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19/08/2014

Deuxième extrait du poème Enfance de l'art d'Armand Lanoux

Colette Alençon Thermonde en torero

en elle-même Otéro

cocotes gainées en  guêpes

par Émilie

et ses amies

souriez encore à vos cocodès

comme s'il vous restait des dents.

Les Bords de la Marne

près du Cadran Bleu

l'arbre de Robinson

l'âne de Mimi Pinson

les danseurs noirs du Cake Walk

les cyclistes quadrillés du Vélodrome

et les beaux patineurs

furent les complices

de vos torpeurs

et de vos lys.

 

Ma mère Jeanne à Brooklyn

était surnommée par les fillettes

select

de l'High School

the Lily of the Valley

muguet qu'on n'oublie jamais.

Et près du kiosque à journaux

de la banlieue de Paris

où mourut Bonnot

où l'on vendait tous les jours la Patrie

ce gandin moustachu au veston collant

boutonnière fleurie

qui joue avec un gant

c'est mon père plus jeune que moi.

Je vois

ses lèvres de l'image

dessiner ces mots pour l'enfant sage

mon petit

car il a lu de ses yeux d'ombre

ce que trace ma main d'ombromane

ce que j'arrache de mon cœur d'ombre

et mon doux vieux mort sourit

de ce qu'il n'a jamais dit

enfin écrit.

 

La Seine a pavoisé ses avirons  ses belles

ses oiseaux ses pontons ses bains froids ses ombrelles

sous le Trocadéro s'en vont les bateaux-mouches

les ans gris les ans blonds les baisers sur les bouches.

 

Armand Lanoux 

 

 

 

 

16:32 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)

La bibliothèque

J'ai pris à la bibliothèque municipale de Béthune le livre de Grenadou, diminutif de petite grenade dégoupillée, (si on n'a plus le droit de plaisanter un peu...) et aussi d'Armand Lanoux, dont la bibliographie est impressionnante... cela va du roman policier, au classique. J'ai bien envie de découvrir cet auteur, plutôt du bord de Marne quant à lui, à en croire l'inspiration que ce fleuve lui procura, tandis que Grenadou est un gars d'Eur-Et-Loir, département où la Loire se rapproche un peu de la Marne. Ces congénères auraient pu se rencontrer durant la période houleuse de la guerre de 40. D'Armand Lanoux j'ai trouvé un livre de poésie intitulé le montreur d'ombres.  Je partage avec vous ce  poème dont il est l'auteur :

 LES MAÎTRES DES HOMMES

 

Monsieur l'oiseau m'apprit

bien des tours :

je ne connaissais pas le jeu

de valet-rampe

de fuyard-court

d'étrangle-son-père

d'écornifle-le-pigeon

je ne savais pas la règle

de passe-la-mer

de trompe-ton-monde

de vire-vent

de chante-coucou

de frappe-dans-le noir

ou de tue dans l'œuf.

 

Je ne savais même pas

jouer à voleur-vole.

J'étais bien jeune alors

pour être un homme.

 

Mon commentaire : le poème est celui d'un enfant dégageant beaucoup de fraîcheur. Etre un homme, c'est plutôt  savoir abandonner la plupart des jeux de ce drôle d'oiseau que décrit ce poète ici montreur d'ombres, comme annoncé dans l'intitulé de son livre.

 

Et cet autre poème,  surréaliste aussi, et qui s'intitule ENFANCE DE L'ART, dont voici un extrait  :

[...]

 

Deux cerfs mâles s'affrontaient à Chaumont

quand les abois les cris les cors sonnèrent.

La meute de Madame de Broglie

souda au feu de l'effroi sous les feuilles

les branches de leurs cornes.

On dirait

deux amants

aux têtes coupées

noués par leur haine.

 

J'ai appris à lire

sur ces cartons glacés

bristol du passé

dans la fumée de l'espérance Atlanta Boat

à Providence.

Mon âme à marée haute

les vagues du souvenir dansent.

Les paquebots de la French Line

à tête rouge et rouge cheminée

emportent mon père cuisinier

mon père nommé Aimé

avec son collègue Fritz

au Ritz

de Baltimore.

Fritz sera tué en Quatorze

par une balle perdue

pour tout autre que lui

nevermore et jamais plus.

La Providence fut

navire à mélos saloon péniche

bastringue à noirs hôpital flottant

et bateau à prières.

Ainsi vont les vaisseaux de mes ans

sur la rivière ou l'Océan.

 

 

 

Monsieur Pirot de Troyes

balayeur municipal

et son cheval Charlot

chez grand-mère Emilie

furent surpris

par deux mètres d'eau.

On décora le canasson de l'ordre du Mérite

l'homme noyé le fleuve fou l'emporta.

Des conseillers d'arrondissement

posèrent un trait de sang

sur sa dépouille envasée.

Émilie avait joué fillette

avec ce vaillant

comme on n'en fait plus.

Depuis peinte en or

regardant le boulevard qui dort

le long de son canal

la tête du cheval

héroïque

couronne une boucherie hippophagique.

 

C'était pendant l'inondation de soixante-dix

ou pendant la guerre grande

de mil neuf cent dix.

 

A rio Grande

le vent tourmente les captifs.

 

Dans les rues

disparues

je ne vois plus que drapeaux lampions saltimbanques

Juifs errants montreurs de chèvres charmeurs d'oiseaux

cerfs-volants enseignes marchands de coco.

— Mes dames voilà le plaisir

n'en mangez pas ça fait mourir.

Mangez-en.

L'oubli venait toujours avec les ans.

 

[...] ☺... ☺ Armand Lanoux

 

J'ai mis les sourires parce qu'Armand Lanoux avec ce grain de folie douce qu'il exprime en poésie réussit à sortir la tête des eaux troubles et mortifères de périodes affreuses, d'une cruauté  où l'absurdité des évènements est indigeste.  

fleurs sauvages.jpg

Photo de Nancy Dadisman, prise dans le Colorado, que j'ai vue dans le Daily Ray, ce matin.

Ces fleurs, je les vois comme des cœurs confiants, qui attendent, candides comme des enfants bercés de  lumière.

 

Et maintenant la video du jour, vue sur  le blog Embarquements | L'Aventure autrement. 


JEAN-MARIE & SES MONSTRES | Infracourts2 par stephanedugast

 

 

Et enfin, dernière visite du jour chez SOLKO, avant d'éteindre l'ordinateur,  sa claire analyse du tourisme vous fera sourire tout en réfléchissant : le contraire du sourire béat qui agace tant Solko : http://solko.hautetfort.com/archive/2014/08/18/je-hais-le...  

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

 

28/06/2014

Lord Byron + un fameux blues

 La poésie a toujours été là pour tonifier le moral et les cœurs qui sans elle flancheraient. Voici un poème de Lord Byron dont j'ai mis une traduction à moi, qui vaut ce qu'elle vaut :

 

There be none of Beauty's daughters

With a magic like Thee ;

And like music on the waters

Is thy sweet voice to me :

When, as if its sound were causing

the charmed ocean's pausing,

the waves lie still and gleaming,

And the lull'd winds seem dreaming,

And the midnight moon is weaving

Her bright chain o'er the deep,

Whose breast is gently heaving

As an infant's asleep,

So the spirit bows before thee

To listen and adore thee,

With a full but soft emotion 

Like the swell of Summer's ocean.

 

Aucune des filles de Beauté

ne possède une magie comme toi ;

Et pareille à une musique sur les eaux

ta voix m'est douce  :

quand, comme si leur murmure offrait

le repos à l'océan charmé

les vagues s'allongent tranquilles et brillantes,

et que les vents apaisés semblent rêver,

 tandis que la lune de minuit tisse

sa chaîne lumineuse au-dessus du firmament

dont la poitrine se soulève légèrement

comme celle d'un nourrisson endormi,

alors l'esprit s'incline devant toi

pour écouter et t'adorer

avec une émotion pleine mais douce

comme la houle de l'océan d'été.  

 

Ensuite, en visitant le blog de Garcia, j'ai pu écouter ce fameux blues, ô délice ! :

 

 

 

The wide world is all about you: You can fence yourselves in, but you cannot for ever fence it out.
~ J.R.R. Tolkien

Ma traduction :  Le vaste monde est à vous : vous pouvez vous y enfermer vous-même, mais vous ne pouvez pas pour toujours le clôturer.

Autrement dit, on ne peut prendre éternellement possession du monde. Une citation relative au pouvoir.