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16/05/2012

Les Marcheurs

Une rumeur consternée se fit entendre dans l’assistance "La guerre !" Jeudi semblait leur inspirer une crainte mêlée de mépris. Sans doute y avait-il parmi ces gens des complices de Le Noble à qui il n’apprenait pas grand chose et qui travaillaient pour lui pensa Jeudi. L’un d’eux prit la parole et confirma bientôt cette hypothèse :

— Respectables Bléassanghins, ces Glorieux ne méritent plus leur titre, tout savants qu’ils soient. Ils se moquent de nous ! Il y en a parmi eux qui seraient même d’aspect monstrueux et copuleraient dans les bois. Ce Janin par exemple dont on voudrait nous faire croire que sa fille est aussi belle que la princesse ! Ils n’étaient en réalité que des originaux, des professeurs Tournesols, aussi hurluberlus que ceux qu’ils ont recueillis pour notre plus grand désarroi. Ces voleurs de terre ont compris que nous sommes au courant de leur perfidie grâce à Le Noble et voudraient néanmoins notre bénédiction pour s’en prendre à lui, un vrai scientifique ! Voilà la réalité ! Gloire à lui et honte à eux désormais !

La petite assemblée de Bléassenghins émit un rire grinçant, mais ne répondit pas à l’exhortation de l’orateur autant que celui-ci l’aurait souhaité. Ces gens ne feraient pas le deuil de leurs anciens héros comme on change de chemise, le retournement de situation était trop soudain, la pilule dure à avaler, ils ressemblaient à des amoureux éconduits, certains ne réalisaient pas encore la signification d’une telle conduite de la part des savants : protéger ceux qui étaient promis à une exécution certaine en se jouant d’eux, c’était à peine croyable. Ils s’accrochaient cependant à leurs espoirs, ces voyages réguliers en fusée dont certains étaient offerts, c’était du concret, ils ne les avaient pas rêvés. Ces soins qu'ils recevaient entre autre multiples bienfaits en gage de leur valeur exceptionnelle ...mais qu'ils n'étaient pas les seuls à recevoir ... 

«  Mes amis reprit l’orateur, mes chers concitoyens, mettons au pied du mur les Glorieux, obligeons-les à choisir entre ces êtres impurs et nous. Nous enverrons les Gueux, sans leurs chiens, ils seront munis d’appareils de protection contre les loups, et iront chercher les trois vagabonds. Si les savants ne nous les livrent pas, alors ils nous auront montré leur vrai visage mes amis, d’autres qu’eux, des scientifiques respectables comme notre indéfectible ami Le Noble, les remplaceront. N’oubliez pas qui nous sommes, des parents d’artistes mondialement reconnus, célébrissimes. N’oublions pas la supériorité de la race des vrais artistes. Honte à ceux qui ont voulu se jouer de nous et mort à ces imprudents impurs !

« Mort aux imprudents impurs ! » Reprirent-ils en cœur. Jeudi se souvint du jour où il avait failli se faire exécuter lui-même dans les bois, sauvé in extrémis par la volcanologue Potziki qui faisait partie du staff des savants de la zone verte. Tiré d’affaire in extrémis en effet, et à l’insu des bourreaux qui étaient partis à la sauvette à peine l‘avaient-ils accroché à une branche d’arbre ; sa future femme, géologue de renom, n‘avait plus eu qu‘à le cueillir comme un fruit mûr comme elle se plaisait à dire, avec cet humour caustique des situations infernales. Jeudi ne serait pas à l’origine d’une légende pour autant, à la manière de la princesse aux pieds menus. Même si, quand il était réapparu quelques semaines plus tard, traversant tranquillement la place, les habitants de Bléassengh avaient cru l’espace de quelques secondes à un phénomène de réincarnation avant de maudire l’arbre dont la branche n’avait de toute évidence pas tenu le coup, elle avait dû se briser sous le poids de ce sale bonhomme pensèrent-ils. Jeudi s’était dirigé vers l’hôtel Oasis où, en tant qu’employé officiel des Glorieux, il avait loué une chambre des plus confortables. Il n’avait toujours pas de chien bouclier mais avait trouvé mieux encore : la protection des scientifiques. Les habitants les avaient pardonnés, Jeudi étant de toute évidence bien portant, il pouvait servir pour une quelconque besogne. Ils auraient préféré qu’un gueux fût choisi au lieu de celui-là mais le mal étant fait, ils s’aperçurent vite que Jeudi avait maintenant de l’argent et était devenu aussi intéressant de ce fait, qu’un touriste. Aucun d’eux, hors les espions, ne s’était imaginé que les Glorieux étaient entrés en résistance dès qu’ils avaient appris la tentative d’exécution de Jeudi et que cet événement constituait le motif réel pour lequel ces scientifiques avait réintroduit les loups depuis cinq années maintenant. Quant à imaginer que l’aventure s’était terminée par le mariage de la célèbre Potziki avec cet ancien pauvre qui ne pouvait même pas s’offrir un chien à l’époque, cela les Bléassenghins ne l’avaient pas pu.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

12/05/2012

Madame Piéaumur se fâche

Voici la suite des Marcheurs, que j'ai écrite ce matin. Le texte s'écrivant sans plan pré-établi, avec juste une vague idée qui s'éclaicit de jour en jour dans ma cervelle pensante, j'ai apporté quelques corrections dans les textes précédents pour la cohésion de l'histoire. La suite : 

— Au fait, Madame Piéaumur, je ne comprends pas vraiment pourquoi ce Monsieur Jeudi et Le Noble, ne se font pas, comme vous dites, dézinguer eux-mêmes par ces bêtes.

— Mais vous n’êtes pas sans savoir que Monsieur Jeudi travaille pour les Glorieux, et que Le Noble, en tant que scientifique, sans être du pays, a le moyen de se procurer les appareils à ondes répulsives. Je sais que votre honorable passion pour les chiens vous occupe entièrement Monsieur le président mais, sans vouloir vous offenser en quelque façon, il vaut mieux se tenir informé concernant ce qui a trait à la science, sinon les événements et divers phénomènes qui se produisent chez nous nous deviendront de plus en plus incompréhensibles, hors de notre portée et nous ne pourrons plus agir sur eux. Or l’heure est grave, non seulement les marcheurs ne sont pas morts comme nous l’espérions, ils continuent de déambuler chez nous, mais en plus Le Noble les a vus converser avec Monsieur Jeudi qui les hébergerait, et plus alarmant encore, il a vu un monstre aux mains énormes s’occuper du plus jeune des marcheurs, celui que Monsieur Le Noble a repéré comme étant probablement atteint d’une maladie neurologique. Il a vu ce monstre apaiser le jeune homme ! Pourquoi pas le guérir tant que nous y sommes ? Sans passer par aucun protocole et sans mérite aucun, ce jeune homme d’après les conjectures de Le Noble, bénéficierait des soins d’un Glorieux qui serait donc d’aspect monstrueux à l’en croire.

— Assez de divagations Madame Piéaumur, la jalousie vous égare, les touristes n’étaient donc qu’un prétexte pour vous …

— Vous mettez en doute la parole du cavalier Le Noble, c’est un comble ! J’agirais moi-même par jalousie à l’encontre d’un pauvre être propre à inspirer la pitié des âmes faibles ? Auriez-vous oublié à quelle race supérieure nous appartenons président Todi ? Ainsi d’après vous, je vous aurais demandé cette séance exceptionnelle par dépit, un dépit occasionné par ces moins que moins que moins que rien ! Vous, toujours si droit d’ordinaire, vous m‘étonnez. Il faut croire que ces trois touristes d’un nouveau genre ne sont pas les pouilleux qu’ils paraissent être. Peut-être sont-ils envoyés …

— Ne recommençons pas avec cette vieille superstition d’un autre âge, à l’heure, comme vous le disiez vous-même, des brouilleurs d’ondes, des appareils à ondes répulsives, infra-sons, ultra-sons et que sais-je encore. Nos ancêtres n’ont pas secouru une petite fille belle comme le jour, une princesse aux petits pieds, du coup elle revient se venger sous la forme de trois hurluberlus qu’elle téléguiderait vers nous dans le but expressément de nous nuire … deux siècles se sont écoulés depuis, je pense qu’elle a eu le temps de digérer les événements …

— Humour de mauvais aloi, président Todi, excusez-moi de vous le dire aussi crûment. Certes les Glorieux nous abreuvent de privilèges en raison non seulement de notre prêt mais surtout, et vous semblez l’oublier, de notre distinction naturelle, nos enfants sont des artistes reconnus dans le monde entier, leur dons pour les arts sont notre marque de fabrique. Certains ont fréquenté les plus grandes universités et on en compterait parmi les Glorieux … s’ils n’étaient aussi … je ne trouve pas le mot.

« Impénétrables » laissa tomber le président Todi.

— C’est cela, reprit madame Piéaumur, nos enfants sont surdoués et pourraient en conséquence être hissés au pinacle des rois de la connaissance comme ils le méritent. Or il n’en est rien. Pourquoi n’en est-il rien ? Pourquoi ne sont-ils que des stars, des pions de cette vieille institution planétaire, interchangeables à souhait. À cause du double jeu des Glorieux. Ils prennent sournoisement nos terres et les privilèges qui nous sont octroyés ne sont que des leurres, nous nous en doutions tous sans oser nous l’avouer, la preuve aujourd’hui en est faite grâce au cavalier Le Noble, il a vu un de leurs employés prodiguer des soins au premier pouilleux venu.

— Un séjour à la demande dans des résidences privées où nous sommes choyés en permanence, est-ce là un leurre ? Et pourtant je pense que tout n’est pas faux dans ce que vous dites, madame Piéaumur, si Le Noble a vraiment vu ce qu’il dit, il vous est effectivement possible d’en faire allégation pour défendre notre cause … et celle des touristes respectables. 

Un brouhaha se fit entendre dans la salle à l’arrivée de Jeudi. Madame Piéaumur et le président Todi en restèrent muets de stupéfaction. Jeudi monta les marches de l’estrade sur laquelle se tenaient les deux protagonistes et demanda la parole. D’un signe de tête Todi la lui accorda, l’air médusé.

— Je vous écoute depuis tout à l’heure, chers hôtes et en ma qualité d’hôte moi-même choyé grâce à vous, et d’employé des savants de la zone verte je voudrais vous donner mon avis sur la question des touristes si vous m’y autorisez.

Le président Todi inclina brièvement la tête, les lèvres pincées tandis que Madame Piéaumur s’était reculée de quelques pas vers le fond de l’estrade.

— Parmi ces savants qui, vous semble-t-il, se comportent avec vous de façon un peu ambivalente, sachez qu’il y a de tout au niveau de leur sensibilité spirituelle. Certains sont simplement épris de justice et ne s’occupent guère de questions « d’au-delà » quand d’autres vont jusqu’à pratiquer ce qui est apparenté au chamanisme, c’est le cas de Monsieur Janin, père de Janon. Il pense même qu’il n’est pas impossible que sa fille, dont l’esthétique s’apparente à celle de votre princesse aux petits pieds, soit habitée de temps à autre, sans être envoûtée, de l’esprit de la princesse, qui est apaisé selon lui. 

 — Comment ce monstre pourrait-il avoir une fille ressemblant à la princesse aux petits pieds ? C’est ubuesque !

— Et aux petites mains, madame Piéaumur, Janon a de petites mains. Les caprices de la génétique ! en même temps la fillette ne cesse de baiser celles de son père qu’elle admire comme étant des mains de guérisseur, en outre elle regrette de ne pas être dotée elle-même de longs doigts graciles, elle peine à jouer du piano voyez-vous …

— En ce qui nous concerne, la génétique ne s’est jamais montrée capricieuse, nos enfants sont beaux et intelligents, sains d’esprit dans un corps sain…

« Les génies habitent pourtant parfois des corps chétifs, voire déformés. »

Répondit Jeudi, sans s’effrayer de propos qui n’étaient que les rabâchages habituels des habitants de Bléaseng. Péremptoire, madame Piéaumur s’enquit du motif de cette intrusion :

— Qu’est-ce qui vous amène au juste en ces lieux où aucun touriste n’avait été conviés que je sache. Votre statut d’employé est récent, il nous faut le temps de nous y faire. Prenez-vous la parole au nom d’un Glorieux ?

— Ils me font confiance. Le lien qui unit avant tout ceux que vous appelez Les Glorieux est leur amour de la justice, outre le fait qu’ils soient tous savants. Ainsi, ceux que vous pensiez envoyer à la mort, ils les recueillent en réalité dans la grotte aux ours. Ils voulaient garder le secret autant que durerait votre état d’esprit et voulaient faire venir d’autres animaux sauvages, sensibles contrairement aux hommes à certains infra-sons, grâce auxquels ils ne vont pas dans les zones réservées aux hommes, malades ou non, en même temps ces animaux auraient servi de prétexte pour vous dissuader de vous rendre dans ces lieux réservés mais ils savent que Le Noble, un de leurs ennemis mortels, scientifique lui aussi, les a découvert. Il a en sa possession différents brouilleurs d’ondes. Cet espion remet en cause leurs projets et les contraint en premier lieu à vous dire la vérité. Je viens en effet au nom des Glorieux vous demander une solution à l’amiable avant que Le Noble ne vous utilise pour déclarer une guerre contre la zone verte, dont serait aussi victime Bléaseng, votre adorable petite ville.

 

 

09/05/2012

Réunion exceptionnelle - Suite des Marcheurs

Le conseil municipal

Le conseil de la ville de Bléassent — rapidement traversée par les trois marcheurs avant qu’ils ne s’aventurent dans la Forêt — s’était réuni en session exceptionnelle sous l’initiative de Madame Piéaumur, gérante de l’hôtel Oasis, pour régler diverses questions concernant l’affaire des touristes. Le président Todi est en train de parler alors que vous et moi, lecteurs bien avisés, arrivons à l’improviste en pleine séance :

— Madame Piéaumur, je sais votre attachement à cet être exceptionnel qu’est Le Noble, cavalier émérite s’il en est, lui-même profondément attaché à notre région. Le problème qu’il soulève mérite réflexion en effet, je crains moi aussi que les terres dédiées aux tourisme ne rétrécissent comme peau de chagrin au profit de la zone réservée aux Glorieux si nous ne manifestons pas notre désappointement, voire une certaine colère auprès de ces derniers. J’aurais donc parfaitement compris que Le Noble ait enfreint le règlement et se soit aventuré plus loin qu'il n'est permis aux touristes, si cela n’était devenu chez lui une habitude. Je pense que ces provocations réitérées finiront par nous valoir un blâme pour non dénonciation, sinon pire. Imaginez que les Glorieux, outragés, ne menacent de remettre en cause les nombreux privilèges dont nous bénéficions... ces merveilleux voyages en fusées par exemple, ces soins particuliers et gratuits qui entretiennent si bien notre santé que nous comptons moult centenaires dans notre communauté ... Nous ne pouvons   cautionner, tout bien considéré, aucune forme de rébellion que ce soit, émanerait-elle du plus éminent de nos Maîtres Chien. Il en va je pense de la préservation de notre mode de vie. Nous n’avons jamais éveillé le courroux des Glorieux,  je n’ai aucune idée de leur manière d’agir en cas de désobéissance caractérisée. Combien de fois, m’avez-vous dit, Monsieur Le Noble s’est-il rendu dans la zone Interdite sans la moindre autorisation ?

— Mais enfin Monsieur le Président, cher monsieur Todi, enfin ! Je ne vous ai pas demandé de nous réunir pour que nous fassions le procès de Le Noble, en effet, merci de l’avoir rappelé, émérite Maître chien, et qui plus est ingénieur non moins émérite en son pays. Monsieur Le Noble a en sa possession des brouilleurs d’ondes, jamais Les Glorieux ne pourront déceler sa présence dans la zone interdite, ne vous souciez pas de cela, il est lui aussi une sorte de savant glorieux en son genre. Ce qui me préoccupe et ce pourquoi j’ai mandé cette réunion exceptionnelle ce sont les récentes découvertes de Le Noble concernant la zone verte  qui mettent en exergue une forme d'abus, j'ose le dire, de la part des Glorieux à notre encontre.

Il y eut un mouvement d'effroi dans la salle et une chorale de "Oh !" et de "Ha !" navrés mais madame Piéaumur n'en avait pas fini avec sa propre inquiétude et reprit :  

— Parlons sans détour ! Ce qui nous préoccupe en l‘occurrence, c’est le témoignage de notre ami concernant les allées et venues dans la zone interdite de notre chère zone verte. Le Noble a vu de ses yeux vu, un résident occasionnel de mon hôtel, un certain Monsieur qui se fait appeler Jeudi, aller à la rencontre des trois marcheurs qui normalement auraient dû se faire dézinguer par les loups en deux temps trois mouvements.Mais ce n'est pas tout ! Je ne vous ai pas tout dit et vous avez droit à être informés ...

— Au fait, Madame Piéaumur, je ne comprends pas vraiment pourquoi ce Monsieur Jeudi et Le Noble, ne se font pas, comme vous dites, dézinguer eux-mêmes par ces bêtes.

Madame Piéaumur prit l'air patient d'une mère aimante face à un enfant capricieux et donna quelques précisions : 

— Vous n’êtes pas sans savoir que Monsieur Jeudi travaille pour les Glorieux, et que Le Noble, en tant que scientifique, sans être du pays, a le moyen de se procurer les appareils à ondes répulsives. Je sais que votre honorable passion pour les chiens vous occupe entièrement Monsieur le président mais, sans vouloir vous offenser en quelque façon, il vaut mieux se tenir informé concernant ce qui a trait à la science, sinon les événements et divers phénomènes qui se produisent chez nous nous deviendront de plus en plus incompréhensibles, hors de notre portée et nous ne pourrons plus agir sur eux. Or l’heure est grave, non seulement les marcheurs ne sont pas morts comme nous l‘espérions ... ils continuent de déambuler chez nous, mais, cerise sur le gâteau ! Le Noble les a vus converser avec Monsieur Jeudi qui les hébergerait et ... plus alarmant encore... il a vu un monstre aux mains énormes s’occuper du plus jeune des marcheurs, celui que Monsieur Le Noble a repéré comme étant probablement atteint d’une maladie neurologique. Il a vu ce monstre apaiser le jeune homme ! Pourquoi pas le guérir tant que nous y sommes ! Sans passer par aucun protocole et sans mérite aucun, ce jeune homme d’après les conjectures de Le Noble, bénéficierait des soins d’un Glorieux qui serait donc d’aspect monstrueux à l’en croire.