01/08/2007
suite, H.G.Wells
Regard de Joseph Dobrinsky sur les premiers écrits de H.G.Wells :
« On est en droit de parler de « fantastique » car, à la différence d’un Jules Vernes, méditant prophétiquement sur les promesses techniques du progrès des sciences, il s’agit, tout au moins dans ses premières nouvelles, de purs jeux de l’imagination, élaborés, de l’aveu même de l’auteur, sur commande, et pour les lecteurs du dimanche. Aussi bien nous entraîne-t-il sur des voies théâtrales, dramatiques ou cocasses : menace d’une épidémie de choléra sur la ville de Londres ; assaut d’une orchidée suceuse de sang ; attaque d’un monstre préhistorique contre un homme seul ; expériences périlleuses de fusion du carbone…L’on note qu’à l’exception de la quatrième anecdote (une vente d’autruche), récit humoristique où les plaies ne sont que d’argent, des images morbides (tableau insistant d’une épidémie), des épisodes sanglants (vampirisme de plante ; bataille d’homme contre bête ; une hypothèse d’explosion meurtrière) hantent ces nouvelles légères. Leur fin heureuse ou ironique distancie ces cruautés qui, à en juger par un roman contemporain comme l’Ile du docteur Moreau (1896), procèdent, chez leur auteur, d’obsessions personnelles.
C’est sur ce terrain consciemment autobiographique que s’ébauchent de futurs leitmotivs de Wells. Pour esquissés qu’ils soient, ses protagonistes posent déjà en s’opposant à des sujétions où à des malveillances : étroitesse d’esprit ; indifférence du monde ; cruautés de la nature. Au regard de l’adolescence vécue par l’auteur, l’on ne s’étonnera guère de voir railler le conformisme des seules deux figurantes d’une distribution presque exclusivement masculine : l’épouse du bactériologiste et la gouvernante de l’amateur d’orchidées, l’une et l’autre tyrannique dans leur maternage, et attachées, qui à de ridicules convenances vestimentaires, qui à une routine d’existence stérilisante. Les récentes frustrations de l’écrivain en herbe, besogneux et méconnu, semblent lui avoir inspiré, dans une veine d’autodérision, les figures parallèles de l’anarchiste du « Bacille dérobé » et du « fabricant de diamants » du dernier conte juvénile. Soucieux d’une notoriété qui leur échappe, aigris par l’hostilité ou la froideur de la société en place, ils réagissent par esprit de revanche ou par cynisme en exterminateurs potentiels. Sous la comédie rosse se déclare une pulsion de contestation violente. Enfin, l’image naturaliste de la jungle - celle de Bornéo après celle des îles Adaman - et de ses incarnations - l’orchidée vampirique et le monstre griffu - renvoie, certes, aux leçons de Darwin, mais aussi, en amont, aux mêmes idées moroses qui sous-tendent La machine à explorer le temps, publiée en feuilleton durant la même année. À en juger par les ironies que suscitent la sédentarité de Winter-Wedderburn et la prudence de l’homme d’affaires du dernier conte bref, H.G.Wells, n’invite pas, pour autant, à un repli frileux, à la Shopenhauer, mais plutôt, dans le sillage d’Henley et de Kipling, à une exploration curieuse, vigilante et pugnace, incarnée au passage par son jeune astronome et son chercheur ardent . L’esprit du temps n’est pas à voie unique. »
Joseph Dobrinsky
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