03/11/2007
La tolérance
— Fumero, murmura Firmin, qui, à la seule mention de sa Némésis, fut pris d’un tremblement nerveux.
— Lui-même. Comme je le disais, le champion de la sécurité de cette cité, revenant tout juste d’une rafle triomphale dans un tripot illégal de paris sur les courses de cafards sis rue Vigatans, a été mis au courant des faits par la mère éplorée d’un des dévoyés de l’hospice, cerveau présumé de cette fugue, papet Guadiola. Là-dessus, le célèbre inspecteur, qui, semble-t-il, s’était envoyé derrière la cravate douze cafés arrosés d’anis depuis le dîner, a décidé de prendre l’affaire en main. Après avoir étudié les circonstances aggravantes du délit, Fumero a notifié au sergent de garde qu’une telle (et malgré la présence d’une demoiselle, je cite le vocable dans sa plus stricte littéralité à cause de sa valeur documentaire dans mon exposé des faits) tantouzerie méritait un châtiment exemplaire et que l’horloger (entendez M. Federico Flavio Pujades, célibataire et natif de la localité de Ripollet) devait, pour son bien et celui de l’âme immortelle des garnements mongoloïdes dont la présence dans l’affaire était accessoire mais déterminante, passer la nuit dans la cellule commune des sous-sols de l’institution en compagnie d’une assemblée choisie de voyous. Comme vous le savez probablement, la dite cellule est célèbre dans l’élément criminel pour ses conditions sanitaires inhospitalières et précaires, et l’intrusion d’un citoyen respectable au milieu de ses hôtes habituels y est toujours un motif d’allégresse par ce qu’elle comporte de ludique et d’inédit dans la monotonie de la vie carcérale.
Arrivé à cet endroit de son récit, M. Anacleto procéda à une brève mais saisissante description du caractère de la victime, par ailleurs bien connu de tous.
— Point n’est nécessaire de vous le rappeler, M. Flavio Pujades est doté d’une personnalité fragile et délicate, pétrie de bonté et de charité chrétienne. Si une mouche vient à se glisser dans l’horlogerie, il ne la tue pas à coups de tapette, mais ouvre grandes les fenêtres pour que l’insecte, créature du Seigneur, soit restitué par le courant d’air à l’écosystème. M. Federico, je l’atteste, est un homme de foi, pieux et très présent dans les activités de la paroisse, mais qui, hélas, a dû affronter toute sa vie un ténébreux appel du vice qui l’a jeté plus d’une fois dans la rue déguisé en femme. Son habileté à réparer aussi bien les montres que les machines à coudre a toujours été proverbiale, et sa personne était appréciée de tous ceux qui le connaissaient, même si certains ne voyaient pas d’un bon œil ses occasionnelles escapades nocturnes avec perruques, peignes et robes à pois.
— Vous parlez de lui comme s’il était mort, risqua Firmin, consterné.
— Mort, non, grâce à Dieu.
Je respirai, soulagé. M. Federico vivait avec une mère octogénaire et sourde comme un pot, connue dans le quartier sous le nom de La Pepita et célèbre pour ses flatuosités qui faisaient chuter de son balcon les moineaux étourdis par leur force cyclonique.
— La Pepita, poursuivit le professeur, était loin d’imaginer que son Federico avait passé la nuit dans une cellule immonde, où un orphéon de maquereaux et de virtuoses du couteau lui avait arraché un à un ses falbalas de cocotte pour lui faire subir les derniers outrages pendant que les autres prisonniers chantaient joyeusement en chœur : « Pédé, pédé, bouffe ta merde de pédé. »
Un silence sépulcral s’installa entre nous. Merceditas sanglotait. Firmin voulut la consoler en la prenant dans ses bras, mais elle se cabra sauvagement.
Carlos Ruiz Zafon, L’Ombre du vent
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27/10/2007
Hubert Reeves
Dans votre dernier livre, je crois percevoir une certaine tristesse : en même temps que vous nous dites que la solution est dans la vie passionnée, on voit que vous même vous êtes très déchiré. Je pensais à ce mot de René Char qui me paraissait s’appliquer à vous : " La lucidité est la blessure la plus proche du soleil ". Parce que je vous trouve tellement lucide, et dans votre lucidité, tellement partagé : d’un côté, cette vision positive, cette recherche d’une vie passionnée, d’amour et d’ivresse, qui nous permettrait de franchir cette étape apparemment stagnante de l’évolution pour arriver à un niveau de conscience plus élevé, et d’autre part, cette inquiétude que vous d’exprimez sur la nature humaine qui semble piétiner, tourner en rond.
H.R : C’est pire que ça! Parce qu’en même temps que la nature humaine piétine, les dangers, eux, s’accélèrent. Il y a un tel progrès aujourd’hui des armes, qu’on se demande même si l’amélioration personnelle - qui est la seule solution possible - peut prendre de vitesse la course aux armements. On ne peut pas piétiner, arrêter là et attendre que ça se passe. La menace devient de plus en plus fabuleusement inquiétante : c’est une question de course, et on peut se demander si cette course n’est pas déjà perdue. J’espère toujours que non… (10/11/1986 Jacques Languirand rencontre Hubert Reeves
Hubert Reeves, l'article en intégralité
Les oiseaux inquiets eux aussi :
Lorraine et histoires d’oiseaux par Gilbert Blaising
Au cours d’un récent voyage au Sénégal, je suis tombé par hasard, au bord d’un marigot, sur l’assemblée générale, en plein air, du club des oiseaux lorrains expatriés. Après avoir montré ma carte d’identité prouvant mon domicile et celle d’adhérent à la L.P.O. assurant ma sympathie, ils m’ont accepté comme auditeur libre en leur milieu. Que n’ai-je entendu de récriminations !
La huppe fasciée disait qu’étant de moins en moins nombreuses de son espèce en ces contrées de Lorraine, elle avait de plus en plus de difficultés à trouver un partenaire pour ses noces annuelles, car analphabète, elle n’avait pas accès aux petites annonces.
Le busard cendré se plaignait du manque de nourriture dans les vastes champs de céréales aseptisés qu’il a dû squatter après la destruction de ses marais, la rousserole turdoïde déclarant ne plus savoir à quelle roselière se vouer et la fauvette babillarde (qui, comme tout le monde le sait, a la langue bien pendue) protestant au nom de l’important groupe parlementaire des passereaux, contre la disparition dramatique et incompréhensible des haies.
Chaque fois, l’ignorance et les mauvaises actions des hommes, avec lesquels ils ne demandaient pourtant qu’à s’entendre, étaient en accusation. Mais quel mal, disaient-ils, nous leur faisons donc pour récolter tant d’indifférence à notre sort. Ce n’est pourtant pas de vouloir les distraire par nos vocalises éperdues, ni de leur prêter main forte pour les débarrasser des insectes nuisibles à leurs productions. Dans les rangs des étourneaux et des cormorans, on observait à ce moment…
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21/10/2007
Fleurs
Les abeilles, à l’échelle mondiale, sont menacées de disparition. Une association propose de planter des fleurs de dix espèces pour tenter d’enrayer l’extinction de ces insectes qui serait une catastrophe.
Les abeilles, à l’échelle mondiale, sont menacées de disparition. Différentes études ont récemment démontré que leur population était régulièrement décimée à la sortie de l’hiver. Face à cette situation alarmante, le Réseau Biodiversité pour les Abeilles sensibilise les jardiniers amateurs et les incite à passer à l’action, en plantant des fleurs pour tenter de sauver les colonies d’abeilles.
Phacélie et autres fleurs, c'est ici
Rajoutons encore que des abeilles qui, nourries un mois avant l’émergence d’une situation de miellée, ne bénéficient pas d’une alimentation riche et suffisante, ne seront pas en bonnes conditions pour récolter de grandes quantités de miel.
Ces quelques lignes font de nouveau ressortir l’intérêt de semer, sur les jachères, des espèces reconnues pour leur intérêt apicole (à la fois pour leur production de pollen et de nectar) afin de contribuer à renforcer la santé des colonies d’abeilles et des autres insectes butineurs consommateurs de pollen.
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