16/11/2011
"Une expérience collective de voyage imaginaire"
"Le nouveau spectacle de Joris Lacoste nous propose une séance d'hypnose au théâtre, ou plutôt un spectacle qui se déroule dans l'esprit même du spectateur, et guidé par un comédien seul sur scène. Une expérience de voyage imaginaire." Cliquez sur ce lien :
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11/11/2011
Colombe
Un extrait du deuxième acte de Colombe, une pièce de Jean Anouilh :
Colombe
Comme c’est beau, Madame-Chérie, tout ce que vous racontez ! On dirait qu’on lit des histoires. Mais comment faut-il faire pour être aimée comme cela ?
Madame Alexandra
Etre femme, c’est tout. Matérialiser, soudain, pour des êtres plus frustres l’éclat, la folie, le désir, tout ce qui leur est inaccessible… Salvator et mon Hollandais étaient des brutes, malgré leur vernis d’hommes du monde — j’étais l’Art et j’étais la Beauté. Ils savaient qu’il fallait qu’ils sortent d’eux-mêmes, pour me mériter. Alors ils essayaient d’inventer quelque chose qui les dépasse. Un jour où je n’avais pas faim (je mettais toujours mon gant dans mon assiette — je ne vivais que de champagne et d’art à cette époque : je voulais me faire maigrir), Salvator, désespéré, que je ne mange rien, s’est fait apporter un rat tout cru, chez « Maxim’s », et l’a dévoré devant moi.
Poète-Chéri
Dieu, que c’est fou cela ! Dieu, que c’est grand !
Madame Alexandra
Pensez-donc ! C’était dégoûtant ! J’ai failli vomir mon champagne. Je l’ai giflé, oui, devant tout le monde et je suis sortie du restaurant. Le plus drôle c’est que, sur l’addition, ils lui ont compté le rat cinquante francs !
Poète-Chéri
N’est-ce pas à peu près à la même époque que Boni Despinglettes a mis le feu à son hôtel pour vous ?
Madame Alexandra
Quel fou ! Je le faisais languir depuis un an. Nous soupions chez lui, avec des amis. La conversation roulait sur Néron. Je dis mon admiration pour cet être étonnant qui avait compris la vie en beauté. Je dis que Romaine, je l’aurais sans doute aimé. Despinglettes devient livide, il se lève, il prend un candélabre du sur-tout et sans prononcer une parole, il met le feu aux doubles rideaux… Les domestiques veulent se précipiter avec des carafes… Il tire un pistolet de sa poche et menace de les abattre s’ils font un geste… Nous étions tous debout, tout pâles, à regarder brûler les rideaux… Quand les flammes ont atteint le plafond, j’ai été à lui, sans un mot, et je l’ai baisé sur la bouche… Les domestiques en ont profité pour arroser. C’est comme cela qu’on a sauvé le bâtiment.
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Un petit point
J’ai lu hier quelques pièces de Jean Anouilh : Le Bal des Voleurs, Le Rendez-vous de Senlis, Léocadia, Humulus le Muet. Dans Le Rendez-vous de Senlis, double-jeu de représentation avec deux personnages dont le rôle est de jouer ce qu’ils sont, à savoir des comédiens professionnels, cela bien sûr à l'insu de leur "victime". Ils reflètent du même coup les autres personnages de la pièce, tous menteurs et fuyant la réalité et de ce fait à leur façon, eux-mêmes comédiens mais à temps plein. Dans le Bal des Voleurs deux personnages, purs produits de la bonne société, se révèlent dès le début de la pièce hypocrites, très intéressés et sans scrupules, quasi à leur insu tant cet état leur est devenu naturel, tandis que les voleurs qui se désignent comme tels se laissent plus ou moins attendrir par leurs potentielles victimes. Dans trois pièces sur les quatre lues, une jeune fille, oasis de candeur ou les pieds bien sur terre, mais toujours sincère, parvient à sauver celui qu'elle aime et ce, presque malgré lui. Georges dans Le Rendez-vous de Senlis répondait à l’inconséquence de ses parents par une série de mensonges par lesquels il tentait de fuir la réalité, il ne devient sincère qu’en présence d’Isabelle. Ainsi Barbara, sa vieille complice en tromperies, ne reconnaît pas le Georges qu’aime sa rivale. On retrouve dans ces trois pièces le propos de fond de Anouilh concernant les mensonges sous toutes ses facettes et les plus enfouis. Ceux que l’on se fait à soi-même, dénis de réalité et tromperies de tous ordres, tout cela se produisant dans le contexte théâtral de la vie, où l’absurde, selon Annouilh souvent fruit de l’inconséquence et/ou de l‘immaturité (mais pas toujours), prend trop souvent le pas sur la réalité. Pas de jugement accusatoire cependant. La duchesse par exemple a utilisé la ruse, la tromperie pour combattre une ennemie qu'elle ne déteste pas. On sent aussi chez Barbara une personne malgré tout sincère en amour à qui l'auteur ne jette pas la pierre.
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