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09/09/2008

Poème du jour

Vous êtes calme, vous voulez un voeu discret

Vous êtes calme, vous voulez un voeu discret,

Des secrets à mi-voix dans l'ombre et le silence,

Le coeur qui se répand plutôt qu'il ne s'élance,

Et ces timides, moins transis qu'il ne paraît.

 

Vous accueillez d'un geste exquis telles pensées

Qui ne marchent qu'en ordre et font le moins de bruit.

Votre main, toujours prête à la chute du fruit,

Patiente avec l'arbre et s'abstient de poussées.

 

Et si l'immense amour de vos commandements

Embrasse et presse tout en sa sollicitude,

Vos conseils vont dicter aux meilleurs et l'étude

Et le travail des plus humbles recueillements.

 

Le pécheur, s'il prétend vous connaître et vous plaire,

Ô vous qui nous aimant si fort parliez si peu,

Doit et peut, à tout temps du jour comme en tout lieu,

Bien faire obscurément son devoir et se taire,

 

Se taire pour le monde, un pur sénat de fous,

Se taire sur autrui, des âmes précieuses,

Car nous taire vous plaît, même aux heures pieuses,

Même à la mort, sinon devant le prêtre et vous.

 

Donnez-leur le silence et l'amour du mystère,

Ô Dieu glorifieur du bien fait en secret,

À ces timides moins transis qu'il ne paraît,

Et l'horreur, et le pli des choses de la terre,

 

Donnez-leur, ô mon Dieu, la résignation,

Toute forte douceur, l'ordre et l'intelligence,

Afin qu'au jour suprême ils gagnent l'indulgence

De l'Agneau formidable en la neuve Sion,

 

Afin qu'ils puissent dire : " Au moins nous sûmes croire "

Et que l'Agneau terrible, ayant tout supputé,

Leur réponde : " Venez, vous avez mérité,

Pacifiques, ma paix, et douloureux, ma gloire. "

 

 Paul Verlaine (1844 - 1896)

(Recueil : Sagesse)

09:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)

08/09/2008

Poème du jour

Le passé

 

Telle qu'une vapeur s'épaississant toujours,

La nuit grave s'étend sur les îles boisées ;

Les plus belles au loin, déjà semblent rasées

Et les rives n'ont plus que de fuyants contours.

 

A mes pieds, le vent d'est chassant l'onde à rebours,

Courbe les joncs comme autant d'âmes angoissées.

- Veux-tu que nous allions reposer nos pensées

Dans l'ombre qui sera bientôt comme un velours ?

 

Nous causerons de nos projets, de choses vaines,

De l'avenir, jongleur qu'on dirait les mains pleines,

Mais non pas du passé, c'est terrain défendu.

 

Le passé surgira de la nuit et des houles,

Et parlera si fort, qu'au retour vers les foules,

Nous resterons muets de l'avoir entendu.

 

 

Alphonse Beauregard ( 1881-1924 )

 recueil : Les forces

 

17:00 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)

05/09/2008

Baudelaire

La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse

 

La servante au grand coeur dont vous étiez jalouse,

Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse,

Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs.

Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs,

Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres,

Son vent mélancolique à l'entour de leurs marbres,

Certe, ils doivent trouver les vivants bien ingrats,

A dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps,

Tandis que, dévorés de noires songeries,

Sans compagnon de lit, sans bonnes causeries,

Vieux squelettes gelés travaillés par le ver,

Ils sentent s'égoutter les neiges de l'hiver

Et le siècle couler, sans qu'amis ni famille

Remplacent les lambeaux qui pendent à leur grille.

Lorsque la bûche siffle et chante, si le soir,

Calme, dans le fauteuil, je la voyais s'asseoir,

Si, par une nuit bleue et froide de décembre,

Je la trouvais tapie en un coin de ma chambre,

Grave, et venant du fond de son lit éternel

Couver l'enfant grandi de son oeil maternel,

Que pourrais-je répondre à cette âme pieuse,

Voyant tomber des pleurs de sa paupière creuse ?

Baudelaire

08:43 Publié dans Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)