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18/02/2014

Problème de générations ? video en fin de "post"

"Dieu, qu'il a peur de mourir ! Qu'il est seul ! Appartient-il réellement, ainsi que le veut Philippe, à une génération malheureuse, expiatoire ? Le mot de malheur ne lui présente rien d'exaltant, il n'éveille pour lui que des images sordides de malchance, d'ennui, et ces catastrophes prochaines que prédisent inlassablement ses aînés ne lui inspirent aucune espèce de curiosité."

 

extrait du roman de Bernanos Un mauvais rêve ; plus loin Bernanos va encore parler de la confrontation de deux générations qu'une guerre sépare (la guerre 14-18) : les plus vieux ont échappé à cette boucherie grâce à leur âge, les plus jeunes, pour la plupart, y ont péri atrocement et ceux  qui réchappent ne sont pas loin de penser ou "d'arrière- penser" que leurs aînés n'ont pas su les protéger, voire, les ont peut-être cyniquement envoyés au casse-pipe.

Bernanos est de ceux qui y sont allés et en sont sortis, ce ne fut hélas pas le cas pour Alain Fournier, l'auteur du Grand Meaulnes, un des livres que j'aime le plus.  Voici un deuxième petit extrait où se pose à nouveau le problème de ces deux générations :

 

La secrétaire du vieil écrivain Ganse parle à celui-ci de son nouvel et jeune employé :

 

" — (...) Vous jugez Mainville sans le comprendre. Et il ne faudrait pas seulement le comprendre, il faudrait l'aimer. Mais jamais deux générations ne se sont épiées avec plus de haine sournoise, des deux côtés de ce trou noir d'où monte encore après tant d'années l'odeur des millions de cadavres — l'affreux crime dont vous n'osez pas ouvertement vous jeter la responsabilité à la face. Pauvres gosses ! S'ils sont venus au monde avec cette grimace dégoûtée qui vous déplaît si fort, c'est que le monde sentait mauvais ! Oui, j'aurais voulu que vous l'entendiez l'autre jour, je ne trouvais rien à répondre. Mon Dieu, ce qui leur a manqué sans doute c'est l'homme de génie qui eût parlé en leur nom, les eût justifiés en vous accusant — et ils l'attendront toujours... Mais après tout, qu'importe ! Débrouillez-vous ensemble, les femmes sont hors du débat. Ce que je tenais à vous dire...

— Magnifique ! fit-il. Ce que vous venez de dire est magnifique. N'ajoutez pas un mot. Quel sujet, mon enfant ! Voilà le live qu'il faut écrire, que nous écrirons ensemble. (...)"

 

Alors que les jeunes d'aujourd'hui seraient plutôt "accusés", dirait-on bien souvent en tout cas, par les plus vieux,  des crimes, erreurs ou fautes  commis par ceux des générations qui les précèdent. Les jeunes se sentent ainsi culpabilisés et ce n'est pas par manque de subtilité de leur part à mon sens.

 

Qui est coupable ? Ceux qui vont à la guerre sous peine, sinon, d'être immédiatement fusillés (comme ce fut le cas souvent lors de la guerre 14-18) ou ceux qui déclenchent les guerres par une suite de comportements inadmissibles ?

 

 

 

 

 

 

 

 

J'ai mis cette video après visite d'un blog qui s'était mis sur ma liste des "derniers blogs mis à jour", où je l'ai trouvée. Pas grand chose à voir avec le thème des générations abordé précédemment, c'est donc un virage vers un autre thème  mais qui débouche lui aussi sur la réalité d'une guerre : latente ou sous-jacente, celle-là, du fait que l'euro ne pacifie pas, au contraire.

 

 J'ai entendu ce matin à la radio que cela va mieux pour les Grecs, qui bénéficient du tourisme recrudescent "grâce" à celui qu'on ne fait plus dans les pays méditerranéens en guerre (guerres plus sanglantes et visibles celles-là).

 

Video prise un peu par hasard, qui me fait rebondir sur des recherches concernant Emmanuel Todd, dont j'apprends qu'il est parent avec Nizan, un écrivain qui se frotta aux titans de la politique, quel courage !  Il s'y frotta donc et voici un aperçu des tourments dont il fut l'objet :

 

"La mémoire de Nizan et le PCF

 

À la suite de sa rupture avec le communisme, il subit des attaques nombreuses et violentes de la part du parti : en mars 1940, Maurice Thorez signe, dans le journal Die Welt, l'édition allemande de l'organe de la Troisième Internationale, un article intitulé « Les traîtres au pilori », et qualifie Nizan « d'agent de la police ». Durant l'Occupation, un texte émanant du PCF clandestin parle du « policier Nizan ». L'offensive s'amplifie après la guerre ; Louis Aragon participe activement à la marginalisation de Nizan avec son livre Les Communistes (1949), roman dans lequel il apparaît comme un traître sous les traits du policier Orfilat.

 

C'est la réédition, en 1960, d'Aden Arabie, avec une préface de Jean Paul Sartre, qui permet la réhabilitation de l'écrivain. Sartre décrit ainsi l'acharnement du Parti Communiste à l'encontre de Nizan : « C'était la faute inexpiable, ce péché de désespérance que le Dieu des chrétiens punit par la damnation. Les communistes ne croient pas à l'Enfer : ils croient au néant. L'anéantissement de Nizan fut décidé. Une balle explosive l'avait, entre tant, frappé derrière la nuque, mais cette liquidation ne satisfit personne : il ne suffisait pas qu'il eût cessé de vivre, il fallait qu'il n'eût pas du tout existé. On persuada les témoins de sa vie qu'ils ne l'avaient pas connu pour de vrai : c'était un traître, un vendu. »

 

 

En 1966, pour la réédition des Communistes, Aragon supprime le personnage d'Orfilat. À la fin des années 1970, le PCF accepte de remettre en cause les accusations qu'il avait portées contre Paul Nizan." Wikipedia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Nizan

 

 

10 heures : je viens de faire un plat de lentilles à la tomate pour midi, avec des champignons dedans... hum ! Ce faisant, j'écoutais la radio. Où j'ai entendu des choses sur des internautes qui furent traités d'ordures par un journaliste me semble-t-il, on cita des noms, les ordures furent nommées. Très violent tout ça, et froid... brrr.... Ensuite une invitée, ministre, déclara quelque chose :  "la mondialisation, comme on dit..." elle a prononcé drôlement le mot,  si bien que sur le coup j'ai entendu "l'immondialisation". La ministre eut la voix qui trembla en parlant bientôt d'enfants qui furent pris injustement à leur famille en un temps obscur. L'Etat va reconnaître sa faute, celle en fait de ceux d'avant, qui ont commis ces actes honteux.

Certes, on ne peut revenir sur les faits, mais c'est toujours ça de savoir que telle ou telle choses se sont produites. Le problème qui se pose toujours en réalité est le décalage énorme, concernant les erreurs : l'Etat français aujourd'hui reconnaîtra et prendra sur lui les erreurs actuelles dans vingt ans, peut-être... en attendant il faut subir. À moins que d'ici là les choses se soient empirées et que plus personne ne se souciera des erreurs commises par le passé. Il peut toujours y avoir pire, comme il est coutume de dire à ceux qui ne manquent pas de pessimisme et d'un certain bon sens.

Pour l'heur, dans le présent politique de ma douce France, continuent ce que j'estime être des dénis de réalité. D'où que les politiques en place, souvent, ennuient avec des propos formatés, ou alors, à l'inverse, peuvent provoquer la violence verbale d'adversaires qui se sentent d'autant plus impuissants qu'ils sont qualifiés d'ordures à la radio, sans droit de réponse sur l'antenne, et en payant la redevance. Comme quoi, malgré tous les moyens de communication, mais en quelque sorte, "grâce à eux", ce qui se reflète surtout est  l'incommunication, source s'il en est de violence. Les puissants n'entendent pas les "ordures" qui à leur tour insultent.

 

Violence notamment à propos de "choix de société"...

J'estime, et ce, sans que personne ne m'ait demandé un quelconque avis, pour ma propre gouverne et celle éventuellement de lecteurs attentifs aux insectes,  que dans la limite du possible, chaque vision ne devrait pas s'imposer comme l'unique, la bonne... avec loi à l'appui pour la vision gagnante. 

 

Par exemple, les familles qui s'estiment exemplaires, au lieu de s'offusquer avec force cris et slogans inutiles, devraient pouvoir proposer leur aide à ceux qui auraient besoin d'un coup de main.  Pas plus compliqué que cela à la réflexion. Prenons l'IVG, ceux qui se scandalisent de cette pratique, bien triste il est vrai, pourraient avoir la possibilité de recueillir l'enfant  dont un couple ne veut pas pour une raison ou une autre. De l'accueillir humainement s'entend, avec amour. Si cette possibilité là existait vraiment, preuve éclatante de l'existence de la fraternité entre les  hommes,  il y aurait chute de l'IVG au niveau zéro à mon avis.  Mais est-ce bien sûr que ceux qui s'offusquent aujourd'hui contre cette pratique de l'IVG offriraient un accueil durable à l'enfant potentiel dont les parents biologiques ne veulent pas ? 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

 

  

17/02/2014

Avait-elle prémédité ce geste ... ?

Extrait d'Un mauvais rêve, de Bernanos.

 

"Ce secret, d'ailleurs, ne lui déplaît pas. Il a pris l'habitude des demi-confidences, qu'elle ne semble jamais provoquer mais dont elle lui a donné le goût, car elle sait les interrompre à la minute qu'il faut, et ses graves silences sont plus caressants que ses mains. Dans son appartement minuscule de la rue Vanneau, le coffret d'Abdullah est toujours plein, le cocktail préféré vient se poser comme de lui-même sur la petite table. Elle a une manière à elle, qui n'appartient qu'à elle, de lui parler de son passé, de son enfance, de refaire de lui l'adolescent. Et un jour, un jour entre les jours, elle lui a tendu sans mot dire la petite boîte plate, le faux briquet d'or fait pour dérouter les indiscrets, rempli d'une poudre blanche.

 

Avait-elle prémédité ce geste, scellé ainsi leur muette complicité ? Il s'est posé la question bien des fois, sans pouvoir y répondre. Probablement a-t-elle cru à ses vantardises, car il feint excellemment les vices qu'il ignore. Mais à la première prise, pourtant médiocre, dès qu'elle a vu flotter son regard et son joli visage tout à coup livide, pétrifié, elle a sûrement compris, bien qu'elle n'en ait rien laissé paraître. Et depuis elle ne lui tend plus que rarement la boîte d'or. Il doit s'approvisionner à grands frais auprès d'intermédiaires qu'il abhorre, car il garde de son éducation provinciale une insigne maladresse à utiliser les entremetteurs, tour à tour trop dédaigneux ou trop familiers, alors que Philippe, qui tutoie volontiers ces canailles, sait pourtant à merveille, d'un simple haussement d'épaules, "prendre ses distances" —  selon son expression favorite.

 

Prendre sa distance, voilà ce que Mainville n'a jamais su, en effet. Six semaines de Paris ont suffi à faire voler en éclats l'ironie empruntée jadis à ses auteurs préférés, et qui lui semblait une arme si sûre. "Vous n'avez pas le punch, que voulez-vous !" remarque le neveu de Ganse, avec pitié. Et il explique charitablement que "cela n'a pas d'importance", appuyant l'argument de ce regard qui s'échappe soudain, pâlit, fait dire aux amis du vieux Ganse que le garçon finira mal. Sa conversion au communisme ne lui a valu d'abord que des attentions flatteuses, et les faveurs de la princesse de Borodino qu'un bref séjour à Moscou vient d'enrager pour Staline. Mais il n'a pas pris longtemps au sérieux son rôle d'intellectuel du Parti, et il fréquente à présent des dissidents obscurs, suspects de terrorisme et qui ne sont même pas pédérastes...

 

Le soir descend, invisible comme toujours, semble couler des façades trempées de pluies et Mainville pense à l'autre soir en regardant cligner l'œil unique, fulgurant, du bar-tabac. Comme de lui-même son mince doigt s'est porté à sa tempe et il compte machinalement les pulsations de l'artère chaque jour plus précipitées, plus brèves, avec des pauses insolites, de longs silences qui lui font monter la sueur au front. Dieu, qu'il a peur de mourir ! Qu'il est seul ! Appartient-il réellement, ainsi que le veut Philippe, à une génération malheureuse, expiatoire ? Le mot de malheur ne lui présente rien d'exaltant, il n'éveille pour lui que des images sordides de malchance, d'ennui, et ces catastrophes prochaines que prédisent inlassablement ses aînés ne lui inspirent aucune espèce de curiosité. La guerre ? Encore ? Si loin qu'il remonte dans son passé, il ne peut guère aller au-delà de 1917. Sa mère est morte un an plus tôt, dans un sanatorium suisse, et de cette pâle figure il ne se souvient pas. Le père n'a pas longtemps survécu, tué par une granulie foudroyante qui a dévoré en quelques semaines ses poumons déjà rongés par l'ypérite. La grand-tante que la famille appelait tante Voltaire, car, elle tenait de son mari défunt, procureur à Aix, des opinions républicaines, l'a recueilli un moment, mais elle ne l'aime guère et après un bref passage au collège de Mézières, il s'est retrouvé un jour dans le presbytère du charmant vieux prêtre tourangeau, maniaque d'archéologie et de littérature, qui lui a fait cinq bienheureuses années de loisir, sous ce ciel amollissant, au bord de ces vastes et lentes eaux. Etrange prêtre avec son regard voilé, si doux, si tendre, couleur de violette, son indulgence mystérieuse, et ce sourire, tellement plus usé que le regard, usé d'avoir vu trop de choses, d'avoir trop vu la vie, trop longtemps.. Avait-il la foi ? se demande quelquefois Mainville. En tout cas celle d'Olivier s'est effacée jour après jour, et il n'a même pas pris la peine d'en informer son vieux compagnon, qu'il accompagnait chaque dimanche, en bâillant, à la chapelle des dames de Sion, dont il était l'aumônier et qui réservaient pour lui les meilleures bouteilles de ce vin gris dont il était si friand. Trop friand, hélas ! car il est mort d'une crise foudroyante d'urémie, un soir d'été, dans un fauteuil, tenant serrée sur sa poitrine une précieuse édition des Fables de La Fontaine, un exemplaire unique qu'il tenait du marquis de Charnacé, son prédécesseur à la présidence de la Société archéologique de Saumur.

 

Mainville a passé près de sa tante deux années mi-parties blanches et noires. Entre cette vieille femme et lui, aucune tendresse mais une curiosité réciproque. Dès le premier jour les yeux gris, chargés d'une expérience implacable, ont reconnu sa faiblesse et elle l'a traité avec une sollicitude railleuse et despotique, l'ironie familière qu'elle accorde à ses animaux favoris. "Je te croyais un enfant de chœur", disait-elle parfois en hochant la tête, et son regard faisait rougir l'enfant jusqu'aux oreilles. Visiblement, elle retrouvait en lui quelque chose de son propre goût du plaisir, mais le tempérament, hélas ! est celui de sa mère. "Ta mère ! une si petite nature !" Elle lui disait encore : "A vingt ans, je t'aurais haï, mon cher !" Aujourd'hui, elle le juge un compagnon possible — faute de mieux — un alibi à l'ennui qui la dévore, et qu'elle n'avoue jamais... Ils lisaient ensemble des livres  envoyés chaque quinzaine par le libraire de Meaulnes qui ressemble à Anatole France dont il a le culte, et qu'il s'efforce d'imiter en tout, au point d'engrosser ses bonnes.

 

Il a quitté la maison grise sans joie, bien que le monde s'étonnât qu'il eût pu vivre deux ans auprès de la châtelaine dont l'avarice et la méchanceté sont légendaires, car elle utilise ces deux vices-là, comme les autres d'ailleurs, au soin de son repos et les arbore avec un cynisme calculé qui éloigne les importuns. Paris l'attirait pourtant. Il apparaissait dans ses pensées ainsi qu'une terre d'élection, favorable aux entreprises des jeunes garçons. Le hasard l'a conduit chez Ganse — une interview pour Art et Magie —  et il y est resté parce que sa faiblesse a besoin d'un maître et que sa vanité ne saurait subir un maître qu'il ne se croirait pas le droit de mépriser. Par quelle fatalité s'est-il senti glisser peu à peu vers ces régions troubles pour lesquelles il ne se sent pas fait, où le tragique et le burlesque épanouissent côte à côte leurs fleurs monstrueuses ? Hélas ! c'est qu'il est réellement impuissant contre la grossièreté de la vie quotidienne, son énorme voracité. Nul ne se doute au prix de quel immense effort les frivoles viennent à bout de leur destinée, alors que le drame est à l'affût derrière chacun de leurs plaisirs et qu'ils doivent passer en souriant, plusieurs fois par jour, à portée de sa gueule béante, sûrs d'ailleurs d'y tomber tôt ou tard, car on compte ceux qui tiennent la gageure jusqu'au bout, échappent à la tendre majesté de l'agonie, réussissent à faire de leur propre mort une chose impure." 

 

  

 

  

 

 

 

 

 

 

09:45 Publié dans Lecture, Livre | Lien permanent | Commentaires (0)

13/02/2014

spécialistes et pas spécialistes

"Spécialiste de philosophie politique et d'éthique appliquée, Corine Pelluchon est radicalement opposée à l'euthanasie involontaire, parce que la mort est « inappropriable » et qu'« on ne choisit pas le jour et l'heure de la mort d'un autre ». Elle réfute également la plupart des arguments destinés à légaliser le suicide assisté, notamment parce que la dépénalisation risquerait d'induire une demande de mort chez des patients qui vivent dans des conditions misérables.

Malgré certaines oppositions marquées, il s'agit d'un dialogue mesuré entre deux libéraux attachés aux libertés individuelles. Mais aussi parce que Corine Pelluchon fut l'élève d'André Comte-Sponville. Et que celui-ci permit à toute une génération de « penser sa vie et de vivre sa pensée » dans le respect et la déprise de la maîtrise." Le Monde

 

Il s'agit de la vie ou de la mort de Vincent Lambert. Imaginez une mère ou un père ou encore une sœur, un frère, un compagnon, un être humain tout simplement,  vivant quelque part sur une terre épargnée ; épargnée, si bien que, même sans être riche, il peut se nourrir et se loger sans problème, lui et éventuellement sa famille. Travailler peut-être aussi. Le voici obligé de recueillir chez lui — en raison des circonstances, mettons —  un autre être humain qui vient d'avoir un terrible accident et se trouve dans le coma. Il a de la place et les moyens de maintenir en vie la personne mais pas le pouvoir  de la ramener à l'état de pleine conscience  et d'autonomie. Les médecins lui disent qu'ils ne peuvent rien faire de plus que lui  pour la personne qu'il  a recueillie chez lui. Je fais quoi à la place de celui qui a recueilli l'accidenté ? Eh bien, comme à peu près tout le monde vivant sur une terre épargnée (c'est-à-dire pas ultra-civilisée) et qui a les moyens. Je ne  laisserais pas mourir la personne tant qu'elle respire à moins qu'elle ne me signifie par des réactions physiques qu'elle ne supporte pas une douleur que ni moi ni la médecine ne pourraient soulager. Si donc, la personne ne souffrait pas physiquement, ou alors de façon supportable, je ferais en sorte de lui faire  percevoir des choses agréables... fleurs parfumées (légèrement), sensations sur la peau, odeur du pain, du café, lectures peut-être par des gens différents, des voix différentes : graves, rocailleuses, voilées, haut perchées (pas trop), des intonations différentes, de la musique, surtout pas trop fort et à arrêter dès le moindre signe d'intolérance. Instinct naturel de la part de toute personne qui vit correctement. La question est donc pour moi de savoir ce qui rend les gens barbares ? Le manque de repère qui  finit par  dénaturer les personnes ? La civilisation de l'argent qui police les gens et les assèche, de l'ordre, de la propreté. Mais dans les draps blancs, renouvelés chaque jour, un homme ou une femme de cette civilisation peut avoir  faim et soif jusqu'à ce que mort s'ensuive (ce qui doit être assez long et douloureux) par décision d'un groupe d'hommes "habilités" à prendre pareille décision.

 

11:42 Publié dans Lecture, Note | Lien permanent | Commentaires (0)