02/11/2007
Baudelaire et l'île Maurice
« Nous, Mauriciens, avons-nous honte du fait histori-que et indiscutable que Charles Baudelaire a séjour-né dans notre pays en septembre 1841 ? »
« Notre pays et ses dinosaures peuvent continuer à essayer de gommer l’immortelle présence de Baudelaire à Maurice, avec parfois la complicité de nos autorités. Cela ne nous excuse pas de ne pas devenir, toute affaire cessante, de fidèles pratiquants de cette poésie baudelairienne, s’inspirant pour moitié de notre île. Offrons-nous ce talisman : l’une ou l’autre de ses œuvres poétiques ou critiques. Nourrissons-nous en. Enrichissons notre âme de ses formules poétiques, disant si bien une île, la nôtre, exigeant d’être vue et aimée sans préjugé, à travers les yeux éminemment purs d’un poète, du poète qu’il nous faut essayer d’être, au moins, par la lecture et par l’imprégnation de notre esprit par le bien dit. »
08:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)
28/10/2007
J'aime l'âne
j'aime l'âne si doux
Marchant le long des houx.
Il prend garde aux abeilles
Et bouge ses oreilles ;
Et il porte les pauvres
Et des sacs remplis d’orge.
Il va, près des fossés,
D’un petit pas cassé.
Mon amie le croit bête
Parce qu’il est poète.
Il réfléchit toujours.
Ses yeux sont en velours.
Jeune fille au doux cœur,
Tu n’as pas sa douceur :
Car il est devant Dieu
L’âne doux du ciel bleu.
Et il reste à l’étable,
Fatigué, misérable,
Ayant bien fatigué
Ses pauvres petits pieds.
Il a fait son devoir
Du matin jusqu’au soir.
Qu’as-tu fait jeune fille ?
Tu as tiré l’aiguille…
Mais l’âne s’est blessé :
La mouche l’a piqué.
Il a tant travaillé
Que ça vous fait pitié.
Qu’as-tu mangé petite ?
— T’as mangé des cerises.
L’âne n’a pas eu d’orge,
Car le maître est trop pauvre.
Il a sucé la corde,
Puis a dormi dans l’ombre…
La corde de ton cœur
N’a pas cette douceur.
Il est l’âne si doux
Marchant le long des houx.
J’ai le cœur ulcéré :
Ce mot-là te plairait.
Dis-moi donc, ma chérie,
Si je pleure ou je ris ?
Va trouver le vieil âne,
Et dis-lui que mon âme
Est sur les grands chemins,
Comme lui le matin.
Demande-lui, chérie,
Si je pleure ou je ris ?
Je doute qu’il réponde :
Il marchera dans l’ombre,
Crevé par la douceur,
Sur le chemin en fleurs.
Francis Jammes
19:50 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (1)
27/10/2007
L'ombre
Une autre fois, dans ce quartier sinistre,
Nous nous sommes assis sur un banc, à la nuit,
Et le vent qui chassait la pluie,
Les globes des hôtels meublés,
Les marlous aux chandails humides,
Les filles qui nous regardaient
Accumulaient, autour de nous, les maléfices
Dont le cercle se rapprochait,
Alors tu t’es mise à pleurer,
A m’expliquer, sans élever la voix,
Qu’un jour tu me délivrerais
De ces larves qui sont en moi…
Tu parlais et la pluie tombait.
C’était la pluie qui te faisait pleurer,
Comme un chagrin que rien n’apaise,
Comme une peine inconsolée.
Et la ronde des ombres et des feux des maisons
Tournait infatigablement
Avec ses voyous et ses filles,
Ses bars, où les phonos grinçaient,
En nous jetant quelquefois, par la porte,
Comme l’appel d’une voix morte…
La ronde que rien ne lassait,
Tournait et m’emportait, avec toi qui es morte,
Tourne et m’emporte encore, avec tout mon passé,
Hors du temps, hors du monde, hors de tout ce qui est
Ou qui n’est pas, mais que toi, dans l’ombre, tu sais…
Francis Carco
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