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23/08/2012

Conversation ( Les Marcheurs )

— Nous partons quand ?

— dès demain matin. Et maintenant, à la tambouille !

Janon installa le cube chauffant à deux plaquettes, sur lequel Janin posa un petit chaudron, il y fit cuire dans un peu d’eau des légumes provenant de l’un des jardins qu’il cultivait avec les gueux, en préleva ensuite quelques-uns qu’il fit revenir à la poêle, sans oublier de les assaisonner généreusement de poudre de maceron, après avoir ajouté un petit pavé de substitut de viande de bœuf.

— Soupe et potée de légumes au maceron.

— les placards de la cuisine de l’hôpital ont tenu le coup à ce que je vois, tu es allé fouiller dedans.

— J’ai pris aussi des onguents pour soigner les ecchymoses de Peter.

— J’ai vu, je l’ai massé déjà et il a apprécié. Dis-moi, père, que penses-tu du philosophe Montaigne qui aurait écrit quelque chose du genre « Je sais que je ne sais rien. »

— Je pense qu’à l’échelle des connaissances de l’homme de Néandertal, les sages de son siècle pouvaient déjà se prévaloir d’un certain savoir. Il aura dit cela à cause du fanatisme ambiant de l’époque, dont on trouve des résurgences un peu partout au long des siècles qui se sont écoulés. Le dogmatisme est juste le cran au-dessous du fanatisme. Face à cela, le scepticisme peut aussi devenir une stratégie pour battre positivement en retraite face à tant de folie. Les bûchers, les lynchages sont à nouveau à l’ordre du jour ma belle, Peter  et Jeudi en savent quelque chose. Allez, assez parlé, on va se régaler, n’est-ce pas, Peet respecté. Veux tu nous aider à dresser le couvert sur cette nappe ? 

 

22/08/2012

Petite pause musicale

13:18 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0)

Pierre d'améthyste (Les Marcheurs, suite)

Là-dessus, ils se dirigèrent d’un pas plus alerte vers la grotte toute proche.

Arrivés à destination, Janon, tandis que son père repartait faire la sentinelle, invita Peter à s’asseoir à proximité des rochers, à même le sol, sur un coin de cette terre que le manque de pluie avait durcie. Il l’attendit là placidement, caressant du plat de la main l’herbe clairsemée qui se trouvait à sa portée. Elle revint bientôt, poussant un caddy rempli de divers cailloux dont certains de la brillance transparente du quartz. La jeune fille lui présenta une pierre d’améthyste, l’invita à en toucher les anfractuosités. Le son se conjugue parfois à la lumière, le toucher peut communiquer de l’énergie, en l’occurrence la pureté de cette pierre suggéra à la jeune fille une musique, les mots s’égrenèrent dans sa bouche comme des notes.

— Regarde Peter, comment celle-ci a reçu le temps gentiment. Elle semble figée, mais non, il y a comme une vie à l’intérieur, une lumière, elle nous fait bouger autrement, si on la touche avec attention, on se rend compte qu’elle a un pouvoir bénéfique. Elle porte bonheur.

Peter gardait la pierre entre ses mains, la scrutant longuement. 

— Les pierres ne se jettent pas, reprit Janon, elles se gardent, se regardent, certaines s’assemblent parfois pour faire des maisons. Mais pour les maisons on prenait autrefois des cailloux opaques parce qu’on a besoin aussi d’un peu d’obscurité parfois, ne serait-ce que pour découvrir d’autres lumières, d’autres musiques.

Janon avait perçu l’arrivée de son père avant même d’entendre son pas. Il était songeur.

— Nos ennemis nous ramènent à la propre volonté négative qui a pu nous animer parfois, dit-il, notre propre ressentiment, s’il subsiste. Ils nous apprennent beaucoup de nous-mêmes. La méchanceté Janin, n’est-elle pas du ressentiment par rapport à sa propre condition ? Tu es d’accord ?

— C’est possible, père répondit Janon

— Ce qui est grave, reprit-il, c’est de projeter, par sottise, ce ressentiment sur les êtres les plus vulnérables, en échange d’une illusion de pouvoir. Celle en général, je pense, à l’instar de Nietzsche qui n’était pas du tout nihiliste à mon sens, d’avoir de l’emprise sur le temps qui passe. Les personnes particulièrement vulnérables nous rappellent à notre propre vulnérabilité, à notre finitude ici bas, au fait que nous ne sommes tous que des passants, ce qui insupporte tant de monde, qui provoque ce ressentiment contre le temps dont parlait Nietzsche. Nous savons cela parce que nous-mêmes l’éprouvons ou l’avons éprouvé avant de le dépasser. Nos ennemis sont parfois les miroirs des états que nous avons pu connaître… 

— Nietzche n’était pas un scientifique mais une sorte de savant tout de même à sa façon, n‘est-ce pas ? 

— Ceux qui ont beaucoup observé en général finissent par savoir beaucoup de choses ma Janon, et il a eu besoin de mettre tout cela en partage. C’est ce besoin qui fait de nous des êtres humains, je crois.

— Tu sais comment tu vas t’y prendre avec les Bléassenghs s’ils reviennent ? Demanda abruptement Janon, contraignant son père à redouter de nouveau les dangers auxquels ils ne manqueraient pas de les confronter. 

— Ils réfléchissent bien moins encore que Peter je le crains, ou mal. Je pense que s’ils menacent encore notre vie, je n’aurais d’autre moyen à ma disposition que l’intimidation, hélas, comme l’autre fois.

Janin s’éloigna d’eux de quelques mètres, émit un son qui tenait du murmure et du sifflement assourdi, sorte d’étrange allégorie auditive du persifflage, aussitôt une dizaine de serpents surgirent et se disposèrent en cercle autour de lui. Un autre sifflement et l’un d’eux lui sauta autour du cou, simulant une attaque.

— Voilà où nous en sommes réduits pour l’instant, Janon, au cas où ils s’en prendraient à Peter en chemin. Je savais en trouver par ici, de ces bestioles. Ils sont maintenant notre seule arme défensive. Je t’avais dit n’être qu’un petit chamane.

— Nous partons quand ?

— dès demain matin. Et maintenant, à la tambouille !