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08/08/2012

Les loups (suite des Marcheurs)

 Tout le monde traversa la forêt jusque La Corne d’abondance dans un silence de mort. Les loups exprimaient des plaintes ineffables au passage silencieux du cortège de voitures, leurs grognements désolés plaidaient non coupables. Le Noble continuerait les hostilités en leur donnant la chasse dès demain peut-être. Il avait imprégné l’air d’odeurs sulfurées, acides que libéraient les robots à la carcasse déglinguée. Sur les traces de son passage, se renouvelait la menace de sa venue prochaine.

Janin avait le sentiment de sa propre explosion imminente s’il n’agissait pas très vite. Il stoppa sa voiture qui se trouvait en queue de cortège et se rendit à pieds à la rencontre d’une meute de loups qu’il connaissait bien. Parmi les louves qui se trouvaient là, certaines avaient été élevées avec Janon et étaient mères à leur tour, des louveteaux leur tournaient autour. Janin en prit un dans les bras, et se mit à leur parler, bientôt il pleura sous l‘œil attentif des animaux, puis poussa avec eux des grognements et gémissements. La meute se lamenta ainsi un moment avant de se mettre en marche vers Bléassengh, Janin en tête. Ils arrivèrent durant la nuit au centre ville de Bléassengh, un des nouveaux robots que Le Noble avait mis en place alla à leur rencontre ; il tourna plusieurs fois autour du groupe avant d’aborder Janin.

— Bienvenue à Bléassengh. Déclinez votre identité, émit-il placidement

— Mène-moi à la prison du coin. Je pense que c’est là que ma fille et son ami se trouvent.

Une sirène d’alarme retentit quelques secondes plus tard, alors que le robot immobile clignotait de partout. Des hommes arrivèrent peu après, murmurant sous l’effet de la surprise. Ils mirent en joue les loups qui grondaient sourdement tandis que Janin grimaçait, il transpirait abondamment.

— Mes amis et moi sommes venus chercher Peter et Janon, dit-il péniblement. Baissez vos armes, si vous nous tuez, vous ne réussirez qu’à attirer sur vous la malédiction. La mienne, celle de la princesse peut-être bien aussi. 

— De quelle princesse parles-tu ?

— De ma fille peut-être bien, de celle de votre légende peut-être bien aussi. Il me semble que je te reconnais : tu es un fils de gueux, ton père travaille pour moi dans la forêt. Il attendit quelques secondes et reprit : « Les Bléassenghs ne vous ont pas parlé de la légende ? »

— Ceux pour qui je travaille ne me parlent pas de légende, répliqua le policier. Nous n’avons pas besoin de légendes pour nous occuper des robots. Par contre je sais que les gueux représentent désormais une menace pour l’intégrité territoriale. Ils ont détourné les chercheurs de leur mission. S’ils ne partent pas de leur plein gré, nous devrons les tuer.

— Tu tuerais tes propres parents, démon ? Murmura Janin, plus que jamais grimaçant.

— Regarde-toi, gnome, en fait de démon, tu en es un beau spécimen, répliqua sans assurance l’un des acolytes.

— Je fais partie de l’équipe des scientifiques, répondit aussitôt Janin. Je te rappelle que je suis venu rechercher la princesse et son ami. 

Le robot se mit à parler :

— Ordre de ne pas tirer. Monsieur Todi et Madame Piéaumur ordonnent que la princesse et son ami soient rendus au savant. Ensuite ils rentreront chez eux, ainsi que les animaux.

Ainsi fut fait, Peter fut ramené, ligoté sur un fauteuil roulant dans un semi coma, Janon toute blême, était assise sur l’accoudoir. Des loups allèrent au devant de la jeune fille, les animaux s’étaient mis à moduler un chant jubilatoire, d’autres loups aux abords de la forêt leur répondaient allègrement.

— Merci mes amis, dit Janin. Merci pour la princesse, pour Peter. Je… vous aime. Je ne vous laisserai pas tomber. Nous allons négocier demain, nous allons trouver une solution pour vous. 

06/08/2012

Sur les traces de son passage, suite des Marcheurs

La soirée suivait son cours à la Corne d’abondance, Dora avait rejoint Hector et Géraldine, interrompant leurs conciliabules.

— Je ne pense pas qu’il soit judicieux de partir en Dorkadsie trop vite, Le Noble attend que tu te présentes à lui de toi-même, il ne fera pas fouiller la zone pour te mettre la main dessus, depuis qu’il rôde dans les parages, il aurait  eu de nombreuses occasions de le faire. Il sait maintenant comment s’y prendre pour court-circuiter les robots à distance si cela se trouve, sinon il ne serait pas venu nous narguer jusqu’ici. Il agit de façon détournée, il essaiera de détruire les robots, s’en prendra aux gueux, mais pas à toi directement je pense. Pas mal de gens ont besoin de toi ici, ne pars pas tout de suite Hector.

— Nos cabanes, et tout ce que nous avons commencé à construire pour les populations en difficulté, tout est menacé, reprit Géraldine, les Bléassenghs n’entendent apparemment pas en rester là, sinon ils n’auraient pas envoyé le président jusqu’à nous. Tu sais combien « les régions » préfèrent régler leurs affaires elles-mêmes en général, la loi non seulement les y autorise mais les incite à le faire. Si les Bléassenghs ont eu recours à lui, c’est parce que l’intervention des robots les a impressionnés. Ils veulent réagir par une riposte violente, mais ne se sentent pas à la hauteur, à mon avis il faut redouter le pire. Le Noble a eu le temps d’étudier les robots d’assez près, ils va essayer de les neutraliser… dès demain peut-être, avant de s’en prendre aux gueux, Dora a raison : « Les éradiquer » a-t-il dit, comment veux-tu qu’il fasse tant que les robots sont là ? Ensuite il nous mettra sous la botte des Bléassenghs… 

— Il ne faut pas perdre de temps répondit Hector. Je réveille Bobby dès maintenant.

Hector remit l’humanoïde en fonction. Celui-ci traversa l’assemblée d’un pas égal sous les hourrahs des chercheurs et annonça à Hector :

— Message inquiétant dans ma messagerie. En raison de la communication coupée, impossibilité de relayer l’alerte, les robots de la zone ont lancé appels de détresse. Stop.

Hector cria, tout le monde se précipita dans la forêt. Ils découvrirent des robots hors d’état de service, Le Noble en ingénieur compétent dans le domaine de la robotique avait su les neutraliser avant de les défoncer pour les rendre inutilisables, quant à ceux de la base hospitalière, ils les trouvèrent calcinés. Les étudiants et le professeur de médecine avaient participé à la réception de la Corne d’abondance, ils avaient donc la vie sauve. Mais aucun signe de vie de la part des résidents et patients de la base hospitalière où tout était sans dessus dessous.

Ce fut au tour du docteur de Dross de crier :

— Des criminels ! Ce sont de vulgaires criminels ! Ils nous ont eus !

La nuit commençait à tomber, Janin, Tom et Odette tremblaient, sans dire le moindre mot quand Janin se tira soudain de sa torpeur en hurlant :

— Il faut les récupérer, il faut aller là-bas, à Bléassengh !

— Inutile pour le moment. Pas de panique , je vous en prie, dit Géraldine, les gueux savent peut-être quelque chose. 

Ils remontèrent dans les voitures, prirent la direction Ouest, bientôt ils entendirent de la musique. Les gueux donnaient une fête, les guitares vibraient au son du blues. Ils ne s’étaient rendus compte de rien. 

— Tous à la Corne d’abondance dit Dora, amenez des tentes. Il faut se regrouper. Le Noble n’osera pas s’approcher de notre communauté, certains d’entre nous leur sont trop précieux. Tant que les gueux seront près nous ils n’oseront pas les attaquer. Il faut faire vite.

 Elle s’approcha ensuite d’Hector, lui conseilla de ne pas rester planté là, les yeux dans le vide, ses filles pourraient lui faire parvenir du matériel de Dorkadsie, il pourrait créer d’autres prototypes. « Dieu nous vienne en aide. » ajouta celle que personne n’avait jamais entendu prier

Un flot de pensées chaotiques assaillit Hector, ses lèvres se serraient dans un effort pour les ordonner. Trois personnes venaient probablement de perdre un enfant, cinq années de travail anéanties d’un coup, ce n’était rien en regard de cela, néanmoins ces années, il les avait passées à chercher une riposte pacifique et efficace à la violence, à sa propre violence au début, celle qui le taraudait à l’encontre de Jeudi, et qu’il avait transformée grâce à l’alternative des robots en une réponse pacifique parmi d’autres à la violence en général. Il y avait cru. Instinctivement il rejoignit les trois orphelins que semblaient être à présent Janin, Tom et Odette, « Pardon » leur dit-il.

Tout le monde traversa la forêt jusque La Corne d’abondance dans un silence de mort. Les loups exprimaient des plaintes ineffables au passage silencieux du cortège de voitures, leurs grognements désolés plaidaient non coupables. Le Noble continuerait les hostilités en leur donnant la chasse dès demain peut-être. Il avait imprégné l’air d’odeurs sulfurées, acides. Sur les traces de son passage, se renouvelait la menace de sa venue prochaine.

05/08/2012

Les Marcheurs, tome 2, suite

L’attaque avait été bien ciblée, le feu vite éteint, ne s’était pas propagé plus loin que prévu. Les hommes de Le Noble, recrutés chez les Bléassenghs, filèrent dans la forêt en poussant des cris de joie ; ils n’eurent pas de mal à attraper Peter, guidés par ses mugissements de panique, et Janon qui essayait vainement de le calmer.

Ces hommes, tout comme leurs illustres meneurs, se voulaient les uniques maîtres des lieux et cela passait par l’idée qu’ils se faisaient de la gestion de leur environnement. D’autres idées toutes faites tenaient lieu de pensée et de bornes dans la mécanique de leur esprit ; le bien, le mal, étaient pour eux des notions abstraites ayant trait au simple bon goût, les valeurs, des choses vagues dans l’air du temps, insignifiantes. Hantés par leur besoin puéril de puissance, ce qui se mettait en travers du décor habituel de leur théâtre leur paraissait incongru, d’une provocation insoutenable. Cette chasse à l’homme avait été de trop courte durée pour leur permettre d’assouvir la haine infantile qui s’était accumulée en eux à mesure que s’étaient multipliées les contrariétés des derniers jours. Ils compensèrent la frustration que cette famille en déroute avait fait naître du simple fait de sa présence en des lieux dont ils se pensaient les propriétaires exclusifs par l’assouvissement du sadisme inné qui leur collait à la peau comme une borne ultime. Nous préférons taire ce que subirent Peter et Janon. Ils furent cependant maintenus en vie dans le but de prolonger d’autres plaisirs à venir.