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15/11/2014

Le castor en question, extrait de Don Quichotte tome 1 Cervantès

"Or, voici ce qui en était de l'armet,  du cheval et du chevalier que voyait don Quichotte : en cette contrée il y avait deux villages, l'un desquels était si petit qu'il n'y avait ni apothicaire ni barbier, tandis que l'autre,  qui était tout près, en était pourvu ; ainsi le barbier du plus grand servait au moindre, auquel il y eut justement un malade ayant besoin d'être saigné, et un autre de se faire la barbe. C'est pourquoi le barbier s'y rendait, portant un bassin de cuivre. Et la fortune voulut qu'au cours de sa marche il commença à pleuvoir, et, de peur que son chapeau ne fut taché de la pluie, parce qu'il devait être neuf, il se mit son bassin sur la tête ; et, comme il était fort net, il luisait d'une demi-lieue de loin. Enfin l'homme était monté sur un âne gris, comme Sancho avait dit. Et voilà comment il sembla à Don Quichotte qu'il y eût là cheval gris pommelé, chevalier, et armet d'or, car toutes les choses qu'il voyait, il les accommodait facilement à ses délirantes chevaleries et vagabondes pensées.

 

Et, quand il vit que le pauvre chevalier approchait, sans entrer autrement en discours avec lui, à toute course de Rossinante, il coucha sa lance contre lui en intention de le percer de part en part ; mais, quand il fut tout contre lui, sans retenir la furie de sa carrière, il lui dit : " Défends-toi, chétive créature, ou me rends de bon gré ce qui m'est dû avec tant de raison." Le barbier, qui, tandis qu'il y pensait le moins, vit venir contre lui ce fantôme, n'eut d'autre remède pour esquiver le coup de sa lance que de se laisser choir de son âne, et il n'eut pas plus tôt touché terre qu'il se leva plus vite qu'un daim, et commença à courir par la plaine si légèrement que le vent ne l'eût pas atteint. Il laissa son bassin à terre, de quoi don Quichotte fut content et dit que le païen avait fort adroitement agi et avait imité le castor, lequel, se voyant pressé des chasseurs, arrache et tranche avec ses dents ce pourquoi il sait par instinct naturel qu'il est poursuivi. "

 

 

Cervantès  Don Quichotte tome 1 Folio page 231-232

10:22 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

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