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11/11/2014

Docteur Watson

On ne pouvait pas mieux dire à mon sens que ce que Télérama a dit de ce film : Breaking the waves :

 

"Genre : mélo.

« Il s'appelle Jan. » La confession de Bess fait l'effet d'un lance-flammes, dans cette austère église écossaise. Sous son bonnet de laine rêche, la jeune fille roule des pensées interdites par la morale locale. L'objet de sa passion lui est livré du ciel, par hélicoptère : un Viking gigantesque, employé sur les plates-formes du grand large. Mariage. Amour fou. Jusqu'au jour où l'hélicoptère rapatrie Jan à Bess. Le colosse a reçu un pylône sur le crâne. Les amoureux sont désormais à égalité, avec leurs caboches qui ne tournent pas rond... Breaking the waves décrit l'éveil d'une femme que le puritanisme a littéralement dépecée. Bess vit à fleur de peau. Les gestes de tous les jours deviennent tous sensuels, irrémédiablement liés à sa passion pour Jan. Emily Watson est inoubliable, avec ses regards par en dessous et ses fous rires intérieurs. En mouvement permanent, elle a toujours l'air de ressentir les choses pour la première fois. Est-ce cette renaissance perpétuelle qui rend le film si poignant, si vivace ?"

 

Je l'avais déjà vu en DVD, trouvé à la médiathèque de Béthune. Mais ni Pat ni moi nous souvenions clairement de ce film désormais inoubliable. La seconde fois, sans trivialité, peut être mieux que la première parce que l'on se pose plus de questions sur soi par rapport au film, et sur le fonctionnement de notre mémoire propre. Comment avais-je pu oublier par exemple ce visage qui tient à la fois de la comedia del arte, du mime Marceau, et de quelque chose de plus introverti, qui affleure par des sourires et des regards en dessous ? Un don que de savoir jouer à ce niveau. Les fou rires intérieurs comme dit le critique de Télérama, oui, bien vu l'artiste ! comme si elle n'était pas seulement en dialogue extraverti entre le Moi et le Surmoi quand elle s'adresse à Dieu tel qu'elle l'imagine mais qu'un dialogue sous-jacent plus profond entre elle et l'indicible se faisait. Dieu pour Bess est un policier d'une austérité rare, elle se fait petite, elle est dans ses petits souliers face à lui, sa voix se brise devant lui, comme celle d'un petit prolo face à un patron dont on implore la clémence... c'est vrai, tout cela semble avoir fatigué tout son être, l'avoir mise à fleur de peau. Sa sensibilité à cet égard l'aura sans doute anormalisée. Son psychiate à la fin ressent cela comme de la bonté. Car Bess se donne à fond, le colosse Dieu elle compte qu'il la prendra en pitié et lui accordera la guérison de l'autre colosse, de chair et d'os. Rébellion vers la fin contre les pasteurs dont elle dénonce l'absence de sensualité du fait qu'ils ne se fient qu'aux mots, c'est absurde leur dira-t-elle. Et pour finir, elle s'immole comme l'agneau pour son amour, elle se livre aux bourreaux... et doute quand elle voit, en agonie,  que cela n'aura pas apparemment rétabli  son bienaimé. Et que voit-on en conclusion, ou plutôt qu'entend-on ? Les cloches tinter, carilloner, comme signe pour les amis de Bess, qu'elle a rejoint le ciel. Le mariage avec Dieu a réussi mieux que son mariage sur terre, c'st ainsi que l'interprètent ses amis car le signe est fort : Bess regrettait beaucoup que le clocher de son village n'eût pas de cloches, notamment à la célébration de son mariage avec le viking. Ce dernier fut-il à la hauteur de l'amour de Bess, peu à peu il l'a égalée en sensibilité puisqu'il l'a soutirée à la malédiction des bigots. 


En savoir plus sur http://television.telerama.fr/tele/films/breaking-the-waves,8638.php#iJZAJl7Ctr7QLM12.99
 

 

10/11/2014

Du gris souris au bleu lumineux

En sortant ce matin direction le marché, j'ai découvert un ciel "bleu d'Avignon" qui rayonnait sur la ville,  "bleu d'Avignon" en référence à l'hiver que nous passâmes à Avignon mon ami et moi,  fin des années soixante-dix, où le ciel fut toujours d'un bleu limpide et intense durant toute la saison automne-hiver dans mon souvenir. Il arrive que Béthune bénéficie d'un tel ciel et lors de ces manifestations la ville en est toute métamorphosée. La brique rouge prend une nuance orange lumineux, zébrée des ombres que projette le soleil. La ville sourit, les gens se regardent plus qu'à l'ordinaire. Moins de têtes d'enterrement que nous réserve plus souvent le gris, si "souris" soit-il.  Et l'air était doux... le marché fut vite fait. Je passai devant la marchande de poulets en train de discuter avec une dame qui lui disait des douceurs dans un picard, ou patois, hardi et énergique, le compliment avait la  tournure  d'une enguelade pour les non habitués, en fait, sous cape c'était la tendresse. Je passai et continuai jusque les anciens marchands de tissu, qui se reconvertirent en marchand de tapis, et qui sont  maintenant  marchands de souliers à six euros, et dix pour deux paires achetées. Un couple inséparable de fieffés dégourdis, je ne sais pas où ils vont dégotter leurs produits divers et variés,  solides ma foi et originaux. Je me  souviens que dans le temps de la vente de tissus, ceux-ci avaient été mis au rebut parce que par exemple, ils avaient déteint. Mais avec  quelques mètres de leurs tissus  déteints, j'avais confectionné des rideaux aux couleurs bleues et blanches douces, reposantes. Je les ai gardés longtemps. Voilà qu'aujourd'hui je leur ai acheté des souliers à échasse. Je ne sais pas ce qui m'a pris, avec déjà mon mètre soixante-dix de hauteur. Je vaquai enfin du côté de la fripe où je dégottai un étonnant manteau rouge coquelicot, coupé dans un style duffle-coat léger, bien doublé, qu'un homme à l'accent algérien me vendit pour cinq euros "sonnants et trébuchants"... pas voleur pour un sou l'homme en question, et il me  souhaita une bonne journée par-dessus le marché, sous le ciel "bleu d'Avignon"... j'étais comblée et parée pour ce qui suit :   direction le cabinet de la dentiste avec laquelle j'avais dûment pris rendez-vous. J'y découvris un milieu de femmes, hormis les patients qui sont quelquefois des hommes ; dans la salle d'attente je feuillette une revue intitulée "obsession" où il n'y a que des photos de femmes jeunes et toutes fort belles, un peu comme si les vieilles dames devaient rester à la niche ... quand même elles n'en auraient pas envie. Une ambiance d'étudiantes concentrées, sages comme des images,  ces praticiennes sont jeunes elles aussi, débutent dans le métier croirait-on. Bref, fraîcheur et équilibre, et moi, et moi, et moi... qui les regarde avec un étonnement discret  du haut de mes échasses. Hélas dans cette harmonie de femmes tranquilles comme de jolies moniales, le son strident de la roulette s'est fatalement fait entendre me rappelant que j'étais bien dans un cabinet de dentiste. D'ailleurs, avant cela, il y avait eu un coup de semonce avec  la radio : j'étais seule dans une pièce exigüe, debout, serrant une barre métallique de chaque côté, et "mordant" comme il m'avait été demandé une languette de plastique, le menton posé sur un machin-chose,   une sorte de machine me   bourdonnant de façon assourdissante autour de la tête : j'ouvris les yeux à la fin et vis derrière un hublot la belle moniale   dont le regard bleu  souriait avec, me sembla-t-il, un peu  d'ironie. Je suis ressortie de ce frais couvent-cabinet de dentiste un peu désorientée, les oreilles cassées mais éblouie par l'étrange sagesse, tout en hauteur quelque part,  émanant des jeunes femmes ... quelque peu déstabilisée sur mes échasses de héron. Je suis sensible au bruit que voulez-vous ; la prochaine fois, c'est-à-dire, très bientôt, j'emmène les boules quiès et je lis sur leurs lèvres, qu'elles ne peignent pas soit dit au passage, car elles ont une joliesse tout ce qu'il y a de plus naturel. Une fois rentrée à la maison après une heure passée dans le parc à frissonner sur un banc, tête nue dans mon duffle-coat rouge coquelicot,  dont je n'avais pas relevé la capuche, à lire mon Féval, je décide d'écouter un brin de radio et là, j'entends un personnage qui pourrait rappeler un Henry de Lagardère des temps modernes, car le jeune homme, intrépide,  se rend en Syrie en tant que reporter,  alors même que tout à chacun, craint à raison de s'y faire couper la tête. C'était sur France Culture, Les pieds sur terre. Le jeune homme a même écrit un conte pour sa fille semblerait-il,  qui va s'intituler "Papa Hérisson va-t-il rentrer à la maison ?" Je vais tenter de podcaster.       

15:54 Publié dans Note | Lien permanent | Commentaires (0)

Ne voyez-vous pas, voulut dire Peyrolles...

Extrait du Bossu de Féval, page 365, mais avant, cette courte note :

Dès qu'il est tombé en amour pour l'enfant dont il est devenu le tuteur d'une façon rocambolesque, Henry de Lagardère se pacifie au niveau des duels où il excellait.  Il était un guerrier quelque peu aveugle avant cette rencontre quasi fusionnelle avec Aurore, bien qu'en cette circonstance,  l'enfant se trouvait endormie dans ses bras. Mais Lagardère va se découvrir également  une immense estime et amitié pour le père de celle-ci, Nevers,  homme qui reçoit un coup de tranchant d'épée dans le dos, à peine Lagardère s'était-il chargé de son enfant. Alors que Lagardère, en premier lieu,  était venu provoquer Nevers et le tuer en duel, le caractère même de Lagardère change en la présence de la petite fille, Aurore symbolise l'innocence et par là devient l'ange protecteur à protéger cependant. Et quand les ennemis de Nevers l'assaillent dans un guet-apens la nuit : une vingtaine d'hommes contre un seul, le petit Parisien, c'est-à-dire, Lagardère,  est déjà tout "retourné" l'espace d'un instant en présence de l'enfant, et prend la décision de combattre aux côtés de Nevers qui, comme dit plus haut, reçoit au final un coup d'épée dans le dos. La victime a le temps de se retourner pour voir qui lui a porté le coup mortel... et Lagardère, le temps de découvrir en l'homme Nevers un ami à la vie à la mort, d'où qu'il veuille venger le défunt, en tuant en duel loyal ceux qui s'étaient mis à vingt contre un... pour une simple question d'héritage qu'un prétendu ami de Nevers  voulait capter.

Un thème, l'argent qui tue et assèche l'âme, obsessionnel chez Féval.  Ainsi que l'enfant  que l'on veut retrouver  afin de l'assassiner  pour toucher l'héritage.    Raconté par Féval, le glauque est transcendé par le panache du combattif  Lagardère.  Un personnage lumineux il faut bien le dire. L' extrait : 

 

"On vit une chose étrange : tous ceux qui étaient là, les plus grands et les plus nobles, se jetèrent des regards de défiance.

— Voilà, pourquoi, messieurs, ajouta le bossu d'un ton leste et tranchant, le régent de France est soucieux ce soir, et voilà pourquoi la garde du palais est doublée.

 

Il salua et fit mine de sortir.

 

— Ce nom ! s'écria Chaverny.

 

— Ce fameux nom ! appuya Oriol.

 

— Ne voyez-vous pas, voulut dire Peyrolles, que l'impudent bouffon s'est moqué de vous ?

 

Le bossu s'était arrêté au seuil de la tente. Il mit le binocle à l'œil et regarda son auditoire. Puis il revint sur ses pas, en riant de son petit rire sec comme un cri de crécelle :

 

— Là ! là ! fit-il, voilà que vous n'osez plus vous approcher les uns des autres ; chacun croit que son voisin est le meurtrier. Touchant effet de la mutuelle estime ! Messieurs, les temps sont bien changés, la mode n'y est plus. De nos jours, on ne tue plus guère avec ces armes brutales de l'ancien régime ; le pistolet ou l'épée. Nos armes sont dans nos portefeuilles ; pour tuer un homme il suffit de vider sa poche. Eh !  eh ! eh ! Dieu merci ! les assassins sont rares à la cour du régent ! Ne vous écartez pas ainsi les uns des autres, l'assassin n'est pas là ! Eh ! eh ! eh ! interrompit-il tournant le dos aux vieux seigneurs pour s'adresser seulement à la bande de Gonzague, vous voici maintenant avec des mines d'une aune ! Avez-vous donc des remords ? Voulez-vous que je vous égaye un peu ? Tenez ! voici M. de Peyrolles qui se sauve ; il perd beaucoup. Savez-vous où se rend M. de Peyrolles ?

 

Celui-ci disparaissait déjà derrière les massifs de fleurs, dans la direction du palais.

 

Chaverny toucha le bras du bossu.

 

— Le régent sait-il le nom ? demanda-t-il.

 

— Eh ! monsieur le marquis, répliqua le petit homme noir, nous n'en sommes plus là ! nous rions ! Mon fantôme est de bonne humeur ; il a bien vu que le tragique n'est point ici de mode ; il passe à la comédie. Et comme il sait tout, ce diable de fantôme, les choses du présent comme celles du passé, il est venu dans la fête ; eh ! eh ! eh ! ici, vous comprenez bien, et il attend Son Altesse Royale pour lui montrer au doigt...

 

Son doigt tendu piquait le vide.

 

— Au doigt, vous entendez ! au doigt, les mains habiles après les mains sanglantes. La petite pièce suit toujours la grande ; il faut se délasser en riant du poison ou du poignard. Au doigt, messieurs, au doigt les adroits gentilshommes qui font sauter la coupe à cette vaste table de lansquenet où M. Law a l'honneur de tenir la banque !

 

Il se découvrit dévotement au nom de Law, et poursuivit :

 

— Au doigt, les piqueurs de dés, les chevaliers de l'agio, les escamoteurs de la rue Quincampoix, au doigt ! M. le régent est bon prince, et le préjugé ne l'étouffe point. Mais il ne sait pas tout, et s'il savait tout, il aurait grande honte !"

 

Féval

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

09:04 Publié dans Lecture, Note | Lien permanent | Commentaires (0)