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12/03/2012

Le rendez-vous manqué

— Do you feel up to continuing with the work today ?

— Oui bien sûr j’ai les tripes bien accrochées. J’me sens cap’. J’me laisse pas arrêter pour trois fois rien, j’ai pas peur du travail vous savez. L’appel du prochain j’ l‘entends avec la sonnerie du réveil, tous les matins. J’chuis soutien de famille et en plus des fistons, j’ai les chats du quartier à m’occuper, et la cigale du coin a besoin de moi aussi. Avec son extinction de voix elle me parle par signes. Je résiste pas aux signes, alors que quand elle chantait ça me laissait assez indifférent vous voyez. C’est lady comment déjà vot’nom ?

— I can’t put up with such ignorance.

La dame, les lèvres pincées, s’en alla sans rien ajouter de plus. On voyait bien que la lady n’avait personne à nourrir pensa-t-il, ces susceptibilités déplacées trahissaient son égoïsme. D’un haussement d’épaules il chassa le léger chagrin que lui causait ce départ précipité et s’en alla à l’usine du coin où il mettrait en cartons deux heures durant des bérets béarnais avant de retourner à la gare d’eau. Le temps d’attraper quelques truites et il serait déjà midi.

04/03/2012

Chacun chez soi ?

Les grands chevaux noirs. Il s’agissait de leur faire faire la course, autant qu’il me semble, à partir de ces bribes de rêve qui me reviennent. On me pressait d’organiser la course, un vrai harcèlement. Y avait-il un problème de dopage ? Je n’en sais rien, toujours est-il que c’était pour moi inconcevable de faire concourir ces animaux. J’ai fini par m’égosiller pour exprimer mon refus catégorique «  Pas question !" et puisqu'il en était ainsi j'ai décidé de m'en aller. Regards désapprobateurs des solliciteurs,  considération en berne sur fond de jugement négatif mais qu’importe, j 'allais rentrer chez moi. La route se profile, longue et solitaire. Avant le départ, arrive une de mes sœurs à qui je propose un bout de route ensemble. Mais non, elle ne peut pas, elle doit voir une amie là-bas, dans une région lointaine où dit-elle, elle est très heureuse. Je nous vois discuter ensemble dans une cabine de bateau, bateau où arrivent bientôt une équipe de cuisiniers chargés de restaurer les futurs spectateurs de la course qu‘on organisera sans moi. Nous passons de ce bateau au café d’une petite ville pas loin de la maison à la vitesse éclair. Après avoir ré-invité ma sœur à venir chez moi quand bon lui semblera je me mets en route. Dernière image du rêve : deux navires de guerre à grandes voiles tournent lentement sur eux-mêmes, s’imbriquent l’un dans l’autre et se renversent, se vidant par là-même de leurs passagers. Je sais qu’il s’agit des organisateurs de la course et de leur personnel ; leur chute me meurtrit et me donne le vertige, impossible d’aider quiconque de là où je suis, entourée de dauphins hurlant. Les chevaux noirs auraient  bluffé Darwin par leur capacité d’adaptation, paniqués à l’idée d’une fin imminente, ils sont non seulement passés du noir au blanc, ce qui est relativement insignifiant, mais surtout ils ont changé de forme,  sont devenus ces poissons volants, gloussant comme des mouettes avant le grand plongeon. 

 

29/09/2011

Le tigre raisonnable

J'ai écrit ce texte ce matin. Je l'intitule La raison du plus fort 

Un tigre se trouvait sur le pont du bateau où j’effectuais une petite croisière en mer du Nord. Il me semblait inquiétant malgré son air domestiqué. Je le voyais parfois entrer, sans faire d’histoire, dans sa cage d’osier, posée à même le plancher, lorsqu’il revenait d’une promenade. Il s’était dégourdi les pattes durant quelques minutes, sans doute sous la surveillance de quelque gardien, si discret que je ne le repérai pas. Je supposais qu’un coin était réservé à ce tigre particulier, je ne sais où, pour ses besoins. Ses sorties fréquentes et de courte durée étaient assez imprévisibles. Il donnait alors l’impression, avec sa lenteur toute féline, de se balader en liberté. Lorsqu’ils soupçonnaient sa présence aux alentours, certains anxieux se contentaient de rappeler soudainement les enfants dans les cabines. Personne ne savait qui le libérait exactement, cependant ces circonstances peu banales ne surprenaient pas plus les passagers que s’ils s’étaient trouvés en savane africaine. Ils ne s’étonnaient pas non plus outre-mesure, lorsque le fauve retrouvait sa prison, de le voir assis sur le postérieur dans sa cage étroite, comme enveloppé par les roseaux qui s’arrondissaient en coupole au-dessus de sa tête, tant l’espace était réduit. Mais il semblait avoir trouvé chaussure à sa pointure. Les voyageurs, qui se voulaient confiants, en déduisaient que décidément, cet animal faisait preuve d’une grande sagesse, comme s’il était devenu son propre maître puisque, d’un mouvement un seul, il aurait pu saccager sa prison de pacotille mais n’en faisait rien. Le tigre, aussi placide pour moi qu’une centrale nucléaire, ne provoqua aucun accident durant la croisière. Je n’ai pas réussi à connaître la raison de sa présence à bord, ni pourquoi il n’avait nul besoin de se contorsionner pour intégrer une cage selon moi, aussi inadaptée.