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10/11/2014

Ne voyez-vous pas, voulut dire Peyrolles...

Extrait du Bossu de Féval, page 365, mais avant, cette courte note :

Dès qu'il est tombé en amour pour l'enfant dont il est devenu le tuteur d'une façon rocambolesque, Henry de Lagardère se pacifie au niveau des duels où il excellait.  Il était un guerrier quelque peu aveugle avant cette rencontre quasi fusionnelle avec Aurore, bien qu'en cette circonstance,  l'enfant se trouvait endormie dans ses bras. Mais Lagardère va se découvrir également  une immense estime et amitié pour le père de celle-ci, Nevers,  homme qui reçoit un coup de tranchant d'épée dans le dos, à peine Lagardère s'était-il chargé de son enfant. Alors que Lagardère, en premier lieu,  était venu provoquer Nevers et le tuer en duel, le caractère même de Lagardère change en la présence de la petite fille, Aurore symbolise l'innocence et par là devient l'ange protecteur à protéger cependant. Et quand les ennemis de Nevers l'assaillent dans un guet-apens la nuit : une vingtaine d'hommes contre un seul, le petit Parisien, c'est-à-dire, Lagardère,  est déjà tout "retourné" l'espace d'un instant en présence de l'enfant, et prend la décision de combattre aux côtés de Nevers qui, comme dit plus haut, reçoit au final un coup d'épée dans le dos. La victime a le temps de se retourner pour voir qui lui a porté le coup mortel... et Lagardère, le temps de découvrir en l'homme Nevers un ami à la vie à la mort, d'où qu'il veuille venger le défunt, en tuant en duel loyal ceux qui s'étaient mis à vingt contre un... pour une simple question d'héritage qu'un prétendu ami de Nevers  voulait capter.

Un thème, l'argent qui tue et assèche l'âme, obsessionnel chez Féval.  Ainsi que l'enfant  que l'on veut retrouver  afin de l'assassiner  pour toucher l'héritage.    Raconté par Féval, le glauque est transcendé par le panache du combattif  Lagardère.  Un personnage lumineux il faut bien le dire. L' extrait : 

 

"On vit une chose étrange : tous ceux qui étaient là, les plus grands et les plus nobles, se jetèrent des regards de défiance.

— Voilà, pourquoi, messieurs, ajouta le bossu d'un ton leste et tranchant, le régent de France est soucieux ce soir, et voilà pourquoi la garde du palais est doublée.

 

Il salua et fit mine de sortir.

 

— Ce nom ! s'écria Chaverny.

 

— Ce fameux nom ! appuya Oriol.

 

— Ne voyez-vous pas, voulut dire Peyrolles, que l'impudent bouffon s'est moqué de vous ?

 

Le bossu s'était arrêté au seuil de la tente. Il mit le binocle à l'œil et regarda son auditoire. Puis il revint sur ses pas, en riant de son petit rire sec comme un cri de crécelle :

 

— Là ! là ! fit-il, voilà que vous n'osez plus vous approcher les uns des autres ; chacun croit que son voisin est le meurtrier. Touchant effet de la mutuelle estime ! Messieurs, les temps sont bien changés, la mode n'y est plus. De nos jours, on ne tue plus guère avec ces armes brutales de l'ancien régime ; le pistolet ou l'épée. Nos armes sont dans nos portefeuilles ; pour tuer un homme il suffit de vider sa poche. Eh !  eh ! eh ! Dieu merci ! les assassins sont rares à la cour du régent ! Ne vous écartez pas ainsi les uns des autres, l'assassin n'est pas là ! Eh ! eh ! eh ! interrompit-il tournant le dos aux vieux seigneurs pour s'adresser seulement à la bande de Gonzague, vous voici maintenant avec des mines d'une aune ! Avez-vous donc des remords ? Voulez-vous que je vous égaye un peu ? Tenez ! voici M. de Peyrolles qui se sauve ; il perd beaucoup. Savez-vous où se rend M. de Peyrolles ?

 

Celui-ci disparaissait déjà derrière les massifs de fleurs, dans la direction du palais.

 

Chaverny toucha le bras du bossu.

 

— Le régent sait-il le nom ? demanda-t-il.

 

— Eh ! monsieur le marquis, répliqua le petit homme noir, nous n'en sommes plus là ! nous rions ! Mon fantôme est de bonne humeur ; il a bien vu que le tragique n'est point ici de mode ; il passe à la comédie. Et comme il sait tout, ce diable de fantôme, les choses du présent comme celles du passé, il est venu dans la fête ; eh ! eh ! eh ! ici, vous comprenez bien, et il attend Son Altesse Royale pour lui montrer au doigt...

 

Son doigt tendu piquait le vide.

 

— Au doigt, vous entendez ! au doigt, les mains habiles après les mains sanglantes. La petite pièce suit toujours la grande ; il faut se délasser en riant du poison ou du poignard. Au doigt, messieurs, au doigt les adroits gentilshommes qui font sauter la coupe à cette vaste table de lansquenet où M. Law a l'honneur de tenir la banque !

 

Il se découvrit dévotement au nom de Law, et poursuivit :

 

— Au doigt, les piqueurs de dés, les chevaliers de l'agio, les escamoteurs de la rue Quincampoix, au doigt ! M. le régent est bon prince, et le préjugé ne l'étouffe point. Mais il ne sait pas tout, et s'il savait tout, il aurait grande honte !"

 

Féval

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

09:04 Publié dans Lecture, Note | Lien permanent | Commentaires (0)

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