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04/11/2012

Il y a sauvages et sauvages...

« Mes » Mystères de Paris sont préfacés par Judith Lyon-Caen, une préface qui participe bien de cet éclairage nécessaire sur l’auteur et son œuvre. Un extrait :

«  Après Arthur, Eugène Sue recouvre une certaine aisance financière et aménage à Paris, au 71, rue de la Pépinière (aujourd’hui rue La Boétie), un « cottage » à son goût : trois pièces luxueusement meublées et un petit jardin à l’anglaise. Dans cette retraite élégante, il se plonge dans le travail et produit, entre autres, un roman historique sur les protestants sous Louis XIV (Jean Cavalier ou les Fanatiques des Cévennes, (1840) et Mathilde ou Les Mémoires d’une jeune femme (1840-1841). Publiée à nouveau dans La Presse de Girardin, l’histoire de cette jeune femme mariée contre son gré à un ignoble débauché Gontran de Lancry, et sauvée par le bon M. de Rochegune, tient à la fois du roman de mœurs élégantes et du mélodrame. Les Mystères de Paris, qui suivent de peu, relèvent également de ces deux veines, mais introduisent une nouveauté radicale : l’évocation des bas-fonds parisiens, autour de quelques personnages repoussants, comme la Chouette ou le Maître d’école, et de héros déchus, comme le Chourineur et, surtout, Fleur-de-Marie. D’emblée, le feuilleton publié dans Le Journal des Débats, quotidien proche du gouvernement, tenu pour respectable et modéré, fait scandale.[...] 

Les premières parties du roman proposent une exploration inédite du Paris populaire : les cabarets et les taudis de l’île de la Cité, l’agitation industrieuse et le brassage social du quartier du Temple, les zones incertaines des barrières de la ville, la prison de Saint-Lazare où sont enfermées les prostituées et les voleuses évoquent un monde rarement décrit sur ce ton par la littérature du temps. Les descriptions littéraires d’un Paris en perpétuelle mutation abondent en effet depuis la fin du XVIIIe siècle et le célèbre Tableau de Paris de Louis-Sébastien Mercier (1780). Mais les tableaux de mœurs parisiennes des années 1830 évoquent davantage les nuances d’une société bourgeoise en pleine expansion ou les silhouettes traditionnelles des petits métiers de la ville : marchands d’habits, porteurs d’eau, vendeuses des Halles. […] 

Il y a dans Les Mystères de Paris une énergie sauvage : celle d’une cohorte de personnage maléfiques, malfrats hideux comme la Chouette, qui torture même les petits oiseaux, Tortillard - un anti-Gavroche -, le Maître d’école ou Bras-Rouge, criminels du grand monde comme le comte de Saint-Rémy, monstres hypocrites comme le notaire Jacques Ferrand. Sue n’est pas avare de noirceur. Mais il y a aussi une sauvagerie du Bien, celle de Rodolphe, prince mélancolique venu à Paris à la recherche de sa fille perdue, impitoyable avec les méchants qu’il punit au mépris des lois. » J.L-C 

Le concept de sauvagerie du bien, mouais, attention aux actes passionnels qui pourraient en découler, actes Don Quichottesques de l’ivresse et réveil douloureux. Rodolphe,  un justicier violent bien dans ses godillots ? Je vais voir. En voilà une préface qui nous en dit long sur le contexte des Mystères ; stimulation neuronale pour continuer ma plongée… Bonne journée à vous lecteurs attentifs de ce blog qui vous le rend bien. 

08:19 Publié dans Lecture, Note | Lien permanent | Commentaires (0)

03/11/2012

Premières impressions

J’ai reçu tout à l’heure le livre que j’avais commandé : Les Mystères de Paris. Découverte des premières pages. Rien ne vaut de se faire une idée par soi-même, je ne pouvais quand même pas rester sur mes lectures fragmentaires des analyses d’un professeur de littérature concernant ces fameux Mystères, si passionnantes soient-elles. Je m’en vais vous livrer ce soir quelques impressions de lecture, j’ai dit impression, je n’irai donc pas jusqu’à oser une interprétation. Les scrupules concernant mon ignorance, ou "raisons d’éthique personnelle", m'en empêchent. Eugène Sue  va me conduire vers une plus grande lisibilité de son siècle, c'est déjà pas mal, et ce, malgré le regard, paraît-il, parfois incertain, qu’il pose sur lui. L’impression donc, que j’ai eu à la lecture des premières pages est que, notre ami Eugène Sue, fait effort pour être dans le ton de son époque, en cela, je rejoins pour l’instant ses contemporains qui le voyaient comme un dandy de chez dandy. Je n'oublie pas qu'à l’époque où Eugène Sue écrit Les Mystères de Paris, il est confiné dans son milieu bourgeois et que c’est dans un journal gouvernemental que ses écrits sont publiés. Premières lignes des Mystères de Paris :

« Un tapis-franc, en argot le vol de meurtre, signifie un estaminet ou un cabaret du plus bas étage.

Un repris de justice, qui, dans cette langue immonde, s’appelle un ogre, ou une femme de même dégradation, qui s’appelle une ogresse, tiennent ordinairement ces tavernes, hantées par le rebut de la population parisienne : forçats libérés, escrocs, voleurs, assassins y abondent.

Un crime a-t-il été commis, la police jette, si cela se peut dire, son filet dans cette fange ; presque toujours elle y prend les coupables.

Ce début annonce au lecteur qu’il doit assister à de sinistres scènes; s’il y consent, il pénétrera dans des régions horribles, inconnues; des types hideux, effrayants, fourmilleront dans ces cloaques impurs comme les reptiles dans les marais.

Tout le monde a lu les admirables pages dans lesquelles Cooper, le Walter Scott américain, a tracé les mœurs féroces des sauvages, leur langue pittoresque, poétique, les mille ruses à l’aide desquelles ils fuient ou poursuivent leurs ennemis.

On a frémi pour les colons et pour les habitants des villes, en songeant que si près d’eux vivaient et rôdaient ces tribus barbares, que leurs habitudes sanguinaires rejetaient si loin de la civilisation.

Nous allons essayer de mettre sous les yeux du lecteur quelques épisodes de la vie d’autres barbares aussi en dehors de la civilisation que les sauvages peuplades si bien peintes par Cooper. »

Ça commence fort, pauvres et indiens amalgamés à la sauvagerie et à la barbarie... Fichtre, c'est un peu maladroit, mais sûrement dans le ton du journal. Je m’aperçois plus loin que, un certain « étalage » des misères du peuples émergent des dialogues en argot que j'estime très bons. Certains des personnages seraient-ils grâcieux, envers et contre tout ? C'est le cas pour la Goualeuse ce me semble… Ah, ah !? C’est donc plus complexe qu’il n’y paraît... 

 

18:24 Publié dans Note | Lien permanent | Commentaires (0)

02/11/2012

Poète du Nord

Colère et désespoir sublimés ; Armand Dehorne est un poète du Nord, scientifique émérite aussi ; il a fait de "vieux os", certainement la poésie l'a-t-elle retenu sur la rive, du moins à en croire ce que témoigne de lutte intérieure les derniers vers de son poème Deûle ( une rivière canalisée de Lille ).   Tristesse pas  insupportable, La poésie de Dehorne a résisté, le chant et la compassion généreuse du poète ont transcendé ce gros paquet d'angoisse. Note précédente, mélancolie du chant des baleines, mais là pas de colère à dépasser, la beauté est directement accessible. Quelques vers d'Armand Dehorne : 

...

Mais, aux gueules de suie hautement reportées,

Jusques au bout des tubulaires cheminées,

D’autres flammes sont nées.

Industriellement recommence la vie,

Avec des pleurs et des abois

Dans la gorge de la sirène,

Et des soupirs longs d’ouvrières

Après des bois sentimentaux

Et des prés bleus fendus de rives…

 

Forçat ! Du noir poussier charge tes plis d’oreilles ;

Ton crâne bout sous ta casquette dégoûtée,

Ta bouche affreuse cautérise ses gencives

Avec des paquets de tabac.

Et tu maudis stupidement les éléments,

Leur reprochant d’être trop bas,

Lorsque tu fais rouler au machefer qui crie

L’obésité d’une tourie.

 

Kühlmann et Cie, ô laideur des chimies !

Sur le terrain crispé de fraîches escarbilles,

Où mon pas s’irrita d’une vive silice,

Se chauffent au soleil, gros œufs de terre cuite

Pondus par la fabrique,

Des milliers de touries d’acide sulfurique !

 

Assez vécu, bonhomme affreux !

Assez gémi devant le mufle des heureux,

Assez grogné, rude carcasse qui se casse

En des besognes d’indigence !

Ne rentre plus dans ton taudis de vieux bandit,

Qu’on en finisse avec la grande contingence !

Tuons la vie, à deux, veux-tu ?

Toi l’haridelle humaine usée en quels brancards,

Moi le maigre Satan qui ricane à l’écart.

 

Rejoignons-nous, collatéraux,

Sous l’épaisseur d’une même eau.

Couple assorti, couple banal,

Dans la lenteur ignoble du canal

Je te ferai, tu me feras — quel bel été !

Nous nous ferons tous deux en réciprocité,

La vive dédicace

D’un corps injurieux plein d’ordure et de crasse.

Armand Dehorne

06:24 Publié dans Note, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)