19/01/2014
Vous avez dit bizarre
... bizarre, en parlant de mon aventure de lectrice. Quel étrange phénomène en effet pour une lectrice que de lire un roman comme un pensum bien souvent et en même temps de ne pas vouloir en perdre une miette ; je n'ai pas sauté une ligne, un mot depuis le début de la lecture. Plus étrange encore, j'ai fait des retours arrière, des recherches à l'occasion de certains passages ; J'ai encore 17 pages à lire. Grâce au personnage de Sténio, je ne m'ennuie pas ; l'infortuné, bien que marchant inéluctablement vers le suicide car trop accablé, captive par sa hardiesse à défier le sort. Perdant des facultés intellectuelles à cause de sa maladie, il acquiert l'intuition. Il s'humanise en dépit d'une Lélia qui l'a écorché vif, mis à nu ; dans le désespoir il se rebelle encore, ne se ment pas. Encore 17 pages à lire et j'espère que Sténio ne sera pas devenu "la chose", l'objet d'une vengeance absurde.
Qu'ai-je vu encore dans ce livre : le racisme évidemment et qui n'est pas latent, mais comme une évidence, de la part des gens de ce siècle. Les Européens du 19è ne sont pas en général sensibles à l'esthétique noire. J'ai repéré sans que cela ne m'étonne, une autre marque de racisme, celui contre les flamands, racisme moindre sans doute ( ces derniers ne sont pas tombés en esclavage ) de la part des méridionaux de cette époque, et qui perdure aujourd'hui ça et là je pense. Le flamand est perçu comme un grossier personnage pas du tout raffiné, dites-moi.
Quoi d'autre ? les rapports de domination, que l'on trouve toujours aujourd'hui, qui se révèlent ici implacablement dans la liturgie où, comme le remarque Sand, certains siègeront sur des trônes, auront des rôles à jouer dans la sphère céleste. À noter que les catholiques de l'époque, nobles surtout, ont du mal à en reconquérir un dans la société française, d'où ce désœuvrement pour certains, qui frise la torture à vrai dire.
Rapport de domination toujours et encore : se faire sa place sans penser à faire également place à l'autre.
Problème qui n'est toujours pas résolu dans nos sociétés au regard des nombreux SDF, et autres marginaux d'asiles oubliés.
Dix-sept pages qui vont peut-être encore me réserver des surprises malgré le côté pensum quand il s'agit des moments mystiques de Lélia et ensuite, bousculée, quelque peu maltraitée dans ma sensibilité, fourbue mais saluant le courage et le génie de l'écrivain, je prendrai congé de Sand pour un certain temps.
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17/01/2014
petite note-bilan de lecture
Lélia a vécu un amour malheureux et se refuse charnellement à Sténio etc. le lecteur assiste aux à coups de la dépossession de soi de cette infortunée héroïne, mais le chagrin de Lélia lui donne souvent une clairvoyance sur certaines choses, notamment la société, que seul un auteur qui a expérimenté cette écorchure à vif peut donner à un personnage. D'où ce pessimisme quant à la nature humaine mais qui débouche sur des prophéties de Lélia vérifiables aujourd'hui. Elle est dans l'antisensualité par impuissance, une dépossession de soi qui la fait aspirer au ciel, à un autre monde, plus respirable ; le seul passage pour y accéder est la mort et c'est le doute qui ne la fait pas se suicider tout de suite.
En raison de sa sensibilité première je m'étais attachée au personnage, puis, avec son arrivée au bal ensuite, j'ai pris de la distance avec lui. Sand prête à Lélia des considérations sur le luxe qui lui devient d'un coup nécessaire par désœuvrement, sur les soirées mondaines où le regard de Lélia devient clairement chosifiant, comme l'est celui de son hôte odieux. Je pense qu'elle part en vrille à ce moment-là du récit. De nombreux passages sont néanmoins très intéressants, riches, dans ce roman.
21:09 Publié dans Note | Lien permanent | Commentaires (0)
Tout passe
J'ai avancé de deux pages ma lecture de Lélia.
"Tout passe", c'est une consolation pour ceux qui connaissent la douleur et n'en voient pas le bout, pour d'autres c'est le constat douloureux que tout est éphémère, le bonheur s'enfuit, ne resteront que les souvenirs. Lélia semble incarner ce regret qui tourne à la mélancolie sévère, comme si elle n'espèrait plus le retour des jours heureux.
Sténio veut représenter l'espoir, ce qu'il est peut-être quand même un peu aux yeux de George Sand au moment où elle écrit ces lignes si l'égoïsme n'a pas été vu par elle comme tel quand il s'expose politiquement. Mais est-ce possible ? George Sand est au cœur des évènements, la froide Lélia peut lui sembler bien subversive : pense-t-elle, cette Lélia, ce que Sand n'ose pas franchement s'avouer ? À la phase où en est Sténio sa candeur, aujourd'hui, peut-être vue comme teintée de quelque chose de sinistre tant il met de confiance aveugle en la science au mépris de son versant dangereux, la lucidité frigorifique que lui oppose Lélia peut en revanche servir de base à une sagesse conquise de haute lutte, où la science justement serait maîtrisée sur le plan de l'éthique.
Lélia :
"— [...] vous vous sentez immortel parce que vous vous sentez jeune, comme cette vallée inculte, qui fleurit belle et fière, sans songer qu'en un seul jour le soc de la charrue et le monstre à cent bras qu'on appelle industrie peuvent flétrir son sein pour en ravir les trésors ; vous grandissez confiant et présomptueux sans prévoir la vie qui s'avance et qui va vous engloutir sous le poids de ses erreurs, vous défigurer sous le fard de ses promesses. Attendez, attendez quelques années, et vous direz comme nous : "tout s'en va !""
Que représente ce "comme nous", Chateaubriand, Balzac ? Des conservateurs se méfiant du progrès, conservateurs que Sand remettrait en question ? Alors que Lélia montre à mon sens cet autre chose que j'ai mentionné plus haut, c'est un peu comme si le personnage échappait à son auteur. Mais poursuivons la lecture, je sais par expérience que George Sand peut faire prendre à ses personnages de nouvelles tournures, ils peuvent évoluer encore dans l'un ou l'autre sens, à moins qu'ils ne partent en vrille à force de trop flirter ensemble. À demain.
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