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06/01/2014

note de lecture

l'expérience de passer d'un univers d'écriture à un autre est intéressante. En l'occurrence pour moi : de l'écriture de George Sand dans Valentine à celle de Bernanos dans Monsieur Ouine.

George Sand est assez facile d'accès. Je suis arrivée au moment où Valentine découvre, un peu interdite, ce qu'amour signifie à son âge. Jeune comtesse enviant la vie simple des paysans, elle tombe amoureuse d'un fils de fermier qui s'éduque à travers ses études, Bénédict. Il est en passe de s'embourgeoiser dans le but de défendre sa cause de pauvre, et est quasiment fiancé d'office  à la fille de son oncle bienfaiteur ; cousine qui, voulant elle aussi dépasser sa condition ne réussit qu'à porter, au yeux de son fiancé et peut-être de George Sand aussi,  tous les stigmates d'un certain snobisme. La cousine brode au lieu de s'occuper de la ferme, accomplit des travaux que George Sand juge comme étant ridiculement précieux tandis que la jeune comtesse en visite chez eux attrape les poules, se réjouissant elle-même et à raison de son amour de la vie simple. Elle a toute la sympathie de George Sand mais le sujet qu'aborde l'auteur  présente des pièges à mon sens. La cousine aux allures de parvenue est bien fragile, vulnérable du fait même de son amour sincère et perdu d'avance pour Bénédict dont le lecteur comprend qu'il est difficile de se faire aimer quand on n'est pas une "comtesse amoureuse de la vie simple." Je suis loin d'avoir terminé la lecture de ce roman. Reconnaissance en tout cas pour George Sand qui emmène ses lecteurs dans ce temps où personne ne se presse, dans ces paysages qu'aucune autoroute ou nationale n'ont réduit en puzzle difficile à reconstituer à cause des chemins coupés, mis en impasse, des lieux séparés en différents morceaux par les tronçons de bitume, et qui racontaient dans leur intégrité une histoire. Nous sommes à la lisière du modernisme au 19è siècle, le témoignage de Sand sur la nature est précieux comme une eau de source d'autant qu'elle en parle avec génie.



Monsieur Ouine est plus difficile à lire. J'ai le sentiment que Bernanos convie son lecteur à se faire un tantinet devin. Le seul indice quand il bascule au cœur d'une autre scène sont les petits points qui barrent la page, mais ils ne vous aident pas tant que cela puisque vous y débarquez quand même à l'improviste, surprenant une conversation saugrenue, presque comme un cheveu sur la soupe. Bernanos introduit un personnage sans les présentations d'usages. Le lecteur a donc l'air de surprendre à un moment une conversation difficilement compréhensible entre un nouveau protagoniste et le personnage que vous connaissez à peine, Steeny en l'occurrence, mais dont l'auteur ne vous dit pas tout de suite pourquoi d'un coup il se trouve là, à s'entretenir avec l'enfant infirme ou plutôt le jeune adulte infirme. Puis voilà qu'il vous plonge abruptement dans la généalogie brumeuse de celui-ci. Et moi de me demander quoi et qu'est-ce, j'ai cru que j'avais sauté par inadvertance deux pages. Voyant que ce n'était pas le cas, j'ai ressenti un découragement certain. Pourquoi par exemple Steeny que nous trouvions aimable tient-il des propos de blaireau envers la malheureuse "Jambe de laine" dont il reprend le surnom injurieux quand il parle d'elle. Puis à un autre moment dans la conversation décousue (pour le lecteur) il déclare, en colère  "Je ne veux pas être libre". J'ai persévéré, amis bloggers, bien que toujours dans l'incompréhension, laissons décanter, à moins que le hasard ne vienne à notre secours pour quelque explication utile. J'ai néanmoins saisi, c'est toujours ça, les événements dans leur suite. Steeny reste malgré tout relativement obscur pour moi il faut l'avouer, quant à monsieur Ouine je me suis demandé s'il n'était pas une allégorie de la France pour Bernanos. Monsieur Ouine, ingrat comme personne, dénigre les gens qui l'ont accueilli chez eux. Revenons à Steeny qui lui, parle parfois en adulte, parfois en enfant. Tout cela interroge notamment la mystique de Bernanos. Laborieux cheminement s'il en est au pays dépaysant et des paysans d'Artois. Ouine est-il cause de tout dans l'état où se trouvent les gens là-bas, qu'ils soient bourgeois, nobles ou simples villageois ? Ou y a-t-il un Ouine en chacun de soi, un Ouine (comme par hasard intellectuel et professeur de langues) qu'il faut combattre à toute force pour rester ou redevenir humains. Je n'ai pas tout compris de Bernanos, vous l'aurez constaté, je ne vous donnerai donc pas la réponse. Toujours est-il que cet auteur n'est pas de tout repos, un compliment pour lui, vu son écriture à en décourager plus d'un.          

        

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05/01/2014

Monsieur Ouine

Pour l'instant je n'ai pas encore vu l'ombre du museau de Monsieur Ouine. J'en suis aux premières pages de ce roman de Bernanos. Je n'ai pas abandonné pour autant celui de George Sand Valentine. D'un livre à l'autre je m'aperçois que Sand décrit à merveille, à petites touches quand Bernanos suggère, n'introduit pas d'emblée son lecteur dans le décor, celui-ci ne comprend que petit à petit la géographie des lieux où l'auteur l'emmène. Pas de comparaison possible, mais il se trouve que j'ai retrouvé une sensation de lecture assez proche avec Nathalie Sarraute et Samuel Beckett, due sans doute aux "procédés" d'écriture des auteurs mais cela ne semble pas calculé chez eux.

Le roman Monsieur Ouine débute par un gros plan : des mains qui entourent un petit visage, des yeux, l'émotion d'un petit garçon, à quoi répond celle d'un personnage qui entre en scène par la voix, il s'agit d'une femme qui accourt mais dont on ne sait pas d'où elle sort, elle se tient derrière la persienne d'où le petit garçon a sans doute crié. Le lecteur saisit alors que l'enfant se trouve dans sa chambre avec sa mère qu'il a appelée  parce qu'une scène vue à travers les volets, entre sa mère et sa compagne censée être une dame de compagnie, l'a choqué ou révolté. Le sexe reste dans le non dit. Plus loin une scène étrange est décrite cette fois qui laisse supposer que le petit garçon est victime d'attouchements de la part de la dame de compagnie, mais comme Bénédict dans Valentine, le lecteur peut douter, à savoir s'il a bien compris le sens de la scène du fait que l'auteur le laisse se débrouiller tout seul avec elle à la manière d'un Samuel Beckett. Bernanos, contrairement à la marquise de Valentine est tout sauf grivois. Il est pudique. Le lecteur donc, est introduit par Bernanos, dans l'ambiance, d'abord, que sécrètent les personnages qui vont accepter ou pas qu'il les suivent. C'est le sentiment que donne Bernanos.

Je pense avoir lu Monsieur Ouine il y a longtemps de cela mais comme je n'étais pas prête pour cette lecture à l'époque, les personnages ne m'ont pas retenue plus que ça, je les avais à peine entrevus.

      

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04/01/2014

Monsieur Ouine au lieu de Le Glaude, du Bombé et de La Denrée

Je n'ai pas trouvé René Fallet à la bibliothèque municipale de Béthune, pourtant il a écrit pas mal de livres qui seraient assez connus.  Patrick me voyant déçue me dit  "tu l'trouves pas ?"  sous entendu : René Fallet puis  il dirige son index vers un pavé et commente, consolateur : "Regarde, il y a plein de bouquins de Bernanos, là." "Là", c'était le rayon d'en face. Il déloge le pavé de la rangée de livres et me le tend. Bernanos en effet.

 Les orientations politiques ne définissent pas un homme comme cet auteur qui a tellement crié contre son camp. Il s'en est retrouvé à la fin  je pense en situation d'électron libre, si l'on peut dire. 

 

Préface de Michel del Castillo


"Comme Céline, comme tant d'autres, Bernanos a surgi des tranchées de 14. Rescapé de cette boucherie, il contemple le monde avec des yeux dessillés. Fils de paysans, pétri de la boue d'Artois, il a vécu, avec horreur et fierté, une guerre de paysans enterrés vivants. Quand il se lève de cet ossuaire, il fixe sur les années folles le regard d'un revenant. Était-ce ça, le sens de ce sacrifice qui a ravagé le pays ? (...)

 "Tous ses romans portent la marque de ce dégoût. Ils proviennent de cette révolte initiale. Ils vomissent la même abjection. (...) Ses curés diront l'impuissance, la solitude, et, surtout, l'échec. Ils balbutieront des propos incohérents, exhiberont leur balourdise, montreront leur grossièreté de paysans mal dégrossis. Sous leur allure fruste, ces prêtres oubliés dans d'obscures paroisses sont aussi des visionnaires. Ils déchiffrent, non les apparences, mais le for le plus intérieur. Ils rencontrent Satan, devisent avec lui, cheminent à ses côtés. Des illuminations les déchirent. Ils tentent de dire l'inexprimable et ils ne parviennent qu'à susciter la risée de leurs paroissiens, l'inquiétude de leurs supérieurs, l'indignation de la hiérarchie. Ils ne servent à rien, strictement, sauf à déranger l'ordre du monde. (...) Des trois vertus théologales, l'une, la foi, vacille ; la charité s'use en vain ; ne reste que l'espérance, qui porte le grand chant bernanosien, d'un bout à l'autre de sa vie."

Michel del Castillo

  

 

 

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