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12/05/2012

Madame Piéaumur se fâche

Voici la suite des Marcheurs, que j'ai écrite ce matin. Le texte s'écrivant sans plan pré-établi, avec juste une vague idée qui s'éclaicit de jour en jour dans ma cervelle pensante, j'ai apporté quelques corrections dans les textes précédents pour la cohésion de l'histoire. La suite : 

— Au fait, Madame Piéaumur, je ne comprends pas vraiment pourquoi ce Monsieur Jeudi et Le Noble, ne se font pas, comme vous dites, dézinguer eux-mêmes par ces bêtes.

— Mais vous n’êtes pas sans savoir que Monsieur Jeudi travaille pour les Glorieux, et que Le Noble, en tant que scientifique, sans être du pays, a le moyen de se procurer les appareils à ondes répulsives. Je sais que votre honorable passion pour les chiens vous occupe entièrement Monsieur le président mais, sans vouloir vous offenser en quelque façon, il vaut mieux se tenir informé concernant ce qui a trait à la science, sinon les événements et divers phénomènes qui se produisent chez nous nous deviendront de plus en plus incompréhensibles, hors de notre portée et nous ne pourrons plus agir sur eux. Or l’heure est grave, non seulement les marcheurs ne sont pas morts comme nous l’espérions, ils continuent de déambuler chez nous, mais en plus Le Noble les a vus converser avec Monsieur Jeudi qui les hébergerait, et plus alarmant encore, il a vu un monstre aux mains énormes s’occuper du plus jeune des marcheurs, celui que Monsieur Le Noble a repéré comme étant probablement atteint d’une maladie neurologique. Il a vu ce monstre apaiser le jeune homme ! Pourquoi pas le guérir tant que nous y sommes ? Sans passer par aucun protocole et sans mérite aucun, ce jeune homme d’après les conjectures de Le Noble, bénéficierait des soins d’un Glorieux qui serait donc d’aspect monstrueux à l’en croire.

— Assez de divagations Madame Piéaumur, la jalousie vous égare, les touristes n’étaient donc qu’un prétexte pour vous …

— Vous mettez en doute la parole du cavalier Le Noble, c’est un comble ! J’agirais moi-même par jalousie à l’encontre d’un pauvre être propre à inspirer la pitié des âmes faibles ? Auriez-vous oublié à quelle race supérieure nous appartenons président Todi ? Ainsi d’après vous, je vous aurais demandé cette séance exceptionnelle par dépit, un dépit occasionné par ces moins que moins que moins que rien ! Vous, toujours si droit d’ordinaire, vous m‘étonnez. Il faut croire que ces trois touristes d’un nouveau genre ne sont pas les pouilleux qu’ils paraissent être. Peut-être sont-ils envoyés …

— Ne recommençons pas avec cette vieille superstition d’un autre âge, à l’heure, comme vous le disiez vous-même, des brouilleurs d’ondes, des appareils à ondes répulsives, infra-sons, ultra-sons et que sais-je encore. Nos ancêtres n’ont pas secouru une petite fille belle comme le jour, une princesse aux petits pieds, du coup elle revient se venger sous la forme de trois hurluberlus qu’elle téléguiderait vers nous dans le but expressément de nous nuire … deux siècles se sont écoulés depuis, je pense qu’elle a eu le temps de digérer les événements …

— Humour de mauvais aloi, président Todi, excusez-moi de vous le dire aussi crûment. Certes les Glorieux nous abreuvent de privilèges en raison non seulement de notre prêt mais surtout, et vous semblez l’oublier, de notre distinction naturelle, nos enfants sont des artistes reconnus dans le monde entier, leur dons pour les arts sont notre marque de fabrique. Certains ont fréquenté les plus grandes universités et on en compterait parmi les Glorieux … s’ils n’étaient aussi … je ne trouve pas le mot.

« Impénétrables » laissa tomber le président Todi.

— C’est cela, reprit madame Piéaumur, nos enfants sont surdoués et pourraient en conséquence être hissés au pinacle des rois de la connaissance comme ils le méritent. Or il n’en est rien. Pourquoi n’en est-il rien ? Pourquoi ne sont-ils que des stars, des pions de cette vieille institution planétaire, interchangeables à souhait. À cause du double jeu des Glorieux. Ils prennent sournoisement nos terres et les privilèges qui nous sont octroyés ne sont que des leurres, nous nous en doutions tous sans oser nous l’avouer, la preuve aujourd’hui en est faite grâce au cavalier Le Noble, il a vu un de leurs employés prodiguer des soins au premier pouilleux venu.

— Un séjour à la demande dans des résidences privées où nous sommes choyés en permanence, est-ce là un leurre ? Et pourtant je pense que tout n’est pas faux dans ce que vous dites, madame Piéaumur, si Le Noble a vraiment vu ce qu’il dit, il vous est effectivement possible d’en faire allégation pour défendre notre cause … et celle des touristes respectables. 

Un brouhaha se fit entendre dans la salle à l’arrivée de Jeudi. Madame Piéaumur et le président Todi en restèrent muets de stupéfaction. Jeudi monta les marches de l’estrade sur laquelle se tenaient les deux protagonistes et demanda la parole. D’un signe de tête Todi la lui accorda, l’air médusé.

— Je vous écoute depuis tout à l’heure, chers hôtes et en ma qualité d’hôte moi-même choyé grâce à vous, et d’employé des savants de la zone verte je voudrais vous donner mon avis sur la question des touristes si vous m’y autorisez.

Le président Todi inclina brièvement la tête, les lèvres pincées tandis que Madame Piéaumur s’était reculée de quelques pas vers le fond de l’estrade.

— Parmi ces savants qui, vous semble-t-il, se comportent avec vous de façon un peu ambivalente, sachez qu’il y a de tout au niveau de leur sensibilité spirituelle. Certains sont simplement épris de justice et ne s’occupent guère de questions « d’au-delà » quand d’autres vont jusqu’à pratiquer ce qui est apparenté au chamanisme, c’est le cas de Monsieur Janin, père de Janon. Il pense même qu’il n’est pas impossible que sa fille, dont l’esthétique s’apparente à celle de votre princesse aux petits pieds, soit habitée de temps à autre, sans être envoûtée, de l’esprit de la princesse, qui est apaisé selon lui. 

 — Comment ce monstre pourrait-il avoir une fille ressemblant à la princesse aux petits pieds ? C’est ubuesque !

— Et aux petites mains, madame Piéaumur, Janon a de petites mains. Les caprices de la génétique ! en même temps la fillette ne cesse de baiser celles de son père qu’elle admire comme étant des mains de guérisseur, en outre elle regrette de ne pas être dotée elle-même de longs doigts graciles, elle peine à jouer du piano voyez-vous …

— En ce qui nous concerne, la génétique ne s’est jamais montrée capricieuse, nos enfants sont beaux et intelligents, sains d’esprit dans un corps sain…

« Les génies habitent pourtant parfois des corps chétifs, voire déformés. »

Répondit Jeudi, sans s’effrayer de propos qui n’étaient que les rabâchages habituels des habitants de Bléaseng. Péremptoire, madame Piéaumur s’enquit du motif de cette intrusion :

— Qu’est-ce qui vous amène au juste en ces lieux où aucun touriste n’avait été conviés que je sache. Votre statut d’employé est récent, il nous faut le temps de nous y faire. Prenez-vous la parole au nom d’un Glorieux ?

— Ils me font confiance. Le lien qui unit avant tout ceux que vous appelez Les Glorieux est leur amour de la justice, outre le fait qu’ils soient tous savants. Ainsi, ceux que vous pensiez envoyer à la mort, ils les recueillent en réalité dans la grotte aux ours. Ils voulaient garder le secret autant que durerait votre état d’esprit et voulaient faire venir d’autres animaux sauvages, sensibles contrairement aux hommes à certains infra-sons, grâce auxquels ils ne vont pas dans les zones réservées aux hommes, malades ou non, en même temps ces animaux auraient servi de prétexte pour vous dissuader de vous rendre dans ces lieux réservés mais ils savent que Le Noble, un de leurs ennemis mortels, scientifique lui aussi, les a découvert. Il a en sa possession différents brouilleurs d’ondes. Cet espion remet en cause leurs projets et les contraint en premier lieu à vous dire la vérité. Je viens en effet au nom des Glorieux vous demander une solution à l’amiable avant que Le Noble ne vous utilise pour déclarer une guerre contre la zone verte, dont serait aussi victime Bléaseng, votre adorable petite ville.

 

 

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