélange d'antique galanterie, et la baisa méthodiquement, après en avoir compté les pulsations.

Valentine, trop faible pour bien comprendre ce qu'elle entendait, le regardait avec une surprise naïve et un triste sourire.

 

— Eh bien, ma chère enfant, dit le vieillard, voulez-vous être mon aide-major et venir mettre la dernière main à cette cure ?

 

Valentine ne répondit que par un signe d'avidité ingénue.

 

— Demain ? reprit-il

 

— Oh ! tout de suite ! répondit-elle d'une voix faible et pénétrante.

 

— Tout de suite, ma pauvre enfant ? dit le médecin en souriant. Eh ! voyez donc ces flambeaux ! Il est deux heures du matin ; mais si vous voulez me promettre d'être sage et de bien dormir, et de ne pas reprendre la fièvre d'ici à demain, nous irons dans la matinée faire une promenade dans le bois de Vavray. Il y a, de ce côté-là, une petite maison où vous porterez l'espoir et la vie.

 

Valentine pressa à son tour la main du vieux médecin, se laissa médicamenter avec la docilité d'un enfant, passa son bras autour du cou de Louise, et s'endormit sur son sein d'un sommeil paisible."

 George Sand

11:23 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

08/01/2014

Le petit matin

La veillée d'hier, je l'ai passée à lire quelques pages de plus du roman Monsieur Ouine. Ce que la lectrice que je suis comprend maintenant,  ou pense avoir compris, dans ce roman me paraît presque incommunicable. Une impression d'entrer dans le secret par la porte dérobée. J'ai mis une note succinte hier soir sur ce moment de lecture.


Ce matin :  Valentine de George Sand, dont voici un extrait :



"Louise était bien malheureuse. En voyant de quel amour Bénédict était capable, elle apprenait à connaître ce jeune homme qu'elle avait cru, jusque là, plus ardent que sensible. Cette puissance d'aimer, qu'elle découvrait en lui, le lui rendait plus cher ; elle mesurait l'étendue d'un sacrifice qu'elle n'avait pas compris en l'accomplissant, et pleurait en secret la perte d'un bonheur qu'elle eût pu goûter plus innocemment que Valentine. Cette pauvre Louise, dont l'âme était passionnée, mais qui avait appris à se vaincre en subissant les funestes conséquences de la passion, luttait maintenant contre des sentiments âpres et douloureux. Malgré elle, une dévorante jalousie lui rendait insupportable le bonheur pur de Valentine. Elle ne pouvait se défendre de déplorer le jour où elle l'avait retrouvée, et déjà cette amitié romanesque et sublime avait perdu tout son charme ; elle était déjà, comme la plupart des sentiments humains, dépouillée d'héroïsme et de poésie. Louise se surprenait parfois à regretter le temps où elle n'avait aucun espoir de retrouver sa sœur. Et puis, elle avait horreur d'elle-même, et priait Dieu de la soustraire à ces ignobles sentiments. Elle se représentait la douceur, la pureté, la tendresse de Valentine, et se prosternait devant cette image comme devant celle d'une sainte qu'elle priait d'opérer sa réconciliation avec le ciel. Par instants elle formait l'enthousiaste et téméraire projet de l'éclairer franchement sur le peu de mérite réel de M. de Lansac, de l'exhorter à rompre ouvertement avec sa mère, à suivre son penchant pour Bénédict, et à se créer, au sein de l'obscurité, une vie d'amour, de courage, et de liberté. Mais ce dessein, dont le dévouement n'était peut-être pas au-dessus de ses forces, s'évanouissait bientôt à l'examen de la raison. Entraîner sa sœur dans l'abîme où elle s'était précipitée, lui ravir la considération qu'elle même avait perdue, pour l'attirer dans les mêmes malheurs, la sacrifier à la contagion de son exemple, c'était de quoi faire reculer le désintéressement le plus hardi. Alors Louise persistait dans le plan qui lui avait paru le plus sage : c'était de ne point éclairer Valentine sur le compte de son fiancé, et de lui cacher soigneusement les confidences de Bénédict. Mais, quoique cette conduite fût la meilleure possible, à ce qu'elle pensait, elle n'était pas sans remords d'avoir attiré Valentine  dans de semblables dangers, et de n'avoir pas la force de l'y soustraire tout à coup en quittant le pays."

George Sand

 

20:18 Publié dans Lecture, Note | Lien permanent | Commentaires (0)

07/01/2014

La veillée

Début de soirée avec le roman Monsieur Ouine de Bernanos dont j'ai continué la lecture, j'en étais arrivée au moment où Steeny a quitté Guillaume. Sur la route Ginette dite "Jambe de laine" l'interpelle et lui confie un message à transmettre à Monsieur Ouine, une sorte de menace déguisée peut-être.

 Les choses commencent à devenir plus claires pour moi à partir du paragraphe suivant, qui débute ainsi :

 

"Ils ont porté le petit cadavre dans la salle de la mairie, sur la table hâtivement dépouillée de son tapis vert. A droite le garde champêtre a rangé les deux souliers, face à face, et qui ont l'air de se faire signe l'un à l'autre, de leurs semelles tordues. C'est tout. Un charretier des Croules, un ivrogne, l'a trouvé ce matin par hasard, juste au ras de l'étang, sous les ronces, nu. "le courant l'a déshabillé pour sûr, un fameux courant ! L'eau bouillait autour comme de la bière." Mais au premier coup d'œil il a reconnu le valet des Malicorne, un gamin bien honnête, pas vicieux. Tonnerre ! Sa pauvre tête n'était qu'une boule de vase et de cailloux. "Je l'aurai cru décapité, c'pauvre fieux !" dit-il."

 Bernanos annonce la mort terrible de cet enfant puis s'en écarte, parle du maire, en dresse un portrait  inquiétant. Le personnage est ainsi présenté au lecteur cette fois, tant et si  bien que le petit mort passe presque à la trappe, mais Bernanos revient à lui par cette scène très cinématographique : "Antoine, un peu de tenue que diable ! Respect au mort." Il s'agit du vieux garde champêtre qui dort et ronfle  à côté du petit cadavre et que le maire vient d'interpeler. Va bientôt s'ensuivre un dialogue entre le médecin très mondain et  émoustillé par l'événement et le maire, préoccupé de lui-même et de son sort avant tout. Indifférence totale  pour le destin tragique du gamin de la part des protagonistes.  Ginette dite "Jambe de laine" arrive quelques minutes plus tard, tenant serré un petit paquet avec les vêtements du mort.  Ginette est une sorte de grand oiseau déboussolé, qui tente vainement de dire sa détresse, personne ne la prend au sérieux, elle est considérée comme folle,  une folle qui de plus accuse maintenant formellement Monsieur Ouine, (homme qui, lui, est respecté au village), d'avoir tué l'enfant. L'humanité arrive cependant enfin par cette "folle", la seule à compatir pour le gamin.

Je renoue avec le grand Bernanos. Mais c'est assez pour ce soir.

23:16 Publié dans Lecture, Note | Lien permanent | Commentaires (0)