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02/11/2012

Poète du Nord

Colère et désespoir sublimés ; Armand Dehorne est un poète du Nord, scientifique émérite aussi ; il a fait de "vieux os", certainement la poésie l'a-t-elle retenu sur la rive, du moins à en croire ce que témoigne de lutte intérieure les derniers vers de son poème Deûle ( une rivière canalisée de Lille ).   Tristesse pas  insupportable, La poésie de Dehorne a résisté, le chant et la compassion généreuse du poète ont transcendé ce gros paquet d'angoisse. Note précédente, mélancolie du chant des baleines, mais là pas de colère à dépasser, la beauté est directement accessible. Quelques vers d'Armand Dehorne : 

...

Mais, aux gueules de suie hautement reportées,

Jusques au bout des tubulaires cheminées,

D’autres flammes sont nées.

Industriellement recommence la vie,

Avec des pleurs et des abois

Dans la gorge de la sirène,

Et des soupirs longs d’ouvrières

Après des bois sentimentaux

Et des prés bleus fendus de rives…

 

Forçat ! Du noir poussier charge tes plis d’oreilles ;

Ton crâne bout sous ta casquette dégoûtée,

Ta bouche affreuse cautérise ses gencives

Avec des paquets de tabac.

Et tu maudis stupidement les éléments,

Leur reprochant d’être trop bas,

Lorsque tu fais rouler au machefer qui crie

L’obésité d’une tourie.

 

Kühlmann et Cie, ô laideur des chimies !

Sur le terrain crispé de fraîches escarbilles,

Où mon pas s’irrita d’une vive silice,

Se chauffent au soleil, gros œufs de terre cuite

Pondus par la fabrique,

Des milliers de touries d’acide sulfurique !

 

Assez vécu, bonhomme affreux !

Assez gémi devant le mufle des heureux,

Assez grogné, rude carcasse qui se casse

En des besognes d’indigence !

Ne rentre plus dans ton taudis de vieux bandit,

Qu’on en finisse avec la grande contingence !

Tuons la vie, à deux, veux-tu ?

Toi l’haridelle humaine usée en quels brancards,

Moi le maigre Satan qui ricane à l’écart.

 

Rejoignons-nous, collatéraux,

Sous l’épaisseur d’une même eau.

Couple assorti, couple banal,

Dans la lenteur ignoble du canal

Je te ferai, tu me feras — quel bel été !

Nous nous ferons tous deux en réciprocité,

La vive dédicace

D’un corps injurieux plein d’ordure et de crasse.

Armand Dehorne

06:24 Publié dans Note, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0)

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