10/11/2014
Du gris souris au bleu lumineux
En sortant ce matin direction le marché, j'ai découvert un ciel "bleu d'Avignon" qui rayonnait sur la ville, "bleu d'Avignon" en référence à l'hiver que nous passâmes à Avignon mon ami et moi, fin des années soixante-dix, où le ciel fut toujours d'un bleu limpide et intense durant toute la saison automne-hiver dans mon souvenir. Il arrive que Béthune bénéficie d'un tel ciel et lors de ces manifestations la ville en est toute métamorphosée. La brique rouge prend une nuance orange lumineux, zébrée des ombres que projette le soleil. La ville sourit, les gens se regardent plus qu'à l'ordinaire. Moins de têtes d'enterrement que nous réserve plus souvent le gris, si "souris" soit-il. Et l'air était doux... le marché fut vite fait. Je passai devant la marchande de poulets en train de discuter avec une dame qui lui disait des douceurs dans un picard, ou patois, hardi et énergique, le compliment avait la tournure d'une enguelade pour les non habitués, en fait, sous cape c'était la tendresse. Je passai et continuai jusque les anciens marchands de tissu, qui se reconvertirent en marchand de tapis, et qui sont maintenant marchands de souliers à six euros, et dix pour deux paires achetées. Un couple inséparable de fieffés dégourdis, je ne sais pas où ils vont dégotter leurs produits divers et variés, solides ma foi et originaux. Je me souviens que dans le temps de la vente de tissus, ceux-ci avaient été mis au rebut parce que par exemple, ils avaient déteint. Mais avec quelques mètres de leurs tissus déteints, j'avais confectionné des rideaux aux couleurs bleues et blanches douces, reposantes. Je les ai gardés longtemps. Voilà qu'aujourd'hui je leur ai acheté des souliers à échasse. Je ne sais pas ce qui m'a pris, avec déjà mon mètre soixante-dix de hauteur. Je vaquai enfin du côté de la fripe où je dégottai un étonnant manteau rouge coquelicot, coupé dans un style duffle-coat léger, bien doublé, qu'un homme à l'accent algérien me vendit pour cinq euros "sonnants et trébuchants"... pas voleur pour un sou l'homme en question, et il me souhaita une bonne journée par-dessus le marché, sous le ciel "bleu d'Avignon"... j'étais comblée et parée pour ce qui suit : direction le cabinet de la dentiste avec laquelle j'avais dûment pris rendez-vous. J'y découvris un milieu de femmes, hormis les patients qui sont quelquefois des hommes ; dans la salle d'attente je feuillette une revue intitulée "obsession" où il n'y a que des photos de femmes jeunes et toutes fort belles, un peu comme si les vieilles dames devaient rester à la niche ... quand même elles n'en auraient pas envie. Une ambiance d'étudiantes concentrées, sages comme des images, ces praticiennes sont jeunes elles aussi, débutent dans le métier croirait-on. Bref, fraîcheur et équilibre, et moi, et moi, et moi... qui les regarde avec un étonnement discret du haut de mes échasses. Hélas dans cette harmonie de femmes tranquilles comme de jolies moniales, le son strident de la roulette s'est fatalement fait entendre me rappelant que j'étais bien dans un cabinet de dentiste. D'ailleurs, avant cela, il y avait eu un coup de semonce avec la radio : j'étais seule dans une pièce exigüe, debout, serrant une barre métallique de chaque côté, et "mordant" comme il m'avait été demandé une languette de plastique, le menton posé sur un machin-chose, une sorte de machine me bourdonnant de façon assourdissante autour de la tête : j'ouvris les yeux à la fin et vis derrière un hublot la belle moniale dont le regard bleu souriait avec, me sembla-t-il, un peu d'ironie. Je suis ressortie de ce frais couvent-cabinet de dentiste un peu désorientée, les oreilles cassées mais éblouie par l'étrange sagesse, tout en hauteur quelque part, émanant des jeunes femmes ... quelque peu déstabilisée sur mes échasses de héron. Je suis sensible au bruit que voulez-vous ; la prochaine fois, c'est-à-dire, très bientôt, j'emmène les boules quiès et je lis sur leurs lèvres, qu'elles ne peignent pas soit dit au passage, car elles ont une joliesse tout ce qu'il y a de plus naturel. Une fois rentrée à la maison après une heure passée dans le parc à frissonner sur un banc, tête nue dans mon duffle-coat rouge coquelicot, dont je n'avais pas relevé la capuche, à lire mon Féval, je décide d'écouter un brin de radio et là, j'entends un personnage qui pourrait rappeler un Henry de Lagardère des temps modernes, car le jeune homme, intrépide, se rend en Syrie en tant que reporter, alors même que tout à chacun, craint à raison de s'y faire couper la tête. C'était sur France Culture, Les pieds sur terre. Le jeune homme a même écrit un conte pour sa fille semblerait-il, qui va s'intituler "Papa Hérisson va-t-il rentrer à la maison ?" Je vais tenter de podcaster.
15:54 Publié dans Note | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.