18/06/2014
Au-dessous du volcan
"Note par note" disait Max Pol Fouchet en parlant de la prose de Malcolm Lowry ; du fait sûrement que la syntaxe de Malcolm L lui était familière, il a conseillé de ne pas sauter de passage pour ne pas louper une note.... je suis ce conseil en tant que lectrice mais d'autres, qui en sont au stade de la curiosité par rapport à cette œuvre peuvent, j'estime, très bien lire un extrait qui leur donnera une idée du style de l'auteur et de son vague à l'âme.
À savoir que le Consul et Geoffrey Firmin désignent le même personnage, et vous comprendrez de quoi il retourne. Dans la postface il est aussi signalé que "Firmin Geoffrey le Consul", c'est, hors la fiction, l'auteur lui-même. Voici l'extrait :
"Le Sr. Bustamente semblait à moitié convaincu pour l'heure que M. Laruelle s'était laissé abuser, que le Senor Firmin avait été au vrai une espèce d'espion ou, comme il disait, de escopion. Mais nulle part au monde, il n'y avait des gens plus humains ou plus enclins à la sympathie que les Mexicains, quelques suffrages qu'ils puissent apporter à Almazàn. Le Sr. Bustamente était tout prêt à plaindre le Consul, même en tant que escopion, à plaindre de tout son cœur la pauvre âme solitaire, tremblante, dépossédée, car il était demeuré ici à boire nuit après nuit, abandonné de sa femme (bien qu'elle soit revenue, avait presque hurlé M. Laruelle, c'était ça l'extraordinaire, qu'elle soit revenue !) et peut-être même, quand on se rappelait les chaussettes, de son pays, et errant sans chapeau et desconsolado et hors de lui à travers la ville, poursuivi par d'autres escopions qui — sans qu'il en fût jamais sûr, ici un homme à lunettes noires qu'il croyait un flâneur, là un autre traînard vis-à-vis sur la route qu'il prenait pour un peon, là un jeune gars décharné à boucles d'oreilles se balançant follement sur un hamac grinçant — gardaient les issues de toute les rues et allées, ce que pas même un Mexicain ne croirait (parce que ce n'était pas vrai, fit M. Laruelle) mais qui restait tout à fait possible, comme le père du Sr. Bustamento le lui aurait assuré (il n'avait qu'à s'y mettre et tirer ça au clair), tout comme son père lui aurait assuré que lui, M. Laruelle, ne pourrait franchir la frontière, mettons dans un fourgon à bestiaux, sans qu' "ils" le sachent à Mexico avant son arrivée et décident déjà de ce qu' "ils" allaient faire à ce propos. Certes le Sr Bustamente ne connaissait pas bien le Consul, bien qu'il eût l'habitude d'ouvrir l'œil, mais toute la ville le connaissait de vue, et l'impression qu'il donnait, l'an dernier en tout cas, à part d'être toujours muy borracho bien sûr, était d'un homme vivant dans une crainte perpétuelle pour sa vie."
Malcolm Lowry — Au-dessous du volcan
La photo est de Michelle Maani, prise à San Luis Obispo County en Californie. (vue ce matin dans le Daily Ray)
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17/06/2014
La poupée par trop sexy
La poupée par trop sexy ou pas trop sexy, c'est vous qui voyez. Vous remarquerez au passage comme mon auriculaire, mon petit doigt autrement dit, n'est pas petit. Des doigts d'origamiste. La poupée a huit jours d'âge ; j'ai été obligée de m'emmailloter le majeur en raison d'un accident domestique. En effet, je faisais la vaisselle, lavai plus précisément un verre à la main, lequel, fragilisé par une fente que je n'avais pas remarquée, ainsi que par mes frottements brefs, répétés et énergiques pour le nettoyer, s'est brisé, m'épluchant en cassant, le bout de ce pauvre majeur.
À Créteil, il y a fort longtemps, je m'étais fendu beaucoup plus profondément le pouce en ouvrant une boîte de haricots verts : le malheureux appendice, par on ne sait quel mauvais coup du sort, était allé jouer l'ouvre-boîte à la place de celui qui m'avait échappé des mains. L'entaille avait exigé un tour à l'hôpital Mondor où je tombai sur deux chirurgiens qui, justement s'ennuyaient ce jour-là, n'ayant heureusement rien d'autre à faire qu'à me rafistoler le pouce, comme s'ils m'attendaient ce soir-là pour se désennuyer (cas exceptionnel aux urgences). Ils travaillèrent, pleins d'entrain, en m'écoutant deviser inlassablement, une infirmière du nom de madame Piquemal (pour de vrai) m'ayant fait une piqûre euphorisante en guise d'anesthésie locale. D'autant plus mémorable que je fus ensuite hospitalisée une nuit, ce qui me donna l'occasion de faire connaissance d'une incroyable Titi parisienne, elle avait mimé pour moi seule, son lever pour aller travailler lorsqu'elle avait une grippe : j'étais moyennement impressionnée mais touchée par l'intention et ou l'attention. Cuirassées les dames du peuple là-bas. Cela dit, le pouce reste légèrement marqué, très légèrement : une trace qui part de la phalange et remonte au milieu de l'empreinte digitale pour aller mourir de l'autre côté, presque au niveau de l'ongle. Si les chirurgiens avaient été débordés ce jour-là, sans pouvoir recoudre mon pouce, comme les nerfs étaient touchés, cela aurait pu faire du vilain. Mon majeur quant à lui, pour écorché vif qu'il fut, et pissant bien le sang, n'est pas allé plus loin dans l'exigence de soins, que la poupée, renouvelée certains jours, trois fois dans une même journée avec force aspersion de bétadine.
Cela m'aura donné l'occasion de jouer de la plume et de vous montrer cet incroyable mais vrai petit doigt que j'aime tant (je me suis habituée à eux, l'autre étant pareil par un effet connu de symétrie mimétique)
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15/06/2014
La journée à la villa Yourcenar
C'est Yasmine Kadhra, il écrit sur l'Algérie. Il fait un peu d'autodérision quand il parle au public, le faisant rire à propos de ses travers à lui. Bon écrivain !
C'est Patrick Vast, en train de lire un extrait du Ruisseau Rouge. Bon écrivain lui aussi mais moins à l'aise avec le public que Yasmine.
C'est une écrivaine de la région, son nom va me revenir. Audacieux : le personnage principal du roman est un mort, qui parle de sa mort récente, de son cadavre, des personnes qui viennent le voir, dont il commente les attitudes... bien écrit et intéressant !
Léo la Pointe et Patrick. Deux bons écrivains. Léo a écrit sur la baie de Somme, de formation scientifique, ayant fait des études de vétérinaire à Toulouse. D'ailleurs là, nous venons de rendre visite aux ânes.
Son nom va me revenir. Il a écrit L'étoile jaune et le croissant. Au sujet des Arabes qui ont aidé les Juifs durant la deuxième guerre mondiale.
Pourquoi je n'ai pas tous les noms ? parce que j'ai oublié de prendre le programme à l'entrée. Ce monsieur a lu un extrait, concernant sa judéité et sa relation avec Gandhi. C'était intéressant.
Ce monsieur est épris du Japon, il a écrit Japan Book. Journaliste au Nouvel Obs. il a été. Et d'une façon plus épisodique, il a été mon voisin de table au repas de midi trente, où il m'a confié avoir été déçu de ne pas trouver de frites au menu mais de simples pâtes froides accommodées à la mayo.
Sophie Chaveau était en face de moi à table. Elle m'a dit n'avoir jamais éprouvé de colère, sans doute parce que celle-ci était trop enfouie. Quand les colères s'enfouissent à ce point on peut supputer qu'il aura fallu beaucoup en rabattre à un moment donné, or la dame parle haut et fort, avec assurance. Une femme secrète au fond.
Elle était en bout de table au repas, et je n'avais pas son nom sous les yeux, comme ce fut le cas pour Sophie Chaveau. Une personne qui écrit livres et chroniques et aime faire rire par ses observations. Les bourgeois appellent cela : une femme d'esprit.
Forcément, au bout du compte, j'ai été plus touchée par la prose de Yasmine et autres personnes d'origine arabe parce que leurs préoccupations en gros sont les miennes d'après ce que j'ai pu entendre de leurs écrits.
J'ai acheté un livre, un seul, budget oblige, celui d'Amina Danton... je n'avais plus l'appareil photo lorsqu'elle a eu le micro. Amina aborde le thème de clivages sociaux dans un contexte très poétique par ailleurs. Ce n'est pas plombant, au contraire. On dirait que le personnage principal de son roman, une jeune femme, s'en fiche de ne pas être acceptée par l'entourage bourgeois de son mari, du fait qu'elle-même ne pourrait se résoudre à devenir une bourgeoise, quelque chose l'en empêche ; entre eux, la famille de son mari et elle, se dresse une sorte de mur infranchissable, mur dont elle a autant besoin que ses adversaires. Une volonté de ne pas se formater au fond à un modèle social.
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