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16/08/2014

Style oral

Livre écrit en passant par le magnétophone. Ephraïm Grenadou a accepté de témoigner de la vie d'une époque dans la Beauce, sous les instances d'Alain Prévost. Second extrait :

 

"Comme tous les charretiers depuis toujours, je quittais ma femme de bonne heure pour aller soigner mes chevaux et je ne rentrais que le soir après le souper.

 

A saint-Loup, on a voté après la guerre. A la place des anciens conseillers, on a mis des gars qui revenaient de l'armée. Lucien Launay est devenu maire.

 

J'avais de la chance d'avoir mon père pour patron. C'était mon copain. Étant jeune, il m'avait un peu ordonné et il avait raison : mais après, on a été des amis. Il m'a toujours soutenu.

 

Justement un locataire quittait sa ferme du Temple [...]

 

Bien sûr, on travaillait le dimanche. Le bal c'était fini. A peine si on allait à Chartres tous les deux mois, ces premières années. C'est le boulot qui a remplacé le plaisir et on a pris plaisir au boulot.

 

La distraction, c'était la chasse. Un des voisins de mon père m'a vendu son fusil pour soixante-dix francs. je faisais mes cartouches. On vendait le gibier pour payer le permis. A Saint-Loup, on était une dizaine de chasseurs mais personne ne mangeait de gibier, sauf peut-être  un lapin de garenne.

 

[...]  C'est en 1922 que mon beau-père nous a cédé sa ferme. j'ai tout fait estimer par un expert et avec les sous qu'on avait mis de côté j'ai payé un bon acompte sur la reprise.

Mon beau-père avait acheté une petite maison pas loin de chez nous pour se retirer. Il a été s'y installer avec ma belle-mère et Marius.

J'avais donc les vingt-cinq hectares de mon beau-père et le neuf hectares loués à l'Hospice. La République prêtait de l'argent à deux pour cent aux anciens soldats, grâce à quoi j'ai acheté six hectares en empruntant dix mille francs que j'ai rendus au bout de deux ans. Fais le compte, je cultivais quarante hectares.

 

[...] Pour actionner une trépigneuse, un cheval marche sur un chemin qui ressemble à une chenille de tracteur ; au lieu que ce soit les rouages qui font tourner la chenille, c'est la chenille qui fait tourner les rouages qui actionnent la batteuse. Pour dresser les chevaux de mon père, je leur mettais de l'avoine dans un auge ; quand ils sentaient l'avoine, ils grimpaient tout seuls sur le chemin. On battait une trentaine de quintaux par jour. Plus tard, on a remplacé le cheval par un moteur électrique.

 

On avait sept vaches. Comme le lait était trop bon marché, au lieu de le vendre, on avait un plus grand bénéfice à engraisser les veaux.

Je les achetais petits, je les revendais gras, mais toujours il fallait passer par les maquignons.

Le jeudi à Chartres, il y avait un marché aux veaux sur un terre-plein à côté de la gare du tramway. Tous les maquignons se connaissaient ; ils buvaient ensemble et s'entendaient à dire le prix qu'ils voulaient. Quand un gars arrivait avec un veau dans sa carriole, les marchands se mettaient autour de sa voiture et si son veau valait quatre-vingt francs, ils en disaient quarante et personne d'autre qu'eux pouvait en approcher. Ils faisaient le mur. C'était les caïds et les cultivateurs en avaient peur. On était exploité dans ce temps-là et depuis toujours, par une bande de gars en blouse qui portaient un gros gourdin pour taper sur les bêtes, et qui vivaient grassement en nous volant impunément.

Grenadou paysan français d'Epraïm Grenadou et Alain Prévost

 

Dans ce passage on voit bien que personne ne se soucie de la condition animale à cette époque, Ephraim pourtant lorsqu'il était jeune et adolescent a même élevé un corbeau, il aimait les animaux ; ensuite la guerre est passée par là, dont il a réchappé de justesse et je ne sais pas s'il existe un lien de cause à effet, toujours est-il qu'il devenu, à l'âge adulte, hyper pragmatique envers les bêtes dont les cochons, les truies qu'ils aimait engraisser et voir mettre bas de nombreux petits à engraisser à leur tour... et si la cruche de lait se renverse par terre, qu'à cela ne tienne il fait engraisser les veaux pour combler le manque à gagner. L'idée qu'on se faisait d'être adulte à cette époque était entre autre, il me semble,  de gommer tout ce qui aurait pu être considéré comme du sentimentalisme envers les animaux. 

   

 

 

 

 

 

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15/08/2014

Les dimanches de Ville d'Avray

Les dimanches de Ville d'Avray, le film que nous avons regardé hier, réalisé d'après le roman du même titre de Bernard Eschasseriaux. Plusieurs  thèmes sont abordés dans ce beau film, le principal étant celui de la perte d'identité  des deux personnages principaux : le pilote chasseur parce qu'après un atterrissage catastrophique, persuadé d'avoir écrasé une petite fille, le traumatisme lui fait perdre la mémoire, et pour le second personnage, sa perte d'identité — identité que lui rend durant une période le pilote tombé amoureux d'elle —  est due au fait que sa famille l'abandonne,  dont il ne restait que deux membres hormis elle durant longtemps : le père et la grand-mère. Mais cette dernière venant de décéder après l'avoir élevée sans trop d'affection, ne lui restait que son père qui l'a laissée dans un pensionnat,  sans perspective de visite, ni d'aucun éventuel retour vers elle.

Comment vont réagir les adultes face à l'amour "illégitime" du pilote amnésique et de la jeune adolescente ? vont-ils prendre cela pour de la pédophilie ?

Est abordé aussi le thème de l'amante atteinte du syndrome de l'infirmière qui un temps a plus besoin affectivement de son patient que lui n'a besoin d'elle.  Un film que je vous conseille de regarder, ou de revoir,  vous le trouverez en film complet bien sûr dans You Tube.

10:03 Publié dans Note | Lien permanent | Commentaires (0)

14/08/2014

Grenadou paysan français

J'ai repris le livre et en suis arrivée à la partie où Eprhaïm Grenadou part à la guerre de 14 ; au début, vu son âge (18 ans) et parce qu'il est artilleur et doit apprendre le métier si l'on peut dire, il est un peu épargné, mais ensuite c'est le plein enfer. La pauvreté extrême, la plus radicale, c'est bien la situation de soldat où il se trouve alors, ne pas y perdre sa santé mentale si on n'y reste pas physiquement est déjà un exploit. Un obus tombe dans ce qu'ils appellent leur cuisine par exemple, et l'homme avec qui il bavardait une seconde auparavant est coupé en deux... il a vécu ce genre d'horreur qu'on a du mal à se figurer. Un extrait :

"D'abord il a fallu trouver les harnais dans la glaise. Presque impossible de seller les chevaux ; pour se parer du froid, ils se rapprochaient les quatre jambes ensemble et ça leur gonflait le ventre. Enfin on repart.

On a encore battu en retraite jusqu'à peut-être midi. Quand on est arrivé dans un pays où il y avait des civils, on s'est couché dans un grenier. En se réveillant deux heures après, la moitié des gars avait les pieds gelés. Ils en faisaient des grimaces... les pieds gelés en plein mois d'avril !

Voilà la fin de cette offensive. Il paraît que cette journée-là a coûté cent dix mille hommes hors de combat, sans parler des chevaux. Enfin, quand on n'a même pas le temps de s'occuper des bonhommes qui sont foutus, vous pensez bien que les chevaux..."

02:39 Publié dans Livre, Note | Lien permanent | Commentaires (0)