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02/07/2007

Réflexion sur le poème

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« Je me fous de vos mirages ». Voilà une façon parmi d‘autres de s‘émanciper, entre autres d’une multitude de références auxquelles l’auteur n’a probablement jamais adhéré, mais qui ont voulu s’imposer à lui, lourdement à en entendre sa colère. C’est peut-être bien aussi un peu de frustration qui la provoque, l’idée du mirage suppose qu’on y a cru le temps de réaliser que c’était faux, on s’est laissé trompé, on s’est mis à désirer des choses sans se demander d’où ça nous venait ces désirs-là. n’est-ce pas le lot de chacun de nous avant le gros désir qui s’ensuit de faire table rase ? Encore le désir comme le montre si bien Ponge, celui d’être soi, de ne plus subir, quelle libération !

 

TEMOIGNAGE

Un corps a été mis au monde et maintenu pendant
trente-cinq années dont j'ignore à peu près tout, pré-
sent sans cesse à désirer une pensée que mon devoir
serait de conduire au jour.

Ainsi, à l'épaisseur des choses ne s'oppose qu'une
exigence d'esprit, qui chaque jour rend les paroles plus
coûteuses et plus urgent leur besoin.

N'importe. L'activité qui en résulte est la seule où
soient mises en jeu toutes les qualités de cette construction prodigieuse, la personne, à partir de quoi tout
a été remis en question et qui semble avoir tant de
mal à accepter franchement son existence
1933

(Francis Ponge, Le parti pris des choses, nrf , Gallimard page 114)

 

18:50 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)

01/07/2007

Trouvaille

  1. 0fe9c289b383924edfa1bfd7cd086bd1.jpgJ'ai trouvé en surfant ce matin, ce poème de Tontongi, et j'ai pensé que le meilleur moyen de le partager ultérieurement peut-être, était de créer mon blog poésie, où je mettrai tous les poèmes qui me touchent.

 

Mon credo

On m’appelle le Noir,
comme l’eût souhaité le martyr du Fort de Jour;
on m’appelle Jeune homme de couleur,
comme l’eût admiré le Houngan du Bois-Caïman;
on m’appelle l’Haïtien,
comme l’aurait aimé mon frère Aimé Césaire;
on m’appelle l’Américain,
l’honneur que convoitaient Rochambeau et la Fayette;
on m’appelle l’Africain,
le vœu secret des africanistes d’Europe;
on m’appelle le Pauvre,
l’ambition suprême du Nazaréen.
Et puis, l’on m’appelle de partout
pour adorer des saints,
pour baiser l’orteil du pape,
pour faire l’amour avec Madame Thatcher,
pour jouer le golfe avec vice-président Quayle,
pour boire du champagne avec général Avril
et même pour posséder des résidences secondaires!
Suis-je donc fier
de cette pléthore de titres glorieux?
M’enorgueillis-je
de ce calice à pierres multi-précieuses?
Non! Grand Dieu, Non!
Mon royaume n’est pas de ce monde;
il est ailleurs mais pas au Ciel.
Je l’ai instauré mon royaume au milieu
de ces contrées méprisées de l’humanité
où les consciences sont aussi maltraitées
et misérabilisées qu’un organe atteint de sida;
je l’ai instauré là où les âmes présomptueuses
n’ont jamais pénétré et souillé;
là dans ces lieux sombres et resplendissants
que les arrogances n’ont jamais prostitués;
là dans les rez-de-chaussées des sociétés surréelles.
Mon royaume je l’ai planté dans ces trous d’abnégation
que Carl Brouard a mille fois méprisés et acceptés.
Ce royaume mon royaume
il est hors de portée des caprices de l’Histoire,
n’étant bâti sur aucune gloire
aucune infortune ne saurait l’atteindre.
Mes sujets sont autant de rois dont je suis le sujet:
ils m’appellent Majesté je les appelle Sire.
Pourtant nous ne sommes ni la démocratie,
ni l’os desséché des dictatures,
ni un paradis divin de chrétiens,
ni compromis mi-pleur mi-rire:
Nous sommes l’existence des choses ignorées!

Mon royaume dé-rehausse l’orgueil
des souverains de la Chose officielle;
il est le reflet renversé de l’hypocrisie dominante;
il est fait de clochards, de bums et de malandren;
il est le Château de Versailles des gens de ghetto!
Il est fait de Filles de joie,
de Filles-Messie plus terribles que Jeanne d’Arc,
vendeuses de chairs assouvissantes,
mais aussi courageuses et tenaces que la lumière!
Il est fait d’ouvriers sans pension,
de malades et exploités qu’on méprise comme du ver.
Mon royaume est l’ennemi des âmes auréolées;
il est le refuge de ces enfants de l’autre monde,
ces gavroches de l’humanité blasphémée,
auxquels on donne le rond en détournant le regard
par honte et par dégoût;
mais heureusement ils sont vivants,
aussi vivants que le vent,
aussi réels que la Terre!
Ils brillent comme le soleil
et ne marchandent fausse pitié aucune.
Ils sont mes sujets tels les poètes
des apatrides des patries ostracisantes,
défiant tout, même leur propre existence!
Leur patrie, oh! je dois le dire,
c’est la poésie d’une condition assumée,
la chanson du dédain transcendé,
le courage face à un destin piégé!

Et je me crois riche parce que je n’envie à personne
les gloires d’une richesse sans vergogne
et parce que je suis fier de tout ce qui est moi,
de mes déboires, de mes choix, de ma colère
et si j’ai une ambition c’est seulement d’être nommé
le Poète de la face cachée de l’humanité!
Merde à vos mirages!

 

09:15 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (2)