29/09/2011
Le tigre raisonnable
J'ai écrit ce texte ce matin. Je l'intitule La raison du plus fort
Un tigre se trouvait sur le pont du bateau où j’effectuais une petite croisière en mer du Nord. Il me semblait inquiétant malgré son air domestiqué. Je le voyais parfois entrer, sans faire d’histoire, dans sa cage d’osier, posée à même le plancher, lorsqu’il revenait d’une promenade. Il s’était dégourdi les pattes durant quelques minutes, sans doute sous la surveillance de quelque gardien, si discret que je ne le repérai pas. Je supposais qu’un coin était réservé à ce tigre particulier, je ne sais où, pour ses besoins. Ses sorties fréquentes et de courte durée étaient assez imprévisibles. Il donnait alors l’impression, avec sa lenteur toute féline, de se balader en liberté. Lorsqu’ils soupçonnaient sa présence aux alentours, certains anxieux se contentaient de rappeler soudainement les enfants dans les cabines. Personne ne savait qui le libérait exactement, cependant ces circonstances peu banales ne surprenaient pas plus les passagers que s’ils s’étaient trouvés en savane africaine. Ils ne s’étonnaient pas non plus outre-mesure, lorsque le fauve retrouvait sa prison, de le voir assis sur le postérieur dans sa cage étroite, comme enveloppé par les roseaux qui s’arrondissaient en coupole au-dessus de sa tête, tant l’espace était réduit. Mais il semblait avoir trouvé chaussure à sa pointure. Les voyageurs, qui se voulaient confiants, en déduisaient que décidément, cet animal faisait preuve d’une grande sagesse, comme s’il était devenu son propre maître puisque, d’un mouvement un seul, il aurait pu saccager sa prison de pacotille mais n’en faisait rien. Le tigre, aussi placide pour moi qu’une centrale nucléaire, ne provoqua aucun accident durant la croisière. Je n’ai pas réussi à connaître la raison de sa présence à bord, ni pourquoi il n’avait nul besoin de se contorsionner pour intégrer une cage selon moi, aussi inadaptée.
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