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19/07/2016

L'empathie

Ce n'est pas pour rien que je ressens une forte empathie pour Samuel Beckett... elle s'est formée à la lecture de son livre où évolue un certain personnage, Molloy, si je me souviens bien, qui suce des cailloux lorsqu'il a faim. Un personnage errant, pas dans la norme, et poursuivi par un homme qui a pour mission de l'éliminer. La violence de Molloy d'un coup survient quand il se trouve en situation de légitime défense. Il faudra que je relise ce livre encore et encore. Les rapports de Molloy avec son père sont aussi très compliqués. L'écriture de Beckett recelait pour moi  la poésie âpre de l'absurde où je décelais l'humanité de Beckett. En parlant d'humanité et de Beckett me vient l'idée de mettre en ligne ci-dessous un dessin de Zébra qui est un peu un personnage errant aussi, ici, elle erre dans une BD de Morris.

Je parle ce matin car je viens de lire une chronique au sujet de En attendant Godot, sur Diérèse :

http://diereseetlesdeux-siciles.hautetfort.com/archive/20...

 

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18/07/2016

Lu ce matin

J'ai lu ce matin un texte qui parle du deuil, ou plutôt, du non deuil de l'être un temps inconsolable, du deuil impossible. Et hier soir, dans le thriller Le maître des insectes que je lisais l'auteur écrivait à propos d'un homme qui vient de perdre la femme qu'il aime, qu'il n'y avait pas de mots, qu'aucun poème ou autre texte ne pouvait exprimer la douleur de la perte, où le corps et l'âme ne font qu'un dans un malaise ou plutôt mal être profond, indescriptible. Ici, dans ce  texte, cette perte de soi dans la perte de l'autre est pourtant exprimée au plus juste. L'extrait de ce texte lu sur Jubilate Deo :

 

"Je m'étonnais que le reste des mortels vive alors que celui que j'avais adoré comme s'il n'eût pas dû mourir était mort. Et plus encore de vivre alors que lui était mort et que j'étais pourtant comme un autre lui-même. La moitié de mon âme, a si bien dit quelqu'un parlant de son ami. Oui, j'ai moi-même éprouvé que mon âme et son âme ne faisaient qu'une seule âme dans deux corps différents. Pour cette raison, peut-être, la vie me faisait horreur. Je ne voulais pas vivre à moitié. Mais en même temps, j'avais peur de mourir... Sans doute parce que je ne voulais pas que celui que j'avais tant aimé meure tout entier. 

Folie qui ne sait pas aimer les hommes avec humanité. Homme stupide qui souffre à l'excès d'être homme. C'était moi. Feu, soupirs, pleurs, agitation. Jamais de repos ni de recul. Je portais mon âme déchiquetée et sanglante qui ne souffrait plus que je la porte. Je ne trouvais pas où la reposer. Ni dans les vignobles charmants, ni dans les jeux, ni dans les banquets éclatants, ni dans la volupté de la chambre et au lit, ni enfin dans les livres et les poèmes. Elle ne trouvait de repos nulle part. L'horreur était partout. Dans la lumière elle-même. Tout ce qui n'était pas lui était mauvais et odieux sauf les gémissements et les larmes, car ils étaient les seuls à procurer un petit peu de repos. Et quand je m'en arrachais, j'étais écrasé par le malheur.

J'aurais dû me hisser jusqu'à Toi, Seigneur, et guérir. Je le savais. Mais je ne le voulais pas, je ne le pouvais pas. D'autant que pour moi, Tu n'étais pas quelque chose de solide et de ferme, selon les représentations que je me faisais de Toi. Ce n'était pas Toi mais un fantasme vide. Mon erreur était mon Dieu. Si je tentais de poser là mon âme pour qu'elle se repose, elle vacillait dans le vide et retombait sur moi. Je n'étais pour moi qu'un lieu stérile où je ne pouvais rester mais que je ne pouvais pas quitter."

Saint Augustin, Les aveux / Les confessions (P.O.L, 2013)

 

   

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07/07/2016

Le livre lu ces temps-ci

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Le livre s'intitule À la table des hommes, l'auteur se nomme Sylvie Germain.

"Une érudite de gauche" voilà pour l'étiquette que je lui administre,  les étiquettes peuvent se décoller après tout, et celle-ci est-elle gênante ? C'est juste un point de repère... on sent les rêves de Mai 68 chez Sylvie Germain, et la désillusion qui s'ensuivit,  plus profonde d'années en années sans que cela n'entame la vitalité de l'auteure, sinon ce livre n'aurait pas pu être écrit, aussi passionnant. Le roman a paru chez Albin Michel.

 

La quatrième de couverture résume bien le livre (je suis arrivée à la page 197, sur 261), la voici :

 

À la table des hommes

 

 "Son obscure naissance au cœur d'une forêt en pleine guerre civile a fait de lui un enfant sauvage qui ne connaît rien des conduites humaines. S'il découvre peu à peu leur complexité, à commencer par celle du langage, il garde toujours en lui un lien intime et pénétrant avec la nature et l'espèce animale, dont une corneille qui l'accompagne depuis l'origine.

À la table des hommes tient autant du fabuleux que du réalisme le plus contemporain. Comme Magnus, c'est un roman hanté par la violence prédatrice des hommes, et illuminé par la présence bienveillante d'un être qui échappe à toute assignation, et de ce fait à toute soumission."

 

Voilà pour la quatrième de couverture. Un extrait, page 197, celle où je suis arrivée, car ce live n'est fait que de passages passionnants, notamment lorsque l'on suit les péripéties du cochonnet rescapé du bombardement, qui deviendra l'ami de la corneille dont il est question tout le long du livre.  Cette corneille assistera à la naissance en quelque sorte de l'enfant des fourrés qui a fusionné si j'ose dire avec le cochonnet,  cet enfant sauvage  sera prénommé Babel par les gens qui le trouveront, ensuite Abel, par sa belle que le prénom Babel incommodait. L'extrait :

 

"Abel ne se sent pas concerné par cette guerre qui a ravagé son pays d'origine et englouti son enfance dans un oubli total ; c'est un conflit parmi tant d'autres. Il a vite compris, en étudiant la géographie et l'histoire, que la guerre est une passion congénitale de l'humanité, elle ne cesse jamais sur la terre, pas un jour, pas une heure, elle se déplace, c'est tout, elle change de lieu, de forme, de prétextes, d'armement, de stratégie, d'intensité, de durée, de ceci de cela, mais le résultat est toujours pareil, des tombereaux de morts, des flopées d'infirmes, des hordes d'endeuillés, des ruines à profusion, du malheur à l'excès et de la haine à foison qui fermente longtemps après la fin des combats, bonne à se réinjecter dans un prochain conflit. C'est peut-être pourquoi le trou à pic de plus de dix ans qui crève sa mémoire à sa source ne le tourmente pas beaucoup, cela le délivre du poids de souvenirs terrifiants, lui épargne le lancinement de deuils inconsolables. Il est né au seuil de l'adolescence, nu de corps, de mémoire et d'esprit, et il s'en accommode. Il n'est certainement pas le seul sur la terre à être né en temps décalé. Mais Yelnat, il ne l'oublie pas."

Sylvie Germain

 

 

08:12 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)