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07/04/2014

Les buttes-chaumont

J'étais à peine installée sur le banc public du parc tout en longueur qui se trouve à trente mètres de chez moi, à l'emplacement du canal rebouché, qu'une dame d'un certain âge me demande de lui faire une place ;  j'avais pris mes aises et avait déposé  sac et  revue de part et d'autre, je ramasse prestement le tout, me recule un peu, la dame s'installe. Un des deux petits chiens qu'elle tient en bout de laisse, grimpe sur le banc, me regarde et me lèche la main. Il a une face plate, le museau plutôt retroussé, c'est quelque chose comme un bichon. Cela se passait hier après-midi, par un beau soleil de printemps chaud, juste une petite bise serviable nous éventait discrètement. À Auch, à peine assise sur le banc de la place située aux alentours de la cathédrale que des seniors, comme des moineaux, ne tardaient pas à m'y rejoindre, engageaient très vite une conversation concernant souvent les maigres retraites allouées aux paysans qu'ils étaient, qui s'étaient escrimés toute leur vie à travailler la terre pour finalement atterrir en maison de retraite. À Béthune les gens en général plus froids ne se confient pas facilement, encore moins à la première venue au hasard d'un banc public. La dame, d'ailleurs ne se confia pas à proprement parler. À peine émit-elle quelques regrets sur la condition des vieux à Béthune. Elle me parla de l'isolement des seniors, la municipalité n'essayant pas me dit-elle de les regrouper à l'occasion de fêtes comme Noël, pour un repas convivial ou ce genre de choses. De plus, contrairement aux Parisiens, les Béthunois sont froids.  Elle n'est ici que depuis six ans, originaire de la région comme son mari aujourd'hui décédé, elle en est partie pour travailler durant plus de vingt ans à Paris. j'habitais dans le treizième me dit-elle. À ma question "qu'est-ce qu'il y a dans le treizième ?" elle me répondit qu'en fait elle ne voyait rien à signaler de spécial dans cet arrondissement, puis elle ajouta presque dans un murmure de source, petit sourire à l'appui "il y a un quartier chinois maintenant". La dame est rentrée dans la région, héritière qu'elle était d'un petit moulin à Lapunoy, près d'Auchel. Elle considéra avoir commis une erreur en ne se ré-installant pas dans ce village où elle aurait peut-être pu bénéficier de plus d'attention pour les seniors de la part de la municipalité, qu'ici à Béthune. Enfin, son grand regret c'est Paris. Seul petit bémol, là-bas les parcs sont interdits aux chiens, il faut aller, me dit-elle, jusqu'aux Buttes Chaumont pour que le chiens puissent se dégourdir les pattes. Oubliant complètement les petits Parisiens, je l'avoue, qui ont besoin de se dégourdir les jambes sans risque de glisser sur une peau de banane, je lui dis que je trouvais cette interdiction absurde. Une certaine présence d'esprit me faisant défaut à ce moment-là,  je lui répétai  quelques secondes plus tard, comme pour  ponctuer ses regrets quant à cet état de chose,  sincèrement étonnée, que, franchement, c'était incroyable d'interdire les chiens dans les parcs d'une ville. Si les maîtres manquaient de sens civique en ne ramassant pas les crottes de chiens et en n'empêchant pas ceux-ci d'uriner dans les bacs à sable...on comprendrait, mais la plupart d'entre eux étant très attentifs à tout cela, c'est effectivement ridicule, non ?

La dame en question est maman et grand-maman de plusieurs enfants et petits enfants, mais la vie moderne étant ce qu'elle est, les enfants restent à Paris parce que le Nord, vraiment, non, ce n'est pas leur tasse de thé. Comme elle, ils aiment Paris. Elle adorait faire les magasins à Paris se souvient-elle, c'est animé Paris, personne ne s'ennuie jamais là-bas, continue-t-elle dans un murmure cette fois résigné,  heureusement dit-elle enfin, il y a mes deux chiens, ils tiennent leur place, ils ont une présence.. c'est incroyable, ajoute-t-elle d'un ton un peu blasé, quand on pense que certains les abandonnent au moment des vacances, le deuxième je suis allée le chercher, quand j'en ai perdu un, au refuge des animaux. Je la questionne sur les Buttes-Chaumont, "ça fait une trotte du treizième arrondissement au dix-neuvième, j'y allais en voiture."

L'idée m'est venue ce matin de me renseigner sur ce parc des Buttes-Chaumont. Il est original, d'après ce que j'ai lu, le seul à posséder un dénivelé intéressant, avec un ruisseau qui tombe en cascade dans un petit lac. J'irais bien me promener ce matin à Belleville. C'est là-bas qu'il se trouverait ce dix-neuvième arrondissement.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Parc_des_Buttes-Chaumont

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29/03/2014

"Non qualifiés!"

Une dame sophistiquée, rouge à lèvres rouge vif, cheveux auburn remontés en chignon, front dégagé,  sa robe est  noire, décolletée, seyante malgré le petit ventre rebondi, enfin, elle est perchée sur des hauts talons : c'est la cliente du magasin où j'attends pour payer ; son compagnon à peu près de la même hauteur,  pas très grand, épaules rondes,  porte des lunettes noires, aux verres étroits, et mâchouille une sucette en parlant à la vendeuse ; le bâtonnet monte et descend, va en tous sens. La vendeuse amaigrie depuis ma dernière visite le mois dernier,  a l'air surexcitée. Les trois parlent de leurs enfants. On va leur mettre des gens non qualifiés pour les garder le soir à l'école. Je présume que c'est lorsqu'ils attendent l'arrivée de leurs parents pour rentrer chez eux. "Non qualifiés!"... ils s'offusquent, haussent le ton, prennent des airs entendus et partent sur autre chose : une réunion sur fond d'élections municipales,  à laquelle la vendeuse a assisté. Un politique leur a expliqué une organisation que les parents n'approuvent pas, cela concerne leurs enfants, ils ne sont pas d'accord. Derrière le comptoir la vendeuse s'agite, affirme plusieurs fois qu'elle était à deux doigts d'étriper le politique qui en a été quitte ricane-t-elle nerveusement pour s'en aller à 18h30 alors qu'il escomptait se tirer à17 heures. L'homme à la sucette exulte, ricane à son tour, complice, sa dame  lève les yeux au ciel, hoche la tête, mime le dégoût de ses lèvres fermées qu'elle avance en les tordant légèrement ; expressionisme digne de l'époque du muet. Elle me regarde, j'y vais d'un sourire compatissant, sans doute faux. je patiente. Ils se lâchent à nouveau, belle apothéose,  "le fric, dit l'homme à la sucette, ils n'ont qu'à le prendre aux fonctionnaires, pourquoi  le prendre aux riches? de toute façon, ils foutent le camp les riches ! Ils sont là, les fonctionnaires, qu'est-ce qu'on attend ? C'est sur eux qu'il faut faire des économies!" La conversation repart sur leurs enfants. Ils parlent comme les rois du monde, bien haut, en force vive du pays qu'ils se sentent j'imagine. Quand le couple s'en va, la vendeuse semble monologuer durant une minute, se souvient de moi et me dit qu'elle ne sait pas quelle boisson acheter pour arroser un gâteau au chocolat que lui apporte son amoureux ce soir pour leur premier rendez-vous.   Elle insiste. Assez indifférente   je dis  du cidre. "Brut ou léger ?" demande-t-elle aussi sec, parce que, précise-t-elle,  elle ne boit jamais d'alcool, elle ne s'y connaît pas. L'idée de le prendre de travers ne m'a pas traversé l'esprit. Je m'ennuyais seulement, voulais payer et m'en aller. Bizarre cette madame "Comme tout le monde".
 Cette scène est tombée à point nommé. Je vais voter demain finalement. À gauche... mais ça ne suffira pas, juste un peu moins grave peut-être. 

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27/03/2014

quelque chose comme des esprits

Ce matin j'ai lu deux nouvelles de Schwob,  ce qu'il raconte me parle ; les mots bloqués, qui échapperaient pour exprimer l'émotion et ou convoquer, faire surgir  la beauté, la laideur, la drôlerie... ces mots venus d'un autre, suaves, m'ont fait du bien à moi, et en font aussi à d'autres sans nul doute. Auteur génial à mes yeux donc.

Si d'un coup, un jour, quelqu'un se retrouvait seul(e) pour cause de naufrage sur une île déserte par exemple, des mots, comme ça, assemblés par un autre, comme des chants, pour peu évidemment qu'il ou elle les ait lus et en ait été touché, pourraient le retenir, l'accompagner, lui tenir chaud. C'est un peu du spiritisme la littérature, en ce sens. 

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