17/01/2008
La saxifrage
"La poésie qu’inventent les contemplations sort du silence que symbolise la ligne de points qui suit la date de la mort de Léopoldine. Si, comme l’explique la préface, le « tombeau » de l’enfant sépare « Autrefois » et « Aujourd’hui », cette seconde coupure, intérieure à « Aujourd’hui » est un second tombeau, celui de la poésie antérieure à l’exil. La poésie née de ce silence est une « sombre fleur de l’abîme » (« À celle qui est restée en France »). La métaphore est filée d’un bout à l’autre du recueil : » humble marguerite, éclose au bord d’un champ,/ Sur un mur gris », « petites fleurs d’or du mur qui se dégrade », « fleur des murailles », « âpre fleur des dunes », fleur « pâle » croissant « aux fentes du rocher », toutes ces fleurs n’en font symboliquement qu’une, la saxifrage. Cette plante, qui croît dans les fissures des rochers et des murs – jusqu’à selon l’étymologie, briser la roche – , définit la poésie comme acte de résistance : elle ne croît pas malgré l’aridité du sol, elle naît paradoxalement de cette aridité même, et tend ses forces contre elle.
La poésie éclôt sur l’abîme, désigné par la métaphore du « mur » ou des « murailles d’airain ». L’image biblique du mur d’airain s’applique, dans Les Contemplations, au ciel « insondable », mais aussi à la misère, où « tout est d’airain, tout est de fer », et à Paris, « cité de feu, de nuit, d’airain, de verre ». Le Second Empire (ou Paris) et la misère posent donc, dans l’ordre politique et dans l’ordre social, la question que la mort de l’enfant pose dans l’ordre métaphysique : celle de l’existence du mal. La poésie, « sombre fleur de l’abîme », croît dans les fissures des murailles terrestres – l’oppression politique et sociale – pour briser celle du « ciel d’airain » : celles-ci sont en effet le prolongement dans l’infini de celles-là. Il est remarquable que la saxifrage définisse, un siècle plus tard, la poésie d’une autre Résistance, celle de René Char confronté au nazisme : « Fureur et mystère tour à tour le séduisirent et le consumèrent. Puis vint l’année qui acheva son agonie de saxifrage".
Ludmila Charles-Wurtz
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Aurore
Oui, je suis le rêveur…
Oui, je suis le rêveur ; je suis le camarade
Des petites fleurs d’or du mur qui se dégrade,
Et l’interlocuteur des arbres et du vent.
Tout cela me connaît, voyez-vous. J’ai souvent,
En mai, quand de parfums les branches sont gonflées,
Des conversations avec les giroflées ;
Je reçois des conseils du lierre et du bleuet.
L’être mystérieux, que vous croyez muet,
Sur moi se penche, et vient avec ma plume écrire.
J’entends ce qu’entendit Rabelais ; je vois rire
Et pleurer ; et j’entends ce qu’Orphée entendit.
Ne vous étonnez pas de tout ce que me dit
La nature aux soupirs ineffables. Je cause
Avec toutes les voix de la métempsycose.
Avant de commencer le grand concert sacré,
Le moineau, le buisson, l’eau vive dans le pré,
La forêt, basse énorme, et l’aile et la corolle,
Tous ces doux instruments, m’adressent la parole ;
Je suis l’habitué de l’orchestre divin ;
Si je n’étais songeur, j’aurais été sylvain.
J’ai fini, grâce au calme en qui je me recueille,
À force de parler doucement à la feuille,
À la goutte de pluie, à la plume, au rayon,
Par descendre à ce point dans la création,
Cet abîme où frissonne un tremblement farouche,
Que je ne fais plus même envoler une mouche !
Le brin d’herbe, vibrant d’un éternel émoi,
S’apprivoise et devient familier avec moi,
Et, sans s’apercevoir que je suis là, les roses
Font avec les bourdons toutes sortes de choses ;
Quelquefois, à travers les doux rameaux bénis,
J’avance largement ma face sur les nids,
Et le petit oiseau, mère inquiète et sainte,
N’a pas plus peur de moi que nous n’aurions de crainte,
Nous, si l’œil du bon Dieu regardait dans nos trous ;
Le lys prude me voit approcher sans courroux,
Quand il s’ouvre au baiser du jour ; la violette
La plus pudique fait devant moi sa toilette ;
Je suis pour ces beautés l’ami discret et sûr ;
Et le frais papillon, libertin de l’azur,
Qui chiffonne gaîment une fleur demi-nue,
Si je viens à passer dans l’ombre, continue,
Et, si la fleur se veut cacher dans le gazon,
Il lui dit : « Es-tu bête ! Il est de la maison. »
Victor Hugo - Les Roches, août 1835.
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L'histoire en question
"La colonisation avait laissé derrière elle 99% d’Algériens analphabètes. C’est ce que le Parlement français appelle «l’oeuvre civilisatrice» dans sa loi du 23 février 2005. Il faut admettre que dans de telles conditions, les Algériens ont relevé un défi historique en réussissant à prendre les commandes au pied levé et remettre en marche le pays. Evidemment qu’il faut du temps, beaucoup de temps pour parfaire et éliminer les dysfonctionnements qui existent et continuent d’empoisonner la vie des Algériens, tout autant que celle de Mme Lechaux-Warnery."
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La restauration, autre aperçu de la violence de l’histoire par le biais d’une vie brisée, celle de la vieille femme au bouquet :
« Ceux qui avaient pu pénétrer le secret de cette femme voyaient en elle une victime de nos luttes politiques, un témoin, presque un acteur de l'un des épisodes les plus tristes de la Restauration. Cette vieille flétrie et usée, cette pauvre femme courbée par l'âge, avait été la fiancée de Bories, l'un des quatre sergents de la Rochelle. Le bouquet qu'elle portait sans cesse était un souvenir de celui que le condamné lui avait jeté, soit en sortant de la prison, soit même sur l'échafaud, car elle avait poussé le courage et le dévouement à son ami jusqu'à le suivre au pied de la guillotine »
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La Restauration désigne en Histoire de France la période comprise entre la chute du Premier Empire le 6 avril 1814 et la révolution du 29 juillet 1830. La Restauration consiste en un retour à la souveraineté monarchique, exercée dans le cadre d'une monarchie limitée par la Charte de 1814, sous les règnes de Louis XVIII et Charles X, frères de Louis XVI.Note perso : Victor Hugo avait 12 ans au début de la restauration. Quand elle prit fin, il en avait 28.
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16/01/2008
la fumée des voitures
À l’heure où l’on interdit de fumer dans les lieux publics, des espaces verts sont encore détruits au nom de la sacro-sainte voiture. Les arbres et arbustes d’un parc situé à une centaine de mètres de chez moi, ont cédé le terrain au bitume. Incohérence politique et absurdité.
Les quelques minutes que fera gagner ce bout de route reliant deux départementales ne sauraient justifier le massacre d'un parc dont la flore était riche et profitait également aux oiseaux, ni la pollution de l'air et les nuisances sonores que vont subir les habitants des environs. Si l’homme se sentait simplement invité sur la planète au lieu d’agir constamment en propriétaire des lieux on pourrait avoir quelque espoir de désintoxication réelle.
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