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21/11/2009

La fin de l'automne

francis Ponge perçoit dans ce poème, La Nature comme une entité à l'humeur fantaisiste  mais qui sait quand même un peu ce qu'elle fait. Surtout lorsque l'hiver, il lui   semble que, dans un état de dénuement extrême auquel   "sa forte constitution résiste", elle se mette enfin à réfléchir. Si bien que des petits bourgeons  peuvent se pointer "en toute connaissance de cause".

Une façon à la fois complexe et enfantine de personnifier La Nature,  reliant chacun à sa propre enfance. Un rafraîchissement délicieux.

 Voilà le poème en question :   

La fin de l’automne

Tout l’automne à la fin n’est plus qu’une tisane froide. Les feuilles mortes de toutes essences macèrent dans la pluie. Pas de fermentation, de création d’alcool : il faut attendre jusqu’au printemps l’effet d’une application de compresses sur une jambe de bois.

Le dépouillement se fait en désordre. Toutes les portes de la salle de scrutin s’ouvrent et se ferment, claquant violemment. Au panier, au panier ! La Nature déchire ses manuscrits, démolit sa bibliothèque, gaule rageusement ses derniers fruits.

Puis elle se lève brusquement de sa table de travail. Sa stature aussitôt paraît immense. Décoiffée, elle a la tête dans la brume. Les bras ballants, elle aspire avec délices le vent glacé qui lui rafraîchit les idées. Les jours sont courts, la nuit tombe vite, le comique perd ses droits.

La terre dans les airs parmi les autres astres reprend son air sérieux. Sa partie éclairée est plus étroite, infiltrée de vallées d’ombre. Ses chaussures, comme celles d’un vagabond, s’imprègnent d’eau et font de la musique.

Dans cette grenouillerie, cette amphibiguïté salubre, tout reprend forces, saute de pierre en pierre et change de pré. Les ruisseaux se multiplient.

Voilà ce qui s’appelle un beau nettoyage, et qui ne respecte pas les conventions ! Habillé comme nu, trempé jusqu’aux os.

Et puis cela dure, ne sèche pas tout de suite. Trois mois de réflexion salutaire dans cet état ; sans réaction vasculaire, sans peignoir ni gant de crin. Mais sa forte constitution y résiste.

Aussi, lorsque les petits bourgeons recommencent à pointer, savent-ils ce qu’ils font et de quoi il retourne, — et s’ils se montrent avec précaution gourds et rougeauds, c’est en connaissance de cause.

Mais là commence une autre histoire, qui dépend peut-être mais n’a pas l’odeur de la règle noire qui va me servir à tirer mon trait sous celle-ci.

Francis Ponge

 

01:46 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)

16/11/2009

Extrait de poème de Victor Hugo et dessin matinal

victorhugogo0001.jpg

08:25 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (3)

03/11/2009

Fondane

“Oui, j’ai été un homme comme les autres hommes,
nourri de pain, de rêve, de désespoir. Eh oui,
j’ai aimé, j’ai pleuré, j’ai haï, j’ai souffert,
j’ai acheté des fleurs et je n’ai pas toujours
payé mon terme.

[…]

J’ai lu comme vous tous les journaux tous les bouquins,
et je n’ai rien compris au monde
et je n’ai rien compris à l’homme,
bien qu’il me soit souvent arrivé d’affirmer le contraire.
Et quand la mort, la mort est venue, peut-être
ai-je prétendu savoir ce qu’elle était mais vrai,
je puis vous le dire à cette heure,
elle est entrée toute en mes yeux étonnés,
étonnés de si peu comprendre –
¬avez-vous mieux compris que moi?

Et pourtant, non!
je n’étais pas un homme comme vous.
Vous n’êtes pas nés sur les routes,
personne n’a jeté à l’égout vos petits
comme des chats encore sans yeux,
vous n’avez pas erré de cité en cité
traqués par les polices,
vous n’avez pas connu les désastres à l’aube,
les wagons de bestiaux
et le sanglot amer de l’humiliation,
accusés d’un délit que vous n’avez pas fait,
d’un meurtre dont il manque encore le cadavre,
changeant de nom et de visage,
pour ne pas emporter un nom qu’on a hué
un visage qui avait servi à tout le monde
de crachoir!

Un jour viendra, sans doute, quand le poème lu
se trouvera devant vos yeux. Il ne demande
rien! Oubliez-le, oubliez-le! Ce n’est
qu’un cri, qu’on ne peut pas mettre dans un poème
parfait, avais-je donc le temps de le finir?
Mais quand vous foulerez ce bouquet d’orties
qui avait été moi, dans un autre siècle,
en une histoire qui vous sera périmée,
souvenez-vous seulement que j’étais innocent
et que, tout comme vous, mortels de ce jour-là,
j’avais eu, moi aussi, un visage marqué
par la colère, par la pitié et la joie,

un visage d’homme, tout simplement!”

Préface en Prose, 1942

http://www.laboiteasorties.com/2009/10/benjamin-fondane-u...

23:51 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)