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18/07/2016

Lu ce matin

J'ai lu ce matin un texte qui parle du deuil, ou plutôt, du non deuil de l'être un temps inconsolable, du deuil impossible. Et hier soir, dans le thriller Le maître des insectes que je lisais l'auteur écrivait à propos d'un homme qui vient de perdre la femme qu'il aime, qu'il n'y avait pas de mots, qu'aucun poème ou autre texte ne pouvait exprimer la douleur de la perte, où le corps et l'âme ne font qu'un dans un malaise ou plutôt mal être profond, indescriptible. Ici, dans ce  texte, cette perte de soi dans la perte de l'autre est pourtant exprimée au plus juste. L'extrait de ce texte lu sur Jubilate Deo :

 

"Je m'étonnais que le reste des mortels vive alors que celui que j'avais adoré comme s'il n'eût pas dû mourir était mort. Et plus encore de vivre alors que lui était mort et que j'étais pourtant comme un autre lui-même. La moitié de mon âme, a si bien dit quelqu'un parlant de son ami. Oui, j'ai moi-même éprouvé que mon âme et son âme ne faisaient qu'une seule âme dans deux corps différents. Pour cette raison, peut-être, la vie me faisait horreur. Je ne voulais pas vivre à moitié. Mais en même temps, j'avais peur de mourir... Sans doute parce que je ne voulais pas que celui que j'avais tant aimé meure tout entier. 

Folie qui ne sait pas aimer les hommes avec humanité. Homme stupide qui souffre à l'excès d'être homme. C'était moi. Feu, soupirs, pleurs, agitation. Jamais de repos ni de recul. Je portais mon âme déchiquetée et sanglante qui ne souffrait plus que je la porte. Je ne trouvais pas où la reposer. Ni dans les vignobles charmants, ni dans les jeux, ni dans les banquets éclatants, ni dans la volupté de la chambre et au lit, ni enfin dans les livres et les poèmes. Elle ne trouvait de repos nulle part. L'horreur était partout. Dans la lumière elle-même. Tout ce qui n'était pas lui était mauvais et odieux sauf les gémissements et les larmes, car ils étaient les seuls à procurer un petit peu de repos. Et quand je m'en arrachais, j'étais écrasé par le malheur.

J'aurais dû me hisser jusqu'à Toi, Seigneur, et guérir. Je le savais. Mais je ne le voulais pas, je ne le pouvais pas. D'autant que pour moi, Tu n'étais pas quelque chose de solide et de ferme, selon les représentations que je me faisais de Toi. Ce n'était pas Toi mais un fantasme vide. Mon erreur était mon Dieu. Si je tentais de poser là mon âme pour qu'elle se repose, elle vacillait dans le vide et retombait sur moi. Je n'étais pour moi qu'un lieu stérile où je ne pouvais rester mais que je ne pouvais pas quitter."

Saint Augustin, Les aveux / Les confessions (P.O.L, 2013)

 

   

07:07 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

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