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27/07/2012

Suite des Marcheurs

— N’allez pas vous laisser impressionner par un rêve ! Leur dit-il, les rêves il faut savoir les remettre à leur place. Ça ne dit que l’état d’esprit d’un moment… Dis-moi plutôt si tu connais l’histoire à propos de Golem Odette.

— J’ai entendu vaguement parler du Golem, ce serait une ébauche d’être, doué d’un semblant de vie, sans consistance, un être que les croyants mépriseraient, ne reconnaîtraient pas en tant que créature de Dieu. Quelque chose comme ça.

— quelque chose comme ça sans doute, répondit Jeudi. Rien à voir alors avec les ingénieux assemblages de circuits informatiques de Monsieur Hector. Pas de malédiction du Golem le concernant. Son humanoïde reste et restera un bijou de technologie de pointe…

— dont il s’est servi pour te sauver la vie ajouta Tom

— avec quelques effets secondaires, mais bon, passons, même si Dora n’a pas l’air de tout à fait bien assimiler certaines choses qui n’étaient pas inscrites dans le contrat. On verra bien, elle a curieusement besoin de temps pour se faire à l’idée qu’il m’a sauvé la mise, elle-même aurait pourtant agi de la même façon envers Géraldine dans des circonstances similaires. On dirait qu’ils supportent mal de se sentir libres, ils ont besoin de  s’infliger des maux avant de passer à autre chose, c’est à croire que rompre leur est devenu impossible.

Ils opinèrent tous les trois de la tête avant de se tourner instinctivement vers la table basse autour de laquelle se trouvaient Janin et ses trois interlocuteurs. Aucune agitation n’émanait encore du groupe et pourtant quelque chose se passait.

— Mufle ! avait murmuré Dora à l’intention de son ex-mari

Jeudi suivi de Tom et Odette hâta le pas vers ce qui ressemblait à un petit groupe anodin de personnes bien éduquées, discutant de choses sans importance à l’heure de l’apéritif. Dora s’était maintenant levée, Hector hébété venait de recevoir une gifle et gardait la main sur sa joue en feu.

— Que se passe-t-il ?

Dora regarda Jeudi, les yeux clignant avec l’intensité de ceux de Janin, lequel avait l’air de se concentrer sur un problème ardu. Géraldine, interloquée évoquait une somnambule et questionnait Hector du regard qui finit par bafouiller :

— Je me suis exprimé maladroitement…

— Qu’a-t-il dit de si grave ? Demanda Jeudi

— Que nous n’avions plus, toi et moi, qu’à méditer sur notre couple désormais. Rien n’avait été prémédité de notre part, tout avait été tellement spontané, du moins le croyais-je. Je n’imaginais aucune arrière pensée de la part d’Hector.

— Je me suis bêtement laisser aller, je suis fatigué ces temps-ci. Allons-nous-en dit Hector à Géraldine.

— La vertu n’est peut-être que l’esclave du hasard, comme dirait l’autre. Tout cela est tellement absurde commenta-t-elle d’un ton neutre.

— C’est quoi ce désespoir Géraldine ? Questionna Janin, manifestement inquiet.

Hector et Géraldine s’apprêtèrent à partir quand un bruit d’hélicoptère les arrêta. On annonçait à l’assemblée la visite surprise du président de la république.

 

24/07/2012

Golem

Jeudi avait rejoint Tom. Il le regarda dessiner une caricature d’Odette au milieu d’un cercle de badauds amusés. Odette s’était parée de la perruque rousse et des lunettes à monture rouge qu‘elle affectionnait. Tous les deux n’avaient pas encore très bien décodé les évènements. La communauté des savants avait gagné tant le robot qui avait ramené Jeudi en avait bouché un coin aux Bléa, le sang n’avait pas coulé mais ils avaient été d’une certaine façon terrassés au point de ne pouvoir empêcher le gouvernement de venir mettre le nez dans leurs affaires, il en découlait des choses fort inquiétantes par ailleurs…tout le monde en effet allait être séparé ça et là dans le secteur ou même dans d’autres régions d’après les rumeurs et la forêt n’était plus sous la férule des chercheurs. Qu’en serait-il de l’hôpital, comment les Bléa allaient-ils réinvestir leur forêt, étaient-ils aussi cruels qu’on le disait vis-à-vis des « bohémiens » et alors si oui, le massacre n’était que différé. Que pouvaient faire chercheurs et savants ? Jusqu’ici ils avaient contourné le problème, certes, mais en avaient profité pour sauver pas mal de gens de la misère. Jeudi fit signe à Tom de venir, les spectateurs applaudirent quand Odette montra à la ronde sa caricature aux spectateurs, en vraie saltimbanque qu’elle était devenue au fil de leur marche, elle présenta aux savants un petit bol dans lequel ils s’empressèrent de mettre quelques pièces de monnaie, Odette salua, envoya un baiser à l’assistance et rejoignit Jeudi et Tom en train de converser.

— Le mythe de Golem contiendrait une part de vérité à voir le comportement d’Hector et de son entourage proche, pourtant la mécatronique et Golem ça fait deux.

— De quoi tu parles ? interrogea Tom

— Tu ne connais pas tes classiques, laisse tomber. Je trouve que Hector n’est pas dans son état normal. Dora souffre de son divorce avec un différé de cinq ans, tellement que je ne pense pas rester avec elle. Tout ça ressemble à une malédiction.

— … ou aux attraits du pouvoir qui corromprait l‘âme dit Tom sur le ton de la plaisanterie. Dora est peut-être atteinte du syndrome de Piéaumur continua-t-il en levant le doigt pour se caricaturer lui-même. Après un court silence il reprit plus sérieusement « Hector est devenu un « Glorieux » à ses yeux, si cela se trouve. Elle l’admire, c‘est très lié au sentiment amoureux chez les femmes.

— Elle fait partie de leur communauté, elle ne se laisse pas impressionner si facilement par des prouesses scientifiques. Tant qu’à faire elle aurait pu m’admirer moi, rétorqua amèrement Jeudi, c’est quand même moi qui ai risqué ma peau pour essayer de raisonner ces dingues. Hector n’a fait que téléguider un robot.

— Son prototype qui est une merveille sur un plan technologique. J’insiste, je pense toujours qu’elle n’est pas restée insensible à la prouesse technologique du dit Hector. Je l’ai pris moi-même, un dessinateur, pour un humain son robot. 

Jeudi s’agaça :

— Non, ce n’était pas dans son caractère de s’ébaubir devant une prouesse technologique. Il y a autre chose, de plus subtil. Dora n’est pas une minette, elle souffre en profondeur, comme si les deux ne s’étaient pas tout dit, elle est comme meurtrie maintenant. Géraldine réussirait à stabiliser Hector si elle le voulait mais Dora elle, personne ne peut l’aider pour l’instant, pas même moi. Elle est seule face à quelque chose qui la dépasse.

— Elle se remet en cause. Hector lui aura communiqué quelque chose d‘éprouvant, peut-être lui a-t-il fait ses adieux sur le plan amoureux, à sa manière intervint Odette, regardez là-bas comment Géraldine et Dora se considèrent, elles sont blêmes toutes les deux, c’est navrant, je n’imaginais pas les scientifiques comme ça.

— Ce ne sont pas des robots, lui répondit Jeudi, ils rêvent plus que nous, ce sont souvent de grands artistes aussi. Géraldine réalise des sculptures fantastiques avec une équipe de gueux, je suis allé voir. Je n’ai aucune idée de ce que les Bléassenghs feront de ces créations qui parsèment la forêt…

— À propos de rêve : cette nuit j’ai vu en rêve un adolescent, à cheval sur le rebord d’une fenêtre, il était figé comme une statue. C’est comme s’il criait « Je m’ennuie ! » Je me vois ensuite consulter un de mes anciens professeurs. Je suis allée dans sa maison. Plus tard j’erre avec un petit groupe de gens qui doit être ma famille, dans le village de mon enfance, j’entre dans une maison associative où se trouve un atelier de couture. Il y a des adolescentes, des femmes adultes. Personne ne m’adresse la parole, je ressors. Le groupe a pris de l’avance, je les rejoins et là, je vois ma petite sœur qui se retourne sur moi pour me dire « casse-toi ». Je tourne le dos au groupe, j’entends quelqu’un m’appeler sans conviction. Je m’allonge sur l’asphalte, il pleut. Je reçois une averse du tonnerre. Un homme me relève, il m’emmène, nous tombons amoureux…plus tard une fille danse devant nous. Un groupe d’enfants se trouve dans les coulisses, elle se précipite aux cris de l’un d’eux qui se trouvait sous le tas… sous un tas d’enfants et sauve le malheureux. 

Jeudi les considéra tous les deux, ils étaient perplexes

— N’allez pas vous laisser impressionner par un rêve ! Leur dit-il, les rêves il faut savoir les remettre à leur place. Ça ne dit que l’état d’esprit d’un moment… Dis-moi plutôt si tu connais l’histoire à propos de Golem Odette.    

 

22/07/2012

discussion

L’énorme main de Janin enveloppa celle de la volcanologue. Enfin son visage s’éclaira d’un sourire qui lui réchauffa le cœur d’un coup. À quelques mètres de là Hector n’en croyait pas ses yeux. Janin, censé protéger Géraldine "des coups bas de la vie", Janin qui était fait tout d’un bloc, dont on ne s’attendait pas à ce qu’il cède à une impulsion contraire, dont on ne s’imaginait pas qu’il pût même en avoir si l’on se fiait à son parfum d’intégrité était en train de se laisser séduire. À cette minute, ses grosses paluches ne lâchaient plus celles de son interlocutrice, enfouies dans les siennes. Si Géraldine entrait à ce moment et voyait cette scène, elle ne la supporterait pas, pas plus qu’elle n’avait supporté ce qu’elle avait vécu comme une volte-face vertigineuse de sa part, lorsqu’il l’avait trahie avec son ancienne femme. Géraldine était devenue une écorchée vive il le savait, et ce, bien qu’elle ait l’air d’être retombée sur ses pattes. Il quitta ses interlocuteurs, et s’en fut au bar où n'étaient servis que des jus de fruits. Dora allait bientôt se mettre à minauder, une colère froide le tourmenta ; Hector se tourna vers Jeudi qui s’appliquait à les ignorer. De l’avis d’Hector, Jeudi, depuis peu, souffrait d’une sorte de  "complexe du redevable", ne se sentant pas à la hauteur de celui qui lui avait sauvé la peau ; Jeudi pouvait aussi être « bon et con à la fois » lorsqu’il s’agissait de Dora, Hector se souvint que, après la victoire de son humanoïde,  Jeudi n’avait vu dans son comportement qu’une espèce de légitimité, en ce qui concernait Dora, Jeudi, sans nul doute, l'avait promue déesse. Géraldine était en train de lui sourire, Hector dissimula sa surprise par un ton désinvolte 

— On ne te vois pas arriver chérie, tu te déplaces comme une sioux. Tout le monde discute à propos des mesures gouvernementales.

— Tu es jaloux ? Tu semblais absorbé dans la contemplation de Dora et Janin.

— Non. Je me faisais du souci pour toi. Cette amitié entre Janin et Dora est un peu incongrue non ?

— Janin fait ce qu’il veut, je ne suis pas possessive en amitié, au contraire. En amour, si. Je me suis assez déçue d’éprouver ça… Après, j'ai bien peur de t'avoir jugé comme tu le mérites.

— C’est le vide de l’absence qui a provoqué l’émotion. Le sentiment de trahison est ressenti comme un vide, le sol se dérobe sous les pieds. Le jugement ne vient qu'ensuite, tu as raison. On juge, puis éventuellement on s’en veut de juger, on se sent un peu perdu … et finalement tu as pensé que personne ne vaut la peine qu‘on se perde pour lui. On n’est pas salaud en raison de la douleur qu’on cause sur le moment, mais quand on s’obstine à continuer à la faire endurer, par indifférence ou sadisme. Je ne suis pas un salaud. Ce sauvetage m’avait mis les nerfs à rude épreuve  et j‘ai oublié l‘essentiel… 

— Tu aimes toujours Dora.

— Différemment. Plus comme amante, c’est fini. Comme l’une de mes filles, bien qu’elle soit la mère de mes filles. 

— Je t’appellerai un jour, j'espère que tu seras là.

Ils décidèrent d’aller discuter politique avec Dora et Janin.