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29/04/2012

Suite des "marcheurs"

Peter aimait cette marche tant que ses parents n’abordaient pas les sujets qui fâchent. Le grand air l’apaisait si bien en général que sa mère s’était mise à espérer secrètement que les choses continuassent ainsi ; Tom l’avait compris aux rires joyeux qu’elle ne pouvait s’empêcher d’émettre pour des petits riens en certains instants de détente soudaine, à sa façon aussi de regarder Peter, une légère raillerie dans les yeux, étrange détournement de son admiration et reconnaissance envers ce fils, lorsqu’il manifestait sa capacité au bonheur par sa marche tranquille, tel un signe de bonne intelligence possible avec les autres grâce à la généreuse nature environnante. Elle appréciait son pas sûr, à la fois pesant et léger. Quand Tom la voyait ainsi au comble de la tendresse, il attendait la phrase un peu absurde qu’elle prononçait souvent pour la manifester, d’un air dégagé, de façon anodine, sans doute par pudeur « Il marche comme un moine… » disait-elle d’un ton rieur, parfois elle ajoutait le qualificatif « tibétain », non moins étonnant de prime abord, nec plus ultra de son débordement affectif, déclaration indirecte aussi, comme les mères pouvaient en avoir lorsqu‘elles étaient prises de cette sorte de fierté toujours un peu bête selon Tom et qui était d’autant moins de mise la concernant eu égard à la sévérité de la société envers les personnes atteintes de quelque problème que ce soit d’ordre neurologique. Ils se trouvaient tous trois au beau milieu de la place, Peter se balançant d’une jambe sur l’autre, Odette prit une tête de circonstance pour évaluer la situation puis déclara en prenant l’accent de la fatalité qu’il leur faudrait pique-niquer quelque part, l’hôtel trois étoiles était probablement au complet en cette fin de période touristique et l’ami Peter trop remuant intra muros. "Bien ! ajouta-t-elle l’air consterné, là-bas je vois un petit bosquet où nous pourrons monter les tentes, courage !" Tom se contenta de soupirer légèrement "Demain, crut-elle bon de préciser, nous irons visiter la maison ensorcelée, ce doit être un attrape nigauds pour touristes en manque d’imagination." À ces mots Peter pinça la joue de sa mère et approcha son front du sien en signe de bonheur intense, ces paroles lui avaient en effet procuré un vif plaisir. Tom jeta à regret, un dernier regard à l’hôtel Oasis où il aurait volontiers dégusté un plat chaud, la spécialité locale notamment, dont le menu était inscrit sur une autre ardoise, en lettres jaunes également. "En route ! cria Odette, et dans un touchant élan d’optimisme elle renchérit, soudainement enjouée "On the road again !" et se mit à fredonner la chanson du même titre avec l’enthousiasme d’une scout des jeunesses catholiques, lesquelles pour l’heure avaient totalement déserté cette région de la zone verte qui n’avait pas suffisamment bonne réputation à leur goût. Personne n’aurait pu vraiment les en blâmer, il fallait être passablement inconscient pour s’y détendre en toute innocence ou espérer y trouver une aide quelconque.

 

Les marcheurs

Ils voyageaient tous les trois depuis déjà pas mal de temps et commençaient à avoir une rude envie de se poser.

— J’en ai assez de traîner mes guêtres, dit l’homme, il va bien falloir que Peter se fasse une petite place quelque part. On ne peut pas continuellement passer notre temps à chercher un endroit où le faire soigner. J’aimerais toujours le garder avec nous tu sais, mais il faudrait savoir comment améliorer son état.

— C’est bien ce que doivent nous reprocher les gens...

— Quoi ? ... Le fait de ne pas savoir... ?

—  C’est là le problème. Trop tard pour étudier la médecine.

Ces propos énervèrent Peter, il fit un bond de côté et sauta dans un petit fossé où il se terra. Le couple mit plus d'une heure avant de l’en faire sortir. Ils remarquèrent soudain derrière eux un cavalier qui  s'était arrêté pour contempler la scène, ils ne savaient depuis quand au juste, et le virent s'en aller en grommelant "ça n’a pas lieu d’être" en guise de salutations.  

Lorsqu’ils arrivèrent au village, ils aperçurent une femme en haut d’un escabeau, elle se hâtait d’effacer l’ardoise sur laquelle était inscrite à la craie jaune la fonction de l’institution dont elle était la directrice. À l‘origine il s’agissait de l’antenne d’un hôpital de jour mais l’endroit s’était peu à peu transformé en petit hôtel improvisé, pour la raison officielle que les malades se faisaient rares étant donné les progrès évidents de la médecine, d’autre part le maintien systématique au domicile des personnes, vieilles ou non, qui auraient pu investir les lieux en raison d’un quelconque malaise, était venu à bout d’une possible clientèle de malades. La directrice se devait néanmoins d’accueillir les éventuels patients qui se seraient malgré tout présentés, mais le pli était pris et elle considérait ces retardataires comme de véritables cheveux sur la soupe. Un ami et client, amoureux de la région qui aimait se promener à cheval dans les environs, l’avait prévenue de l’arrivée au village de trois patibulaires, des marcheurs, dont l’un avait l’air d’une sorte de grand Don Quichotte déguingandé. Un malade probablement. La directrice n'envisagea pas un instant  de libérer une chambre ou même deux pour de tels individus, bienséance et conscience professionnelle avant toute chose, les habitués des lieux comptaient sur elle pour passer un agréable week-end en famille ou entre amis ou même amants. Ces derniers qui plus est, avaient besoin d’une atmosphère propice et n’appréciaient déjà que modérément la présence d’enfants autour d’eux. Elle aurait bientôt à choisir parmi sa clientèle lesquels privilégier ou non. Cet affreux dilemme la perturbait  suffisamment, hors de question donc d’accueillir par-dessus le marché une personne peu avenante, sinon repoussante, comme celle dont l’aimable touriste lui avait fait la description physique et comportementale.

Enfin arrivés sur la place du village, en quête de l’hôpital de jour, les marcheurs virent la pancarte où était maintenant inscrit en lettres jaunes « Hôtel Oasis ». La femme qu'ils prirent pour la gérante s'empressa de rentrer après les avoir brièvement salués. Peter, les habits déchirés,  recracha, sous les yeux inquiets de Tom et Odette, les quelques cailloux qu'il avait gardé cachés dans sa bouche et incita ses parents à marcher encore.  

— Il y aurait une maison abandonnée dans les parages dit Tom, où serait toujours prévu de quoi manger, dormir et se laver pour les visiteurs, d‘après ce que dit le Guide du voyageur. C’est une sorte de maison d’accueil spéciale. J’espère qu’elle existe toujours parce que l’hôpital lui, je ne vois pas où il peut être, la place est petite, il devrait se voir comme une vache dans un couloir. Ce devait être là où se trouve l’hôtel maintenant. Ma parole, ils l’ont transformé, encore un.

— C’est plutôt une maison ensorcelée. Allons y voir quand même.

— Tu parles de la maison ou de l’hôtel ?

— Je parle de ce qui pourrait encore nous convenir dans cet aimable monde civilisé.  

Les grimpeurs dans les montagnes peuvent se rabattre sur ce genre d’abri en cas de tempête, ils sont prévus pour cela, espérons qu'il en soit de même pour cette maison. Espérons-le pour les trois voyageurs de ce monde impossible.

 — Comment en as-tu entendu parler ? S’enquit Odette

— Je te l’ai dit, elle est mentionnée dans le guide du routard.

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Peter aimait cette marche tant que ses parents n’abordaient pas les sujets qui fâchent. Le grand air l’apaisait si bien en général que sa mère s’était mise à espérer secrètement que les choses continuassent ainsi ; Tom l’avait compris aux rires joyeux qu’elle ne pouvait s’empêcher d’émettre pour des petits riens en certains instants de détente soudaine, à sa façon aussi de regarder Peter, une légère raillerie dans les yeux, étrange détournement de son admiration et reconnaissance envers ce fils, lorsqu’il manifestait sa capacité au bonheur par sa marche tranquille, tel un signe de bonne intelligence possible avec les autres grâce à la généreuse nature environnante. Elle appréciait son pas sûr, à la fois pesant et léger. Quand Tom la voyait ainsi au comble de la tendresse, il attendait la phrase un peu absurde qu’elle prononçait souvent pour la manifester, d’un air dégagé, de façon anodine, sans doute par pudeur «  Il marche comme un moine… » disait-elle d’un ton rieur, parfois elle ajoutait le qualificatif « tibétain », non moins étonnant de prime abord, nec plus ultra de son débordement affectif, déclaration indirecte aussi, comme les mères pouvaient en avoir lorsqu‘elles étaient prises de cette sorte de fierté toujours un peu bête selon Tom et qui était d’autant moins de mise la concernant eu égard à la sévérité de la société envers les personnes atteintes de quelque problème que ce soit d’ordre neurologique. Ils se trouvaient tous trois au beau milieu de la place, Peter se balançant d’une jambe sur l’autre, Odette prit une tête de circonstance pour évaluer la situation puis déclara en prenant l’accent de la fatalité qu’il leur faudrait pique-niquer quelque part, l’hôtel trois étoiles était probablement au complet en cette fin de période touristique et l’ami Peter trop remuant intra muros. "Bien ! ajouta-t-elle l’air consterné, là-bas je vois un petit bosquet où nous pourrons monter les tentes, courage !" Tom se contenta de soupirer légèrement  "Demain, crut-elle bon de préciser, nous irons visiter la maison ensorcelée, ce doit être un attrape nigauds pour touristes en manque d’imagination." À ces mots Peter pinça la joue de sa mère et approcha son front du sien en signe de bonheur intense, ces paroles lui avaient en effet procuré un vif plaisir. Tom jeta à regret, un dernier regard à l’hôtel Oasis où il aurait volontiers dégusté un plat chaud, la spécialité locale notamment, dont le menu était inscrit sur une autre ardoise, en lettres jaunes également. "En route ! cria Odette, et dans un touchant élan d’optimisme elle renchérit, soudainement enjouée "On the road again !" et se mit à fredonner la chanson du même titre avec l’enthousiasme d’une scout des jeunesses catholiques, lesquelles pour l’heure avaient probablement déserté cette région de la zone verte qui n’avait pas suffisamment bonne réputation à leur goût. Personne n’aurait pu vraiment les en blâmer, il fallait être passablement inconscient pour s’y détendre en toute innocence ou espérer y trouver une aide quelconque sans compliquer durablement les choses.

* J'ai écrit ce petit texte ce matin, vous voulez en savoir plus ? Moi aussi ! j’écrirai donc la suite incessament sous peu.