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17/11/2014

La nouvelle

La nouvelle que j'ai lue parlait d'un réveillon, des cadeaux  que s'offrent les invités... qui ne sont pas des cadeaux les uns pour les autres ces invités,  s'offrant les uns aux autres ce qui causera assurément du  déplaisir ; mais il y a une vieille tatie célibataire, tellement naïve que même les torchons que chacun lui offre ne lui font pas offense, sa belle candeur la défendant contre l'évidente mesquinerie dont on fait preuve à son encontre. Même le bébé de cinq mois qui ne peut encore offrir de cadeaux pourri reçoit des pyjamas immettables, taille trois mois. Tout innocent qu'il est dans son couffin, on augure déjà qu'il s'adaptera à la méchanceté générale, deviendra méchant comme tout le monde, signe qu'aucune faille, quelque part ne pourra l'entamer, signe, la méchanceté ordinaire, d'une certaine solidité à l'épreuve. La méchanceté ici ne fait prendre aucun risque, on est sûr d'être dans le bon ton. La tante naïve est-elle si naïve qu'il semblerait ? puisque chaque année c'est elle qui prépare le repas de réveillon, et que ce repas est un peu du poison : le poisson pas frais  risque d'intoxiquer quelque peu les organismes délicats, et le surcroît de sucre que la dame met dans la bûche confectionnée par ses soins la rend presque immangeable en plus d'être elle aussi un peu empoisonnante par son taux élevé en sucre. Tous ces gens paraissent malgré tout ne pas  tirer grand-chose de leur non amour mutuel entre membres de la même famille, chacun fait le compte des injustices qu'il a endurées, l'un ayant été le chouchou de son père, l'autre de sa maman. Le recours à une certaine méchanceté ordinaire pour supporter tout ça. À la fin, tout le monde se quitte mi-figue mi-raisin ; pourquoi renouveler le supplice ? demande une belle-sœur ; le frère et la sœur tiennent pourtant à le renouveler et se séparent sans qu'aucun des deux ne se retourne pour faire un dernier signe au revoir à l'autre. Le drame d'une séparation obligée ? Serait-ce la peinture d'une petite famille ordinaire des temps actuels, chacun de raconter le cadeau, qui est en fait une déclaration d'inimitié, qu'il a reçue avec le sourire car il a fait de même de son côté, en toute réciprocité irréprochable. Il n'y a plus Dieu pour remettre les cœurs à flot,  plus besoin de cœur,  le cynisme domine...  car il faut que ça ait du chien faute de Dieu, pour la bonne santé générale,  et en effet tout le monde à l'air solide dans cette saine famille qui n'a pas besoin d'être sainte.

 

 

Pourquoi ce manque de motivation envers Dieu pour beaucoup ? Les croyants  parlent de Dieu comme d'une entité surpuissante, voulant ceci cela et l'obtenant à tous les coups : je veux que cette feuille d'arbre tombe, et tombe la feuille d'arbre ; je veux que tombe tel être, et tombe l'être en question, je veux glorifier tel autre, et il l'est. Ainsi Dieu, pris dans les rets de sa surpuissance ne serait plus  coté auprès de contemporains, plus intellectuels, qu'il démotive.  

 

 

Il y a bien quelques récalcitrants qui se font une autre  idée de Dieu,  comme d'un refuge suprême, où trouver la  bienveillance qui manque tant partout ailleurs. Et qui tiennent  à cette idée sans chercher à l'imposer puisqu'elle ressort plus d'une intuition que d'une idée claire.

 

 

Est-ce  cette nouvelle qui me fit faire ce rêve miroir d'angoisse ? J'étais devenue courtisane dans un café cossu, d'une mathématicienne à cheveux noirs bouclés dans le cercle d'amis duquel je voulais entrer ; m'étant trompée dans la lecture du chiffre de son billet de banque, elle s'évanouit sur le coup de l'émotion, ayant cru qu'elle ne pourrait payer quelque chose qui lui tenait à cœur, me repoussa ensuite, une fois remise, ayant constaté mon erreur, et alla consommer entre amis. Adieu à l'amitié de la surdouée des maths, j'avisai alors une maman géante, qui avait l'air triste à mourir malgré son beau visage creusé, aux yeux bleus en amande, visage qui pour le coup était mélancolique. Son fils de dix ans mesurait un mètre soixante-dix et était promis à un travail laborieux. Elle l'avait orienté vers les chevaux, je vis le fils d'un coup surgir dans ce rêve,  qui m'expliqua d'un air docte le fonctionnement des chevaux, leur grande autonomie, leur art de s'insérer dans la circulation, parmi les nombreuses voitures, étant de grands "grabataires" lâcha-t-il, cela leur était facile. Le mot ne me choqua pas, il n'avait plus le même sens, il voulait dire - géant -  :  en tant que géants les chevaux s'imposaient dans la circulation. La maman me signifia que son fils avait fort à faire et elle aussi, et ils me laissèrent car elle n'appréciait pas les oisifs. J'avais avisé dans ce café cossu,  deux dandys, avant la mathématicienne, leur reprochant  bien haut et l'air mondain en diable,  d'avoir signifié son congé à un brave garçon qui se retrouvait du coup sur la touche ; cet éclat suspect donc,  avant de rejoindre madame bouclette. Quand les minets virent par la suite ma déconvenue auprès de la mathématicienne, j'étais grillée à leurs yeux. Ainsi fonctionnait le monde et moi-même étais courtisane !  malmenée qui plus est, un comble ! Un miroir d'angoisse ce rêve ! Mais il n'est pas fini. J'allai à la plage m'allonger sur le sable, et suite à ces nombreuses déconvenues par lesquelles la société signifie son échec ou son infortune à une personne, il me sembla sentir l'odeur d'un pet. Qui était à l'origine de cette odeur d'œuf pourri ? Je crus en être l'auteur... un plagiste à mes côtés ne bronchait pas et j'entendais un français non loin de moi, qui jouait à la pétanque en baragouinant de l'anglais.  Ce dernier déclara d'un coup, qu'il faudrait contacter des écrivains, au moins six, et que chacun écrive une nouvelle autour d'un pet. Là-dessus je me suis réveillée et n'ai constaté aucune mauvaise odeur en réalité dans la chambre. C'est la vérité. La vérité d'une angoisse produite par quoi au juste. Mais exprimer les angoisses  le plus élégamment possible est déjà un dégagement vers plus de réflexion...  qui marche avec élévation.           

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16/11/2014

Montaigne

"À l’expérience, je constate une grande différence entre les élans et les débordements de l’âme et une attitude faite de résolution et de constance. Je vois bien qu’il n’y a rien que nous ne puissions faire, et même surpasser la divinité, comme l’a dit quelqu’un; car parvenir à la maîtrise de soi et associer à la faiblesse de l’homme la détermination et la certitude de Dieu, c’est quelque chose de plus que d’être ainsi simplement du fait de sa nature originelle. Mais cela ne se produit que par à-coups. Dans les vies des héros du temps passé, il y a quelquefois des traits miraculeux, et qui semblent surpasser de loin nos capacités naturelles ; mais en vérité ce ne sont que des signes brefs, et il est difficile de croire qu’à force d’imprégner et nourrir l’âme d’attitudes aussi élevées, elles finiront par lui sembler ordinaires et naturelles." Montaigne

 

 

Les médias pleuvent des informations ; c'est  comme une pluie de gravats d'une maison qui menaçait ruine et qui d'un coup s'écroule, alors que vous êtes encore aux alentours ; les informations ainsi tombant sans queue ni tête risquent de vous assommer dans leurs brusques chutes ; parmi les dernières  nouvelles lues dans le journal :  un vieillard sur qui on fonce en voiture alors qu'il était sur le perron de sa maison... l'auteur de ce fait ahurissant saura-t-on ensuite  a des hallucinations auditives, qui le commandent et contre lesquelles il ne peut manifestement pas résister. Des croyants pourraient penser à une possession du malin, la victime ne résistant pas en raison de ses fêlures par où le démon passe. Or l'auteur des faits  terribles, car il a aussi frappé à coup de pierre le crâne d'une châtelaine, est tout cassé effectivement disent les médias, notamment par un passage à Paris où une histoire sentimentale lui aurait brisé la cervelle en même temps que le cœur. Après cet envahissement maléfique auquel il a cédé,  direction de l'auteur des faits   en service psychiatrique pour malades dangereux. Notre société a tout prévu, en terme de "départ en vrille", mais se contente de cette organisation sans faille, sans se poser de question en amont pour éviter le cassage des êtres. On dirait que nos vies modernes fabriquent leurs malades ; les médias se contentant de rapporter les faits, les informations,  du coup ne font qu'assommer par leur énormité.

  Il est temps pour moi de prendre le temps de lire Montaigne. 

 

 

 

 

 

 

 

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15/11/2014

Le castor en question, extrait de Don Quichotte tome 1 Cervantès

"Or, voici ce qui en était de l'armet,  du cheval et du chevalier que voyait don Quichotte : en cette contrée il y avait deux villages, l'un desquels était si petit qu'il n'y avait ni apothicaire ni barbier, tandis que l'autre,  qui était tout près, en était pourvu ; ainsi le barbier du plus grand servait au moindre, auquel il y eut justement un malade ayant besoin d'être saigné, et un autre de se faire la barbe. C'est pourquoi le barbier s'y rendait, portant un bassin de cuivre. Et la fortune voulut qu'au cours de sa marche il commença à pleuvoir, et, de peur que son chapeau ne fut taché de la pluie, parce qu'il devait être neuf, il se mit son bassin sur la tête ; et, comme il était fort net, il luisait d'une demi-lieue de loin. Enfin l'homme était monté sur un âne gris, comme Sancho avait dit. Et voilà comment il sembla à Don Quichotte qu'il y eût là cheval gris pommelé, chevalier, et armet d'or, car toutes les choses qu'il voyait, il les accommodait facilement à ses délirantes chevaleries et vagabondes pensées.

 

Et, quand il vit que le pauvre chevalier approchait, sans entrer autrement en discours avec lui, à toute course de Rossinante, il coucha sa lance contre lui en intention de le percer de part en part ; mais, quand il fut tout contre lui, sans retenir la furie de sa carrière, il lui dit : " Défends-toi, chétive créature, ou me rends de bon gré ce qui m'est dû avec tant de raison." Le barbier, qui, tandis qu'il y pensait le moins, vit venir contre lui ce fantôme, n'eut d'autre remède pour esquiver le coup de sa lance que de se laisser choir de son âne, et il n'eut pas plus tôt touché terre qu'il se leva plus vite qu'un daim, et commença à courir par la plaine si légèrement que le vent ne l'eût pas atteint. Il laissa son bassin à terre, de quoi don Quichotte fut content et dit que le païen avait fort adroitement agi et avait imité le castor, lequel, se voyant pressé des chasseurs, arrache et tranche avec ses dents ce pourquoi il sait par instinct naturel qu'il est poursuivi. "

 

 

Cervantès  Don Quichotte tome 1 Folio page 231-232

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