26/07/2011
La Fontaine du jour
La raison du plus fort est toujours la meilleure :
Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un Agneau se désaltérait
Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
- Sire, répond l'Agneau, que votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle,
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
- Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
- Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?
Reprit l'Agneau, je tette encor ma mère.
- Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
- Je n'en ai point. - C'est donc quelqu'un des tiens :
Car vous ne m'épargnez guère,
Vous, vos bergers, et vos chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge.
Là-dessus, au fond des forêts
Le Loup l'emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès.
08:18 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)
21/07/2011
Try it
Artistes venez faire un petit numéro de temps en temps dans ces endroits de zapping intense où d’ordinaire rien ne se passe. Les grandes surfaces entre autres, d’autres lieux encore où les lambdas s’oublient à peine vus. On s‘encroûte aussi dans de jolis environnements à force de négliger les paysages. Même en friche les espaces restent des possessions intouchables. On pourrait y accueillir des campeurs, des cirques, des bohémiens, mais on préfère pas et l'on s'ennuie. Des citadins pourraient se dégourdir les jambes sur les chemins de terre oubliés des environs, les chiens seulement ont le droit d’y gambader en période de chasse.
23:12 Publié dans Note, Philosophie, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)
24/06/2011
-Histoire et poésie - ou - style classique, style moderne -
La colère est toujours injuste, c'est un peu le message de Fontanes, qui pratiquait la méditation en même temps que la mesure en poésie (le mètre pour, entre autre, la maîtrise de l'affect ?). Fontanes, ami que Chateaubriand n'a jamais trahi, même si lui, presque à contrecœur, n'a pas gardé la forme classique de versification où il excellait et s'est dirigé vers la prose. Ciment de cette amitié indéfectible : tous deux se sentent une mission commune, une "vocation remémoratrice". Fontanes parti rejoindre Chateaubriand à Londres va même l'aider "à découvrir et mettre en œuvre cette vocation remémoratrice, mais sur l'instrument nouveau que le jeune poète en exil s'était inventé." Belle leçon de compréhension qui va même au-delà de la tolérance. En ce qui concerne Chateaubriand :"Dans les poèmes comme La Mer ou Les Adieux, une violence émotionnelle et une fureur d'imagination inconnues de Fontanes semblent frapper à la porte de l'alexandrin et demander à la franchir pour se répandre avec plus de liberté." Fontanes ira jusqu'à jouer le rôle de conseiller littéraire auprès de son cadet, tout en restant de son côté fidèle au style classique.
après la courte synthèse d'un passage du livre de Marc Fumaroli, voici un extrait du même auteur : "La dissymétrie entre l'aîné et le cadet était en effet aussi patentes que leurs affinités. Pour Fontanes, l'arche de la mémoire était l'art des vers : cet art passait avant l'affectivité intime, bien que celle-ci fût appelée à circuler dans cette forme donnée et à y trouver son rythme juste et mémorable. Pour Chateaubriand c'est cela, et c'est tout autre chose : il a franchi un pas fatal à la suite de Rousseau. Et déjà dans le Génie du Christianisme la mémoire du royaume chrétien aboli qu'il s'agit de rendre aux Français amnésiques est un paysage affectif retrouvé par le poète dans ses émotions d'enfance. Cet art de mémoire fluide est moderne, et c'est bien dans cette modernité de la remémoration, autant que dans le passage du vers à la prose, que consiste sa "révolution littéraire". Elle n'atteindra son plein régime que dans son chef-d'œuvre posthume. Mais c'est une révolution à rebours de la révolution politique. Elle retourne le Rousseau musicien de la mémoire passionnée contre le Rousseau théoricien de la table rase et de la volonté générale, elle mobilise le Rousseau du Vicaire savoyard et sa religion du cœur contre le déisme de Voltaire et l'athéisme de D'Holbach.
Fontanes est assez fin et assez profond pour pressentir dès 1798, en germe dans l'Essai et les Natchez, toute la portée de ce retournement de Rousseau contre l'usage qu'en avaient fait les Jacobins, même si lui-même en était incapable, même s'il ne souhaitait surtout pas s'en montrer capable. Dès qu'il revit Fontanes à Londres, dès qu'il eut commencé à lui lire les Natchez, Chateaubriand sut de son côté que le nouveau Malherbe, son ami, l'aiderait à rendre acceptable au public français la révolution littéraire des Contre-Lumières dont il était porteur."Chateaubriand Poésie et Terreur (P. 171)
21:38 Publié dans Analyse, Histoire, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)