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20/08/2012

La fontaine (suite des Marcheurs)

Elle se sentait heureuse, réconciliée avec elle-même. Hector et le docteur Dross faisaient bien en la laissant dormir.

Ils ne purent quant à eux pas fermer l’œil de la nuit, une journée s’était écoulée dans un relatif attentisme alors que trois des leurs vagabondaient dans la forêt. « Ou plutôt non, supputa le docteur Dross, soliloquant dans son lit. La situation se présenta alors avec la concision de l’éclair, que les mots mettent un peu plus de temps à résumer : Janin, si Peter est trop mal en point aura pris un raccourci par la grotte aux ours, il connaît les lieux par cœur, ainsi que la présence de la source, c’est un familier de la faune alentour, du matériel y est encore entreposé, du temps où l’on y avait improvisé un hôpital de fortune.

 Le docteur Dross jubila, convaincu d’avoir découvert leur cachette sous la houlette peut-être du chamane, aima-t-il à penser, qui serait entré en télépathie avec lui. Le docteur Dross croyait en son pouvoir. Où pourrait-il trouver Hector en pleine nuit en ces temps si troubles de sa vie amoureuse. Pas chez Dora, Hector ne voulant pas perdre Géraldine, mais pas non plus chez cette dernière, qui, à ce qu’on lui avait dit, avait mis provisoirement un terme à leur relation de couple, il descendit au rez-de-chaussée, ouvrit quelques portes et aperçut enfin Hector dans le halo de sa torche, qui sommeillait tant bien que mal, assis dans un des gros fauteuils de la bibliothèque.

— Je pense savoir où se trouvent nos lascars, peut-être ont-ils besoin de nous. D’après mes déductions, ils se trouvent à la grotte aux ours. Je suis certain de les trouver là-bas.

— J’emmène Bob, à l’entrepôt il reste un robot de gardiennage qui pourrait nous être utile en cas de mauvaise rencontre avec les loups, nous devons l’emmener aussi.

— Pas d’objection, mon caporal, plus on est de fous plus on rit. Et Jeudi ?

— Encore avec Dora pour le moment. Tom, n’est pas dispo non plus si vous voulez mon avis, il avait l’air un peu dans les vapes quand même, il a besoin de récupérer.

— Sans doute. Laissons-le récupérer, vous avez raison. En route, mon ami.

En sortant leur regard fut immédiatement attiré par la lune, qui, toute pleine, éclairait la nuit d’une pâle lumière solaire, Bob le robot les précédait, une torche au bout de son bras d’acier, il ouvrait la route, Hector ne l’avait pas mis en fonctionnement automatique, si bien que le robot le questionna déjà sur la marche à suivre.

— Tout droit pour le moment Bob. Me suivre bientôt

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Janin durant la journée n’avait pas eu à déplorer de présence ennemie. Il avait fait des allers-retours entre l’hôpital et la grotte, reprenant ensuite son poste de surveillance. Janon avait emmené Peter en fauteuil à la petite fontaine où ils avaient pu se laver, le garçon en état de semi somnambulisme. Il était resté dans une relative inertie tandis que Janon l’aspergeait d’eau : toujours nu comme un ver, il s’éloigna ensuite pour uriner contre un tronc d’arbre et revint pacifiquement auprès de la jeune fille, dans un silence total, celle-ci remarqua avec soulagement qu’il ne marchait à l’aveugle qu’en apparence. « C’est déjà ça, Peter. Tu marches  et tu as l'air de savoir où tu mets les pieds. En cas de fatigue, reprends le fauteuil. »

— Le fauteuil pour Janin, répondit-il

Janon respira à fond, remercia le ciel en un réflexe instinctif avant de se rappeler qu’elle n’était pas croyante et répondit que le fauteuil était trop haut pour elle, "veux-tu me porter, comme le fait Janin… sur tes épaules ? À moins que tu ne  me mettes sur le ciel, sur le siège je veux dire."

Le regard de Peter ne s’éclaira pas ; inconscient de sa nudité il prit lentement la direction de la grotte sans se soucier d'elle. Elle se demanda ce qu’allait faire ce fichu fauteuil sans son hôte, c’est alors qu’il clignota et articula quelques sons, Janin tendit l’oreille, le robot répéta sa question.

— Démarre ! lui ordonna-t-elle

Il les suivit à une distance respectueuse. Elle maugréa "On en est réduit à parler aux fauteuils maintenant." Janon médita sur les subtilités de la technologie, qui allaient toujours croissant. La magie qu’exerçait son père, bien qu’illusoire pensait-elle, était moins angoissante à ses yeux que celle de la robotique, où des objets tellement hétéroclites obéissaient sur commande, agissant parfois aussi sans même recevoir un ordre quelconque. Néanmoins elle reconnut que ce fauteuil rendait de vrais services, il leur avait permis de ramener Peter sans encombre et éclairait même la grotte, Janon pensa qu’elle pourrait aussi lui faire accomplir des corvées d’eau si Peter daignait se donner la peine de poser le récipient sur le siège. À moins qu’un système de levier ne soit intégré, pourquoi pas, "ce fauteuil à mon avis doit receler d’autres fonctions, il aurait des bras articulés que cela ne m‘étonnerait pas."  Elle pensa à Hector, cette chose  était-elle l’une de ses inventions ou les Bléassenghs s’étaient-ils fournis chez Le Noble ? Si l’objet, respectable en soi, admit-elle, avait été fabriqué sur place, alors c’était un retour à l’envoyeur. "Une fin de non-recevoir… par défaut d’intérêt." murmura-t-elle. L’expression la fit sourire, lui rappela Peter à qui elle ne prêtait plus attention depuis une minute. L’individu la devançait nonchalamment tandis qu’elle trottinait derrière lui "Je suis éblouie, Peter, s’exclama-t-elle, je vois ton postérieur. Pour bien, il faudrait retourner à la Fontaine, prendre les habits que j’ai nettoyés, mon ami. Je ne sais plus où j’ai la tête, j’aurais dû y penser, toi aussi d’ailleurs!" Il continua sa marche, indifférent, voyant cela Janon gronda : "Ce serait bien d'obéir comme un robot parfois, les robots sont moins fatiguants que les somnambules à ce que je vois, tu m’entends Peter ? »  

Survint Janin, il poussait un petit caddy dont le format était ajusté à sa taille, il était rempli de diverses choses, alimentaires et autres.

— Que vois-je Peter ! Réprimanda-t-il, il faut t’habiller garçon ! J’ai pensé à vous amener quelques frusques que j’ai trouvées ça et là dans les ruines de l’hôpital. Stop, nom de dieu ! »

Le fauteuil s’était déjà arrêté quand Peter se retourna enfin. Il sourit faiblement en regardant arriver vers eux, ce petit homme, une mésange sur l'épaule. 

— Je t’avais dit qu’à nous deux nous arriverions à quelque chose dit Janin à l’adresse de l'oiseau. Bon alors, tu le mets ce slip. 

La mésange zinzinula de plus belle, une petite lueur s’était allumée dans les yeux du garçon qui s’exécuta sans plus tarder. 

— Tu n’as pas vu le marchepied, Janon ? Peter t’a fait place libre, tu aurais pu monter seule sur le siège fille de la lune… si futée d’ordinaire.

Ils rirent, Peter sourit de nouveau, tandis que la mésange au gazouillis léger voletait autour d’eux, elle s’était posée sur la tête de Janon, pour la raison expresse, semblait-il de les amuser.

— C’est une animatrice hors pair. Tiens ma belle, tu mérites un petit poème. 

Janin réfléchit une seconde et récita tout à trac : 

— « L’espèce humaine, comme les autres races d‘animaux sociables, a ses instincts, ses facultés innées, ses idées générales, ses catégories du sentiment et de la raison : les chefs, législateurs ou rois, jamais n‘ont rien inventé, rien supposé, rien imaginé ; ils n‘ont fait que guider la société selon leur expérience acquise, mais toujours en se conformant aux opinions et aux croyances. » 

— Jean de la Fontaine ! s’exclama Janon

— Prudhon, ma fille. D'après lui, il ne faut pas se conformer aux croyances vois-tu. Pas de dogmatisme voilà ce qu’il veut dire. Hors ma magie ne repose en rien sur des dogmes, elle ressort de l’instinct, elle est animale, et elle survient lorsque je suis le roi des animaux, comme aujourd’hui.

— Allons plutôt nous restaurer père. Demande à la mésange bleue ne ne pas me faire caca sur la tête, si tu veux bien.

— Mais elle ne s’aventurerait pas à cela, je la connais, elle est grâcieuse comme tout. Tu vois, tu l’as vexée ! la voilà partie !

— Au-revoir ! Lui dit Peter

Là-dessus, ils s 'étaient dirigés d’un pas plus alerte vers la grotte toute proche.

19/08/2012

Le rêve (Les Marcheurs)

...Tous deux se regardèrent, ravis de les savoir en vie mais sceptiques, pourquoi n’avaient-ils reçu depuis aucune nouvelle de Janin, pourquoi ne s’était-il pas rendu à la Corne d’abondance ? depuis il serait déjà arrivé chez eux, en compagnie des deux lascars. Peter lui avait-il causé un problème, à moins que les loups, sans les robots de gardiennage, les eussent attaqués s’il n’était pas muni de l’appareil…

— C’est oublier que Janin sait se faire comprendre des animaux. Il sait communiquer avec eux. Je l’ai vu en pleine action, il émet des sons, il les regarde d’une certaine façon, les bêtes finissent par se laisser toucher. Ce ne sont pas des blagues. Les dons, cela existe… proféra le docteur Dross

— Ce silence ne lui ressemble pas, Peter a dû avoir un problème sérieux. Allons voir comment va Odette.

Hector et le docteur Dross montèrent à l’étage où elle se trouvait. Comme de bien entendu ils la trouvèrent endormie.

— je pense qu’elle a besoin de ses rêves, surtout en ce moment. Là aussi, il faut attendre. Déclara le docteur Dross. Les deux hommes décidèrent de redescendre.

Odette rêvait en effet. Elle avait retrouvé la Louradie, et était en consultation chez un dentiste qui n’était autre, dans la vie réelle, que le gynécologue qui l’avait soignée à l’époque. Tout se passait cordialement, Odette était en confiance et le dentiste réciproquement. Elle s’en alla ensuite en bicyclette par les rues d’une petite ville qu’elle avait très bien connue au vingtième siècle mais dont elle avait quelque peu oublié la topographie dans le rêve, ce qui expliquait, selon la logique du rêve, qu’elle passât par des allées improbables, sortes de ruelles bordées de maisons fleuries, encombrées de pots de fleurs, un moment elle faillit heurter une petite remorque remplie de bouquets, elle se retourna et vit celle-ci quitter l’endroit, rattachée qu’elle était au vélo d’une cycliste qui venait de démarrer. Elle survola, toujours en bicyclette, un pont qui surplombait la ville, chercha des yeux un ami d’adolescence, vit un grand blond dégingandé flâner les mains dans les poches, l’ami en question étant brun elle continua à rouler et s’aperçut soudain de la présence d’un chat qui courait à une vitesse remarquable. Elle le reconnut, c’était Toto, affectueux il la précédait, prenait parfois beaucoup d’avance, l’attendait au coin des rues, elle le suivit, voulait le rattraper, avait peur de le perdre. Elle craignait tant de le perdre qu’elle en alluma le phare de son engin qui se mit à éclairer dans la nuit alors que le cher animal s’était éclipsé. Mais le jour revint bientôt et elle se retrouva chez une vieille dame qu’elle connaissait dans le passé. La dame fit mine d’être heureuse de la voir mais Odette percevait une certaine crispation sous-jacente, survint une femme et son mari, neveux de la femme, Odette les reconnut d’emblée, malgré le changement. Ils étaient très souriants, comme triomphants. De nombreux travaux d‘embellissement avaient été fait dans le jardin, il était agrémenté de deux piscines, de petits escaliers menaient à des terrasses en surplomb, tout un décor méditerranéen y avait été constitué. Odette laissa la famille à ses activités qui semblaient nombreuses et reprit sa balade en vélo, elle roulait par des chemins plutôt beaux, le chat réapparut, elle se rendit compte qu’il ne s’agissait pas de Toto mais d’un chat qui lui ressemblait, et qu’elle décida de ramener chez elle.

Elle se sentait heureuse, réconciliée avec elle-même. Hector et le docteur Dross faisaient bien en la laissant dormir. 

Cogitations (suite des Marcheurs)

Tom planait sur petit nuage, il n’avait plus son matériel de dessinateur à portée de main, ni sa guitare, voyant cela, un petit groupe d’astro-physiciens tenta avec succès de l’intéresser aux étoiles. Hector et le docteur Dross admirèrent sa capacité à tenir le coup, ils n’en blâmèrent pas pour autant Odette, qui de toute évidence s’était effondrée. Elle n’avait pas assisté aux préparatifs du repas, pas plus qu’elle n’y avait goûté et elle ne participait pas à la veillée en cours. Les deux hommes rejoignirent le cabinet du docteur Dross pour discuter de la situation. En ce qui concernait les Bléassenghs, il fallait attendre, jamais aucun coup de téléphone, en cas de problème n’avait donné de résultat avec eux, ils préféraient agir à leur guise et par surprise. Néanmoins le docteur Dross avait tenté de contacter le président du conseil régional, monsieur Todis, cela s’était soldé par un échec, le président Todis avait prétexté un séjour à l’étranger, à l’instar d’un certain Hector lorsqu’il avait voulu éviter la rencontre avec le chef de l’État et Le Noble. Dross avait ensuite décidé d’appeler Le Noble, dans le but, toujours, de faire libérer Peter et Janon. En contrepartie et à l’insu de ses amoureuses, Hector promettait de se rendre immédiatement disponible et d’intégrer sur le champ l’équipe de scientifiques que conduisait Le Noble. Le Noble, soudainement intéressé, avait promis de rappeler dans la soirée. Une nuit et une journée avaient passé sans que Le Noble ne se fût manifesté, silence de mort.

— Les négociations au téléphone, ça ne marche décidément pas avec eux. Il ne prend même pas la peine de rappeler. Mais que faire, on ne va tout de même pas lancer un assaut, ce serait perdu d’avance.

— Coup de fil ou pas tout semble toujours bloqué les concernant. Répondit Hector avec lassitude.

Le Noble choisit ce moment pour les contacter enfin, il leur annonça que les Bléassenghs avaient rendu Janon et Peter à celui qui était venu seul les réclamer en compagnie d’une meute de loups et qui leur avait fait forte impression, un dénommé Janin. Cela s’était produit durant la nuit d’hier, il n’avait pas réussi à raisonner Todis et Piéaumur leur dit-il, les édiles de Bléassengh, à la vue de cette gosse, Janon, avait été sans dessous-dessus, ils la prenaient pour la réincarnation d’une princesse que leurs ancêtres ont laissée sans secours quelques siècles auparavant. Le Noble semblait réellement mortifié et demanda à Hector de se présenter néanmoins au chef de l’État, qui de toute façon allait radier son équipe de l’effectif de la zone verte. Les deux compères usèrent de politesse, demandèrent à réfléchir encore avant de clore la conversation téléphonique. Tous deux se regardèrent, ravis de les savoir en vie mais sceptiques, pourquoi n’avait-il reçu depuis aucune nouvelle de Janin, pourquoi ne s’était-il pas rendu à la Corne d’abondance ? depuis il serait déjà arrivé chez eux, en compagnie des deux lascars. Peter lui avait-il causé un problème, à moins que les loups, sans les robots de gardiennage, les eussent attaqués s’il n’était pas muni de l’appareil…

 

— C’est oublier que Janin sait se faire comprendre des animaux. Il sait communiquer avec eux. Je l’ai vu en pleine action, il émet des sons, il les regarde d’une certaine façon, les bêtes finissent par se laisser toucher. Ce ne sont pas des blagues. Les dons, cela existe… proféra le docteur Dross

 

— Ce silence ne lui ressemble pas, Peter a dû avoir un  problème sérieux. Allons voir comment va Odette.

 

Hector et le docteur Dross montèrent à l'étage où elle se trouvait.