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05/08/2007

Quand la fiction l'emporte sur la thèse

Quand un préfacier met son érudition au service de l’œuvre de Wells et effectue un travail de lecture et de recherche très approfondis, impossible alors d’esquiver les questions très actuelles et essentielles qu’elle pose. Dobrinsky propose une analyse du processus par lequel la fiction de Wells l’emporte sur sa thèse en matière de technicité scientifique.

Wells anticipe sur toutes les formes d’agression possibles … :

 

e44fa17f544e35ef6fc221d183043273.png« Les Cuirassés terrestres » mettent partiellement en fiction un chapitre de Wells paru deux ans plus tôt : « La Guerre au XXième siècle ». (In Anticipation of the Reaction of Mechanical and Scientific Progress upon Human Life and Thought, Prévisions quant à l’incidence du progrès technique et scientifique sur la vie et la pensée de l’homme, 1901). Influencé par un ouvrage français de Jean de Bloch, l’auteur y prédisait « le remplacement graduel de la cavalerie et du fantassin… par des machines…, une ample variétés de mécanismes ingénieux conçus pour surprendre et déconcerter l’ennemi grâce à des méthodes originales ». Sa conclusion majeure prônait un effort d’éducation technique, car « une nation doit développer et renforcer la formation de ses classes instruites et douées ou bien perdre à la guerre… » ( La Guerre de Jean de Bloch avait été partiellement traduite en anglais, en  1899, sous le titre Is War Now Impossible ? ).

Ce que la nouvelle décrit éloquemment, sous le regard surpris d’un journaliste au front - une espèce de Fabrice, témoin d’un Waterloo moderne -, c’est une attaque foudroyante de blindés, un blitzkrieg avant la lettre, qui bouscule en quelques heures une grande armée classique. Bien qu’endurcie, cette armée d’un pays anonyme est en retard d’un conflit au moins, dans sa pratique d’une guerre de positions et dans son postulat qu’une charge héroïque de cavalerie - sur le mode suicidaire de la guerre de Crimée - peut repousser une infanterie cycliste protégée par des tanks. Wells imagine, en outre, l’emploi par l’ennemi de fusils à lunette (d’un maniement encore bien compliqué) et, sous le nom-valise de « pédirails », il nous présente une version baroque mais prémonitoire des chenilles de chars d’assaut. Le paradoxe est que cette fiction de 1903, alors sensationnelle, reste en deçà de la réalité : même celle de la Première Guerre mondiale puisqu’elle n’arme les tanks que de fusils, fussent-ils perfectionnés, et les prive du support d’une aviation de combat. Malgré tout, la prévision d’une victoire de la technique n’est que trop juste et témoigne d’une vision en avance sur son temps.

Mais la réflexion de Wells, qui s’exprime tout au long du récit par la bouche du correspondant de guerre perspicace, porte aussi sur deux stades de civilisation générant deux types humains et deux systèmes sociaux contrastés. D’un côté, une culture rurale et aristocratique dont procède une race d’agriculteurs et de chasseurs, des hommes « de plein air », « robustes et basanés », mais frustes, respectueux d’une hiérarchie paternaliste traditionnelle, officiers-soldats, cavaliers-fantassins ; et eux-mêmes méprisants à l’endroit des noirs qu’ils emploient, à la manière des petits blancs sudistes d’Amérique du Nord. De l’autre, des citadins, moins vigoureux et moins bons cavaliers, mais plus évolués, plus intelligents, constituant une armée plus technicienne et, partant, plus démocratique. Pour des raisons biographiques évidentes, la sympathie médiatisée de l’auteur va plutôt aux représentants de la ville et d’une promotion sociale acquise par le biais d’une formation scientifique : tels le jeune capitaine et ses mécaniciens, qu’il nous présente à l’œuvre dans l’un des « cuirassés terrestres ». Alors que les porte-parole des officiers adverses (un jeune lieutenant arrogant ; une vieille baderne de colonel) pèchent par routine d’esprit, et que leurs soldats, mus par un chauvinisme sentimental, ne sont que des « lourdauds ». Mais l’imagination du nouvelliste nuance la pensée du théoricien. L’option technicienne qui le fascine peut aussi conduire à des abus. La capacité de tuer en pressant sur un bouton déshumanise l’homo technicus du combat moderne, l’assimile explicitement à un commis alignant froidement des morts comme on aligne des chiffres dans un livre de comptes. La conclusion secrètement autojustificative de l’intellectuel Wells n’est donc pas univoque. Les «  ingénieurs » de son récit ne manquent pas de virilité mais en se libérant de la sensiblerie, ils ont perdu de leur naturel et de leur chaleur humaine. Ce qui, peut-être, s’interpose à ce stade, c’est l’image que l’auteur a gardée de son père à cet égard envié : familier de la nature, sportif et, par une rencontre verbale significative, décrit plus tard par Wells autobiographe comme « un homme de plein air » ?

Ce n’est pas uniquement par cette tension imaginative que la fiction l’emporte sur la thèse. Le talent très visuel de l’auteur (qui illustrait souvent sa correspondance à l’aide de dessins) se trouve ici amplement mis à contribution : pour décrire l’agencement des machines qu’il conçoit ; pour évoquer des paysages en demi-jour ; et, surtout sous le regard de son observateur-acteur, pour représenter les scènes collectives ou individuelles de la bataille : échanges de tirs, repli éperdu, peur panique, extermination…L’on reconnaît ici l’auteur si efficace de la Guerre des Mondes, le metteur en scène cinématographique avant la lettre de scénarios catastrophe…

Dobrinsky

 

04/08/2007

Mot connoté

5d47ae2c4654583af5cc83b4741053b0.jpgQuand Joseph Dobrinsky aborde l’anarchisme de certains personnages auxquels Wells se serait probablement identifié lors de ses premiers écrits, je suis surprise de constater combien ce mot est connoté, étant associé, me semble-t-il, à un état d’esprit des plus douteux, voire à des réactions caractérielles : «Les récentes  frustrations de l’écrivain en herbe, besogneux et méconnu, semblent lui avoir inspiré, dans une veine d’autodérision, les figures parallèles de l’anarchiste du « Bacille dérobé » et du « fabricant de diamants » du dernier conte juvénile. Soucieux d’une notoriété qui leur échappe, aigris par l’hostilité ou la froideur de la société en place, ils réagissent par esprit de revanche ou par cynisme en exterminateurs potentiels. Sous la comédie rosse se déclare une pulsion de contestation violente. »

Hors : « À la source de toute philosophie anarchiste, on retrouve une volonté d'émancipation individuelle et/ou collective. L'amour de la liberté, profondément ancré chez les anarchistes, les conduit à lutter pour l'avènement d'une société plus juste, dans laquelle les libertés individuelles pourraient se développer harmonieusement et formeraient la base de l'organisation sociale et des relations économiques et politiques.

L'anarchisme est opposé à l'idée que le pouvoir coercitif et la domination soient nécessaires à la société et se bat pour une forme d'organisation sociale et économique libertaire, c'est-à-dire fondée sur la collaboration ou la coopération plutôt que la coercition. » (Wikipédia).

En réalité il s’agit bien d’un positionnement politique,  non de réactions "volcaniques" de méchants frustrés en mal de revanche, comme on le laisse généralement entendre. Il faut, en effet, du courage, et un certain sens politique pour mener des combats tels que ceux de Louise Michel, par exemple; en atteste cet écrit tiré d'un document dont vous trouverez le lien en bas de page : 

« Louise Michel est la première femme anarchiste qui sera représentative du mouvement révolutionnaire. Sa tenacité, son courage n'y sont pas étrangers. Héritière du courant unitaire du socialisme communard, imprégnée par le fédéralisme proudhonien et le blanquisme, elle ne côtoiera pas que les seuls anarchistes, mais participera également aux activités de socialistes parlementaristes, tels Rochefort et Clémenceau, des groupes féministes électoralistes, des guesdistes, les milieux littéraires, etc. »

Plus d’ambiguïté sur ce mot, j’espère.

Pour vous remémorer qui était Louise Michel, cliquez ici

Pour écouter Mouloudji chanter "la complainte de la butte", cliquez ici

 

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03/08/2007

Tournesol

9e7be3bff1d3ca96c4255d1c96ac5a68.jpgIl fait très beau temps aujourd’hui. Le seul tournesol qui ait fleuri (mais les cinq autres ne vont pas tarder) incline légèrement sa belle tête rayonnante, du haut de sa tige droite comme un bambou, de plus de deux mètres ! Les feuilles évoquent des ailes de grands oiseaux en plein vol. À côté de rosiers ces tournesols feraient figure de filles de la campagne, du temps passé, dans leurs habits du dimanche.

 

16:35 Publié dans Note | Lien permanent | Commentaires (0)