15/12/2013
En attendant Godot
Godot ou Godet ou Godin, de Samuel Beckett bien sûr, "Son roman Molloy paraît en 1951, et c'est l'année suivante qu'il publie En attendant Godot. Cette pièce créée en 1953 à Paris dans une mise en scène de Roger Blin, sera traduite et jouée ensuite dans le monde entier."
J'ai lu Molloy pour ma part il y a quelques années. Impressionnant. C'est seulement hier soir que je ne me suis pas contentée de connaître En attendant Godot par ouï-dire, je l'ai lu avec beaucoup d'attention et la pièce est venue me hanter cette nuit. J'ai rêvé d'un homme que tout le monde traitait de monstre à cause des écailles noires visqueuses qui recouvraient sa peau, de son obésité et de sa tête de grenouille. L'aspect physique a décidément une importance certaine. Je racontai à cet individu les misères supposées par le rêve, que me causait mon entourage et il voulut me consoler tant et si bien qu'il fut au bord de devenir mon amant, les préliminaires avaient commencé et ont été arrêtées par l'arrivée ... stop! loin de moi l'envie de vous transformer en voyeurs et voyeuses. Tout cela pour dire la puissance du Verbe de Samuel Beckett, le rêve en question avait en effet quelque chose à voir avec sa pièce. À cause notamment des plaintes, en effet les personnages qui attendent Godot se plaignent beaucoup. Un extrait :
Vladimir. — Si on se repentait ?
Estragon. — De quoi ?
Vladimir. — Eh bien... (Il cherche.) On n'aurait pas besoin d'entrer dans les détails.
Estragon. — D'être né ?
Vladimir part d'un bon rire qu'il réprime aussitôt, en portant sa main au pubis, le visage crispé.
Vladimir. — On n'ose même plus rire.
Estragon. — Tu parles d'une privation.
Vladimir. — Seulement sourire. (Son visage se fend dans un sourire maximum qui se fige, dure un bon moment, puis subitement s'éteint.) Ce n'est pas la même chose. Enfin... (Un temps) Gogo...
Estragon (agacé). — Qu'est-ce qu'il y a ?
Vladimir. — Tu as lu la Bible ?
Estragon. — La Bible... (Il réfléchit.) J'ai dû y jeter un coup d'œil
Vladimir (étonné). — A l'école sans Dieu ?
Estragon. — Sais pas si elle était sans ou avec.
Vladimir. — Tu dois confondre avec la Roquette.
Estragon. — Possible. Je me rappelle les cartes de la Terre sainte. En couleur. Très jolies. La mer Morte était bleu pâle. J'avais soif rien qu'en la regardant. Je me disais, c'est là que nous irons passer notre lune de miel. Nous nagerons. Nous serons heureux.
Vladimir. — Tu aurais dû être poète.
Estragon. — Je l'ai été. (Geste vers ses haillons.) ça ne se voit pas ?
Extrait de ce que Samuel Beckett dit de sa pièce dans sa lettre à Michel Polac, janvier 1952 (en quatrième de couverture) :
"Je n'y suis plus et n'y serai plus jamais. Estragon, Vladimir, Pozzo, Lucky, leur temps et leur espace, je n'ai pu les connaître un peu que très loin du besoin de comprendre. Ils vous doivent des comptes peut-être. Qu'ils se débrouillent. Sans moi. Eux et moi nous sommes quittes."
Il me semble avoir compris des choses quand même à la lecture de cette pièce en me souvenant du roman Molloy, mais surtout après un petit temps de décantation. Dans En attendant Godot la mémoire des personnages "secondaires" défaille sans cesse, Beckett prend du champ en effet, témoigne et se libère. À vous de redécouvrir ou découvrir ces ouvrages.
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10/12/2013
Rayonnements d'ombre
J'ai écrit ce texte ce matin que j'intitule Rayonnements d'ombre
Immobile elle regarde surgir son ombre dans la lumière des phares d'une voiture,
le reflet se déplace dans sa fugace inertie sur toute la largeur du rideau de fer
Éclipses et mémoire
le miroir des rétroviseurs renvoie au néant des miniatures
que le spectateur en partance retient au plus quelques secondes
chez elle maintenant les choses dansent ou se figent en dessin momentané à la lueur des bougies
lumière des ombres où jouent les apparences
jeu d’esprit qui se donne en spectacle à dire aux aveugles
Remède à l’eau de source des rétines brûlées
De mille façons aux néons des cités
05:48 Publié dans Mes poèmes en ligne | Lien permanent | Commentaires (0)
08/12/2013
Chercheur de traces
Jefferson, Wisconsin ; vu dans le Daily Ray
"Qu’on nous accorde la liberté d’un bref parallèle. Dans un contexte comparable d’une quête de vérité, Imre Kertész nous décrit l’émissaire chargé d’enquêter sur l’infamie des camps comme un homme doutant des preuves matérielles, que le présent dévore. D’où l’apparition, dans sa méthode archéologique, de l’imprévu, du hasard, de l’intuition, qui se prêtent à la formulation poétisée, à la métaphore dans l’instant vécu. Il s’agit véritablement d’une lecture du paysage : « Pas de doute, cette couleur [une rémanence de jaune impérial sur un pan de mur] dans cette lumière particulière, cette couleur aussi était intemporelle, seul un instant quotidien l’avait rendue saisissable, un instant totalement différent, qu’il avait néanmoins pu retrouver dans la pression impitoyable de ce présent trompeur, mais dont aucune carte géographique, aucun inventaire, si précis et exhaustif fût-il, ne pouvait apporter la preuve. Ce qu’il s’était efforcé d’écarter de son travail méthodique était justement ce qui lui avait porté chance : le hasard, cet élément inévitable que pourtant aucune investigation ne prenait jamais en compte. Il n’avait donc pas besoin d’un froid recensement mais de faits inattendus ; il avait toujours cherché ce qu’on lui cachait au lieu de saisir le visible ;"
http://cle.ens-lyon.fr/espagnol/poetiser-le-chaos-monde-210613.kjsp
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