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02/07/2014

La suite de l'extrait d'hier

[...] Bientôt, ils parvinrent en terrain plus découvert et prirent un petit galop. — Jésus, comme c'était merveilleux ou plutôt, Jésus, comme il eût voulu s'y tromper ainsi que, pensa-t-il, Judas l'eût voulu — voilà que ça revenait, nom de nom —  si jamais Judas possédait, avait loué ou plus probablement volé un cheval, après ce petit matin de tous les petits matins, regrettant pour lors d'avoir rendu les trente deniers d'argent — qu'est-ce que ça nous fait, débrouille-toi, lui avaient dit les fils de garces — quand sans doute il avait maintenant envie de boire un coup, trente coups (comme Geoffrey s'en offrirait ce matin sans aucun doute ), et peut-être malgré tout s'en était-il offert quelques-uns à crédit, en respirant les bonnes odeurs de sueur et de cuir, en écoutant le plaisant claquettement des sabots du cheval et en se disant, comme tout ça pourrait être gai, de chevaucher de la sorte sous le ciel éblouissant de Jérusalem — et oubliant, un instant, si bien que c'était réellement gai — comme tout ça pourrait être merveilleux si seulement je n'avais pas trahi cet homme hier soir, même sachant parfaitement que j'allais le faire comme ce serait bien vraiment, si seulement toutefois ce n'était chose faite, si seulement ce n'était pas si absolument nécessaire d'aller se pendre —

Et voici que ça revenait en effet, la tentation, le serpent corrupteur d'avenir, et lâche : foule-le aux pieds, espèce d'abruti. Sois tel que le Mexique héraldique. N'as-tu pas franchi la rivière ? Au nom de Dieu, qu'il meure. Et de fait, Hugh passa sur le cadavre d'un serpent corail, gaufré sur le chemin telle une ceinture de caleçon de bain. Ou peut-être était-ce un héloderme suspect.  

Malcolm Lowry  Au-dessous du volcan p.204-205

 

Dans ce passage Hugh se met dans la peau de Judas. Par ailleurs Geoffrey lui-même se vit en Judas qui expie. En somme les frères portent une croix plus lourde encore que celle de Jésus dont ils pensent qu'il a porté la sienne à cause du traitre. Dans la vraie histoire de Jésus, on s'aperçoit vite que Judas n'est quasi qu'un homme de paille. Il rend concrètement un vague service aux bourreaux qui auraient tôt ou tard retrouvé celui qu'ils cherchaient à condition qu'il reste dans le pays. Dans l'histoire de Jésus se pose la question surtout, de pourquoi il n'a pas fui, se sachant condamné d'avance par ses ennemis. Judas le savait tout ça, mais reste pour lui, qu'il a trahi un homme qui lui avait accordé sa confiance.

 

Je suis restée plusieurs jours sans lire Au-dessous du volcan, puis j'ai repris  quelques pages de bon matin. Comme des critiques ont décrit un phénomène de tourbillon, ces longs moments de silence du lecteur (la pause), permettent la  distance pour ce recueillement où s'opère la décantation nécessaire.

 

On voit assez de gens pris dans des tourbillons aller droit dans le mur. Mais, cette lenteur aidant, je trouve pour le moment que ce livre fait tout simplement beaucoup réfléchir par le biais d'émotions et douleurs portées par les personnages, il recèle de splendides pages de poésie inspirée par la beauté des paysages du Mexique, et est très vivant aussi dans ses dialogues, l'auteur a dû imaginer en les écrivant des scènes à l'écran de ses nuits blanches, pour le cinéma.

   

 

  

08:48 Publié dans Lecture, Note | Lien permanent | Commentaires (0)

01/07/2014

Hugh et Geoffroy Firmin, le Consul

Hugh est le jeune frère de Geoffroy Firmin, le Consul. Juste après l'extrait mis en ligne hier (du livre  Au-dessous du volcan de Malcolm Lowry ), j'ai lu ce matin les quelque trois pages que je mets en ligne ci-après, où je me pose la question de savoir si, comme assure un critique, Goeffroy Firmin le Consul est en fait l'auteur lui-même. Il me semble, à travers les quelques lignes qui vont suivre que l'auteur s'est peut-être aussi glissé dans la peau de Hugh tant il rend bien l'intensité de la douleur de celui-ci. Ces pages parlent, outre de la poésie des lieux, de leur inaccessibilité, d'une certaine façon, en raison de la souffrance que cause la trahison d'un frère, amoureux de la femme de l'autre. Une douleur où l'amoureux - illégitime si l'on peut dire, le traitre - souffre les affres de la trahison. Il y aurait aussi à travers ces pages selon moi, la clé de l'état d'esprit de l'auteur, dans ces deux personnages, les frères : le principal, Geoffroy qui prend tout sur lui, et son frère qui lui aussi se sentant écrasé par un sentiment de trahison, prend sur lui, mais à l'inverse de Geoffroy de façon plus raisonnée puisqu'il ne fuit pas pour l'instant Yvonne ; en ce qui concerne Geoffroy, il me semble à cette heure que ce soit la condition même de Judas qu'il reprenne à son compte pour une raison non encore élucidée mais qui tiendrait du sentiment qu'il aurait pu commettre lui aussi une trahison désespérante, point d'interrogation en ce qui concerne Geoffroy. C'est pourquoi ce livre tient pour moi de la sainteté du fait que l'ego se mette à mal pour le salut du frère et de soi-même.

 L'extrait :

 

Ils descendaient tous la colline d’un pas lourd — même le pas du chien, assoupi dans un soliloque laineux — vers une rivière, et voici qu’ils étaient dedans, le premier pas prudent et pesant en avant, puis l’hésitation, puis la progression par à-coups, cette titubation au pied sûr sous soi, si délicate pourtant qu’il en émanait une certaine sensation de légèreté, comme si la jument eût été en train de nager, ou de flotter dans l’air, vous faisant traverser avec la divine sainteté d’un saint Christophe plutôt qu’au moyen d’un instinct faillible. Le chien nageait en tête, idiotement suffisant ; les poulains, hochant solennellement leurs têtes émergées jusqu’à l’encolure, ballotaient à la queue : le soleil scintillait sur l’eau calme qui plus loin en aval, là où se resserrait la rivière, se brisait en rageuses petites vagues, tourbillons et remous contre de noirs rochers tout auprès de la rive, prenant un air sauvage, presque un air de rapides ; au ras de leurs têtes manœuvrait un extatique éclair d’étranges oiseaux, exécutant loopings et tours à la Immelman à une vitesse incroyable, aérobatiques comme des libellules nouveau-nées. La rive opposée était boisée dru. Passé la pente douce du bord, un peu à gauche de ce qui semblait être l’entrée caverneuse du prolongement de leur sentier, se trouvait une pulqué ria ornée, au-dessus de sa paire de portes battantes en bois ( qui à distance ressemblaient assez aux chevrons immensément grossis d’un sergent américain) de rubans flottants aux gais coloris. Pulques Finos, disait en lettres bleues déteint le mur de brique crue, d’un blanc d’huître : La Sepultura… Nom macabre : mais nul doute qu’il n’ait une acception humoristique quelconque. Un Indien était assis, dos au mur, son grand chapeau à demi rabattu sur la face, reposant dehors au soleil. Son, ou un cheval était attaché près de lui à un arbre et, du milieu de l’eau, Hugh pouvait voir le nombre sept marqué au fer rouge sur sa croupe. Une affiche de cinéma local était fixée à l’arbre : Las Manos de Orlac con Peter Lorre. Sur le toit de la pulqueria un moulin à vent-jouet, du genre qu’on voit au Cape Cod, massachusetts, tournoyait sans répit dans la brise. Hugh dit :

 

«  Votre cheval ne cherche pas à boire Yvonne, rien qu’à se mirer dans l’eau. Ne lui tirez pas sur le mors. »

 

« Je n’en faisais rien. Je le savais aussi », dit Yvonne, avec un petit rire railleur.

 

Ils zigzaguèrent lentement à travers la rivière ; le chien, nageant comme une loutre, avait presque atteint la rive d’en face. Hugh sentait qu’il y avait une question dans l’air.

 

«  — vous êtes l’invité de la maison, vous savez. »

 

« Por favor. » Hugh salua de la tête.

 

« — aimeriez-vous dîner dehors et aller au cinéma ? Ou est-ce que vous affronterez la cuisine de Concepta ? »

 

« Qoui, quoi ? » Hugh, pour une raison ou pour une autre, était en train de penser à sa prmière semaine d’école secondaire, en Angleterre, toute une semaine à ne point savoir ce qu’on était censé faire ou répondre à n’importe quelle question, mais à se faire porter par une sorte de pression d’ignorance partagée dans des halls bondés, vers des activités, des marathons, même à s’isoler à l’écart, comme lorsqu’il se retrouva en train de faire du cheval avec la femme du directeur, en récompense, luiavait-on dit, mais de quoi, il n’avait jamais découvert. « Non, je crois que je détesterai aller au cinéma, merci bien », et il se mit à rire.

 

Suite de l’extrait page 200 à 205, demain, pour l'heure, musique :

  

 

 

 

 

 

30/06/2014

... Extrait de Au-dessous du volcan

J'ai lu deux pages d'Au-dessous du Volcan ce matin, qui m'ont valu une recherche à propos de Juan Cerillo, à savoir s'il y avait eu durant la guerre d'Espagne, un personnage réel de ce nom, mexicain, qui y avait joué un rôle retenu par l'Histoire (en fait, non, il s'agit d'un ami que l'auteur aurait idéalisé) toujours est-il que je suis arrivée sur quelques pages d'un site où il est question de littérature américaine sur le Mexique, s'y trouve une petite analyse du livre de Lowry. Voici, avant un extrait du roman, le  site .

Extrait :

 

"Juan Cerillo ! Il avait été l’un des symboles humains publics assez rares, en Espagne, de l’aide généreuse effectivement fournie par le Mexique ; il était retourné chez lui avant Brihuega. Après avoir reçu une formation de chimiste, il travaillait pour une Caisse de Crédit d’Oaxaca avec l’Ejido, délivrant à cheval l’argent pour le financement de l’effort collectif de lointains villages zapetecans ; fréquemment assaillis par des bandits au cri meurtrier de Viva el Cristo Rey, essuyant les balles d’ennemis de Càdenas nichés dans des clochers carillonant, son travail quotidien était une autre aventure au service d’une cause humaine, et Hugh avait été invité à la partager. Car Juan avait envoyé par exprès, une lettre — à la minuscule enveloppe vaillamment timbrée d’archers décochant leurs flèches au soleil — disant qu’il allait bien, qu’il avait repris le travail, à moins de cent soixante kilomètres de là, et maintenant que les montagnes mystérieuses semblaient, à chaque coup d’œil, déplorer l’occasion négligée de Geoff et de la Noemijolea, Hugh croyait entendre son bon ami le tancer. C’était la même voix plaintive qui avait dit une fois, en Espagne, du cheval laissé à Cuscatlán : «  Mon pauvre cheval, il doit être en train de mordre, de mordre tout le temps. »  Mais à présent elle parlait du Mexique, de l’enfance de Juan, de l’année de la naissance de Hugh. Juarez avait vécu, était mort. Était-ce pourtant un pays de liberté de parole et de garantie de la vie, de liberté et de poursuite du bonheur ? Un pays d’écoles aux brillantes fresques murales, où même chaque froid petit village de montagne possédait son théâtre de pierre à ciel ouvert, et où la terre était la propriété d’un peuple libre d’exprimer son génie autochtone ? Un pays de fermes modèles : d’espoir ? C’était un pays d’esclavage, où les êtres humains étaient vendus comme du bétail et les peuples indigènes, les Yaquis, les Papagos, les Tomasachics, exterminés par la déportation ou réduits à pire que le péonage, leurs terres serves ou passées aux mains d’étrangers. Et à Oaxaca s’étend la terrible Valle Nacional où Juan lui-même, authentique esclave, à sept ans, avait vu battre à mort son frère plus âgé et un autre, acheté quarante cinq pesos, mourir de faim en sept mois, parce que cela coûtait moins cher à son propriétaire d’acheter un autre esclave que de tuer simplement de travail en un an un seul esclave mieux nourri. Tout ceci avait nom Porfirio Diaz : des rurales partout, des jefes politicos, et l’assassinat, l’extirpation des institutions politiques libérales, l’armée engin de massacre, instrument d’exil. Juan le savait, l’ayant subi ; et davantage. Car pendant la révolution, plus tard, sa mère fut tuée. Et plus tard encore Juan lui-même tua son père, comme combattant de Huerta, mais qui avait trahi. Ah, la faute et l’affliction avaient marché sur les pas de Juan, lui aussi, car il n’était pas catholique pour sortir ravivé du bain froid de la confession. Tout de même s’imposait cette réalité : que ce qui est passé est passé, irrévocablement. Et conscience avait été donnée à l’homme pour ne le regretter que dans la mesure où cela pourrait changer l’avenir. Car l’homme, tout homme, semblait lui dire Juan, juste comme le Mexique, doit sans cesse lutter pour s’élever. Qu’était la vie, sinon une guerre et le passage sur terre d’un étranger ? La révolution fait rage aussi dans la tierra caliente de toute âme d’homme. Nulle paix qui ne doive payer plein tribut à l’enfer —

« Pas possible ? »

« Pas possible ? »"

Malcolm Lowry Au-dessous du volcan,  p. 199

 

P1010074.JPG

 

 

Est-ce possible de prendre sur soi la souffrance d'autrui comme le fait Malcolm Lowry ? aussi sincèrement.

 

La vie passe vite, adieu jeunesse ;  pour limiter les dégâts, je me prends moi-même en photo (rarement) sous le meilleur angle possible, afin de bien prendre surtout la mesure de la réalité tout en me ménageant car c'est un avant-goût de la mort qu'il faut apprivoiser face à la décrépitude physique. Rions-en à la manière des Mexicains qui apprivoisent leur mort en riant tout en la prenant très au sérieux... et ce n'est pas fini, cela va toujours s'empirant pour moi, point de vue physique, enfin rassurez-vous, je ne vais plus m'amuser à coller d'autre photo de mon vieillissement progressif. C'était la petite dernière celle-ci. Pensons plus aux autres, ma vieille, c'est l'occasion rêvée. Par contre, en rencontrant Sam ce dimanche, malgré sa tête rasée de près, je lui trouve une beauté asiatique de visage, malgré son nez aquilin il a ce côté asiate prononcé. Je le trouve beau, ne me ressemblant pas du tout ni d'ailleurs à son père. Et je crois que lui, ne deviendra jamais laid, même en vieillissant, si Dieu lui accorde vie.  

 

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