15/12/2017
"J'ai déjà fait négociateur dans un Julie Lescaut" ♣♣♣ Le poème d'Anne Perrier
Un polar on peut dire, où la lourdeur du drame est désamorcée par la drôlerie, le film s'appelle Je fais le mort. Un homme qui a le métier d'acteur de cinéma est obligé de cachetonner pour survivre (financièrement parlant). On dit de lui que c'est "un chieur", ou pire un "chiant" et même "une tête de con", de là sa déconfiture sur un plan professionnel, les gens sur le plateau de tournage, metteurs en scène et autres comédiens sont saturés par sa personnalité un tantinet pénible. Il est aussi mythomane sur les bords quand il rencontre une femme à qui il veut plaire ; celle-ci, ce sera à l'occasion d'un petit boulot, où il va jouer le personnage du mort dans des reconstitutions de vrais crimes ; elle est juge d'instruction et elle aussi a sa part de rigidité question caractère et heureusement de drôlerie. Sa drôlerie bienheureuse va stimuler celle du protagoniste infortuné et sûrement le tirer de la mouise. Quand le film devient un polar à énigme corsée cette drôlerie reste au rendez-vous. Elle fait mouche car elle vient de l'humanité des personnages... et de ce fait, ne dessèche ni le gosier ni le cœur, empêchant du même coup l'installation d'un climat macabre qui ne demanderait pourtant qu'à s'imposer, n'était cet humour involontaire des personnages. Dans ce polar, l'acteur en faisant son boulot de participant, en tant que mort à venir, lors de la reconstitution, vit parfois la réalité à travers les rôles qu'il a déjà joués au cinéma, rappelant de temps à autre qu'il a eu un oscar jadis. Dans une situation ultra périlleuse, il va prendre la situation en main, arguant "qu'il a déjà fait négociateur dans un Julie Lescaut".
Vivre la vie réelle, à l'occasion, par le biais de divers personnages de roman ou de film, ne le rend pas moins intelligent... comme quoi le théâtre peut aider permettant la prise de distance. J'ai aimé ce film, regardé hier après-midi. C'est un film qui date de 2013.
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Ici un poème d'Anne Perrier trouvé sur le blog Littérature de partout :
Qui tombe des pommiers
O papillons de l’enfance
Ne touchez pas à l’ombre des pétales
Leur seule transparence
Me sépare de l’ineffable
Clarté
Ne me conduisez pas
Vers les fleuves d’été
Que faire de tout l’éclat
De juillet
Quand c’est la douce la
Douce éternité
Qui traverse le jour
Quand c’est l’amour
Pommiers pommiers et roses
O simples cerisiers
Quand c’est l’amour qui pose
À la ronde son pied
Anne Perrier, Poésie 1960-1986, préface
de Philippe Jaccottet, L’Âge d’Homme,
1988, p. 84.
08:18 Publié dans Blog Mémo, cinéma, Lecture, Note, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)
12/12/2017
Films vus ♣♣♣ le poème du jour ♣♣♣ Le souffle
Hier j'ai regardé le film Philomena. Où l'on raconte l'histoire d'une femme irlandaise qui a eu un enfant "illicitement". Elle a rencontré lors d'une fête foraine, alors qu'elle jouait avec son reflet dans les glaces déformantes, un homme, au cou de girafe dans le miroir, elle se retourne et le voit réellement, plus du tout "contrefait" comme disaient les aristocrates d'antan, ou difforme. Coup de foudre qui ne dura que le temps d'une nuit amoureuse, mais la jeune fille garde un souvenir ébloui de cette rencontre poétique, elle eut l'impression dit-elle de planer durant les ébats, dans un ciel qu'on imagine aussi pur qu'elle a d'innocence ; pas du tout amère de ce fait, elle se sent d'autant moins abandonnée qu'elle attend un enfant de lui. À l'époque, cette conduite était sévèrement jugée et punie. Les femmes qui évoluaient dans un milieu catholique pauvre étaient abandonnées par leur famille, confiées à des religieuses que l'on nous montre pour la plupart acariâtres et frustrées, se vengeant sur ces belles d'un jour qui osèrent goûter au fruit défendu (NP : ce n'est pas l'image que j'ai eue pour ma part des religieuses mais oublions notre ego, il y a eu d'autres expériences que les miennes, douloureuses celles-là, qui posent aussi le problème chez les religieuses de leur condition : à savoir, si elles ont ou pas choisi la vie monastique). Philomena va garder sa foi catholique, et pardonner aux religieuses qui lui ont pris son enfant. Le film à la fin témoigne qu'il ne s'agit pas d'une fiction et que nombre de vieilles dames irlandaises sont encore à la recherches de leur enfant, enfants âgés aujourd'hui d'une cinquantaine d'années.
Dans ce film il s'agissait donc des errances dans le monde catholique, et dans celui que j'ai vu hier, intitulé Le centenaire, des errances dans le monde scientifique, où des scientifiques sous le prétexte des bonnes intentions qui les animeraient, stérilisent des hommes et des femmes après qu'ils ont commis des actes de délinquance relativement mineurs pour certains (mais pas toujours), actes de délinquance qui ne sont pas à l'échelle de ceux que commettent certains dirigeants tels Hitler et Franco ou encore Staline pour ne citer qu'eux, qui sont considérés comme sains d'esprit quant à eux, d'où que le film Le centenaire prend le parti du rire. Il vaut mieux devenir lunaire quand la réalité est trop dure, comme les personnages du film qui passent du coup comme par magie entre les gouttes. Un cinéma miroir de la société, montrant ses errances est un cinéma courageux. Mais Le centenaire sur le mode tragi-comique peut ne pas être bien digéré sur le coup. Rire de tout étant impossible pour moi par exemple.
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Oui je l'avoue, c'est sans son "aimable autorisation" que je mets ici ce poème que je viens de lire sur son blog. Faute avouée est à moitié pardonnée (car on pardonne à moitié, on est sur le chemin du pardon autrement dit) . Le poème de Loup Francart :
Bouteilles vertes échappées de l’oubli
Qui dorent leurs liquides au soleil de l’oubli
Bienfaisantes, chaudes, dépouillées
Vous êtes ce que nous sommes au regard
La consistance et la racine de la gaité
Vides, ignorées, vous sombrez dans l’oubli
De nos corps gorgés et repus
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Le souffle du vent a mis une séance de plus, ici. Merci à lui.
https://www.youtube.com/watch?v=rnlg0IQBkk8
11:06 Publié dans cinéma, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)
17/10/2017
Lu ce soir
René Char
Pourquoi ce chemin plutôt que cet autre
Où mène-t-il pour nous solliciter si fort
Quels arbres et quels amis sont vivants
Derrière l’horizon de ces pierres
Dans le lointain miracle de la chaleur
Nous sommes venus jusqu’ici
Car là où nous étions
Ce n’était plus possible
On nous tourmentait
Et on allait nous asservir
Le monde de nos jours
Est hostile aux transparents
Une fois de plus
Il a fallu partir
Et ce chemin qui ressemblait
A un long squelette
Nous a conduits à un pays
Qui n’avait que son souffle
Pour escalader l’avenir
Comment montrer sans les trahir
Les choses simples dessinées
Entre le crépuscule et le ciel
Par la vertu de la vie obstinée
Dans la boucle du temps artiste
Entre la mort et la beauté.
René Char, Le bâton de rosier (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1983)
21:16 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)