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18/08/2012

À l'affût des chasseurs ( suite des Marcheurs )

Bonjour lecteurs, je relis rarement Les Marcheurs, ce qui peut induire des petites incohérences dans le déroulement de l'histoire. À la faveur d'une hâtive relecture des derniers ajouts, j'ai apporté deux corrections au texte. Je vous rappelle qu'il s'écrit sans plan, ce qui rend pour moi l'expérience assez intérresssante. Bonne lecture ou relecture :

Une heure venait de s’écouler quand les loups se manifestèrent dans le lointain par des hurlements doux et plaintifs, Janin avait entendu leur conciliabules une demi-heure auparavant et en conclut qu’ils s’éloignaient vers le Nord, tous obliquaient vers les montagnes. Il prit la direction de la grotte aux ours, le fauteuil roulant de Peter le suivit automatiquement, respectant une distance de cinq mètres derrière le guide. Avant que Janon ne le questionne son père lui expliqua qu’il n’était pas question de se présenter à La Corne d’Abondance avec Peter. Ce serait le plus sûr moyen d’exaucer les désirs des Bléssenghs, Odette trop éprouvée recevrait, craignait-il, un tel choc que, d’une façon ou d’une autre, elle ne s’en remettrait jamais, la magie avait ses limites. Janon lui répondit que la magie pour elle se cantonnait au livre d’enfant, que son père, tout héros qu’il soit à ses yeux avait ses faiblesses, comme celle de faire survivre ce temps du merveilleux à travers la magie « soit ! lui répondit Janin, admettons que je veuille préserver ma part d’enfance pour réussir ma vie d’adulte. Admettons que le rationnel et l’irrationnel se côtoient en moi pacifiquement. À moins que dans le rationnel, il y ait de l’irrationnel… »

— ça va, père Janin, le sujet est clos, s’exclama Janon, mais je croyais qu’avant l’accomplissement d’un quelconque miracle, tu avais projeté de t’occuper des loups qui pourraient bien se faire tuer en masse d’ici pas plus d’une heure, si Le Noble organise sa battue aujourd’hui.

— Tu n’as donc pas compris ? Tu n’as rien entendu ?

Janin déposa sa fille, le fauteuil de Peter stoppa net, les deux s’en approchèrent. Ils plongèrent leur regard dans les yeux apparemment morts du garçon et en reçurent à nouveau un coup comme à chaque fois qu’ils s’y risquaient. « Tu as raison papa, il faut éviter cela aux parents. Je veux bien croire en ta magie si ça peut aider Peter. »

— Je ne suis qu’un petit chamane, pas très puissant. J’ai laissé la science me dévorer l’esprit un peu trop souvent, je suis un peu rouillé. Il va falloir attendre que quelque chose se produise avant de recourir à la magie.

— Pour en revenir aux loups, souffla Janon sur un ton interrogateur.

— Ils sont en train de passer de l’autre côté des montagnes. Ils migrent. La meute qui nous a accompagnés a averti les autres meutes du danger avant de passer de l’autre côté des montagnes. Apprends au moins à écouter le chant des loups Janin, ça n’a rien d’irrationnel cela.

— Les gueux sont à découvert dès aujourd’hui alors …

— Ils ont la protection des savants de la Corne d’abondance, Géraldine et Dora ont fédéré toute l’équipe autour d’eux. Les Bléassenghs n’apprécient plus vraiment leurs anciennes idoles mais Le Noble leur a interdit de s’en prendre à la vie d’un scientifique, c‘est maintenant une affaire d’État. Cela pourrait leur coûter cher malgré tout, s’ils s’attaquaient à l’un d’entre eux. Le Noble en protecteur machiavélique ! l’histoire est parfois ironique. 

Janin hissa Janon sur ses épaules et ils reprirent leur marche, le fauteuil se remit en marche de lui-même, laissant ses cinq mètres réglementaires derrière eux, il adaptait pour l’heure sa vitesse à l’allure du guide. Ce fauteuil robot devait être relié aux Bléassenghs qui savaient probablement où se trouvaient leur victime au mètre près, c’est aussi pour cela que Janin se détournait de là où les gueux bivouaquaient.

Janin réfléchissait à la menace constante que représentaient les Bléassenghs du fait de leur union dans leurs actions politiques criminelles ; les gueux et les chercheurs, pouvaient lui donner quant à eux quelques joies. La légende de la princesse représentait pour les Bléassenghs leur faille, pour Janin elle pouvait devenir source de magie, de rédemption possible pour cette peuplade cruelle, à condition qu’elle les touche concrètement. Les Bléassenghs maintenant qu’ils l’avaient relié à la légende par le biais de sa fille seraient réceptifs à sa magie, il pourrait donc agir sur eux parce qu’implicitement ils lui en avaient donné le pouvoir. Mais le chemin serait tortueux, il fallait attendre une autre occasion de mise en contact avec eux ; elle se présenterait, pensa-t-il avec amertume, sous un jour glauque, comme à l‘accoutumée. La chasse aux gueux qui traîneraient encore dans les parages allait commencer faute de loups à se mettre sous la dent. Janin décida de conduire au plus vite ses protégés à la grotte et de s’éloigner d’eux ensuite pour se mettre à l'affût des chasseurs.

suite des Marcheurs

Le reflux des gueux vers la Corne d’Abondance s’était fait assez rapidement grâce aux voitures que les scientifiques avaient mis à disposition, on finissait d’installer les tentes, regroupées dans un périmètre serré autour de la maison. Pas plus de quatre-vingt gueux se trouvaient là. Tout le monde avait compris que Janin avait tenté seul de délivrer Peter et Janon et le tenait pour prisonnier, ou déjà mort.  Odette était soudainement atteinte d’une narcolepsie qui la protégeait plus ou moins d’un stress trop intense, Tom tenait le coup et participait aux différents travaux d'intendance. Le soir arrivait juste, Dora, Géraldine et d’autres femmes ainsi que quelques hommes dressaient des tables dehors sur la grande terrasse, tandis que d’autres à la cuisine préparaient un potage dans quatre grandes marmites que l’on avait réquisitionnées pour l’occasion et faisaient des sandwichs. La Corne d’abondance portait bien son nom, on pouvait y résister à un blocus de plusieurs mois, grâce aux différents jardins que les gueux avaient entretenus avec soin, et aux trois champs qu’ils avaient ensemencés ; on avait pu faire une bonne récolte de blé l’an passé déjà. Parmi les loisirs des scientifiques de la communauté de la zone verte, l’atelier boulangerie était celui qui avait remporté tous les suffrages. À tour de rôle, les uns et les autres fabriquaient le pain avec la farine moulue sur place grâce à un moulin à l’ancienne qui faisait la fierté de tous. Les chercheurs et les nouveaux arrivés avaient bel et bien fini par constituer ici, au fil des années, un groupe humain original ; néanmoins, les enfants des savants, comme partout ailleurs dans les milieux intellectuels du vingt-sixième siècle, étaient très tôt envoyés dans les écoles plus ou moins proches qui les gardaient en pension. On ne voyait sa jeune progéniture qu’en fin de semaine, ensuite plus les études se poursuivaient, plus les visites s’espaçaient dans l’année, seules les grandes vacances étaient consacrées à la famille proprement dite. La Corne d’abondance était donc habitée essentiellement par des adultes et quelques enfants en bas-âge. L’intendance était maintenant essentiellement assurée par les gueux, les robots avaient été de plus en plus souvent simplement expérimentés avant d’être relégués dans un entrepôt attenant, seuls ceux qui étaient programmés pour le service hospitalier et le gardiennage de la forêt avaient été retenus. On sait quel sort leur réserva Le Noble et ses hommes. À la Corne d'Abondance, on  évitait d'utiliser les robots durant les heures "oisives", on leur préférait de loin  les activités manuelles de détente, considérées comme un luxe et un loisir, mais qui faisaient partie intégrante d'une sorte de mode de vie original, propre aux habitants de la zone verte. La ruche bourdonnait donc dans le soir tombant sans que l’on ait encore établi une stratégie particulière hormis le rassemblement des gueux autour de la maison, lesquels pouvaient y entrer, si les choses tournaient mal. Les chercheurs s’étaient constitués en bouclier humain presque spontanément, les quelques paroles de Géraldine ou de Dora avaient suffit. Odette atteignit péniblement la chambre Prune, s’affala sur le lit déjà à moitié endormie et fit ce rêve étrange : elle évoluait en pays inconnu, dans un siècle indéterminé, entourée de connaissances datant du collège, elle se trouvait dans un hôpital,  alitée dans une salle remplie de patients dans la même condition, sans doute en raison d’une opération bénigne. Les choses suivaient leur cours quand soudain, un homme au comportement étrange fit irruption dans la salle commune. Il se présenta en tenue d’infirmier devant le lit du premier patient, lui ligota le poignet droit au tube en arcade métallique qui constituait la tête du lit, puis à l’aide d’une simple ceinture de tissus, le frappa symboliquement au niveau des jambes, la salle devait compter une trentaine de lits, les autres patients, subjugués par la scène, ne comprenant rien, se contentaient de regarder. Odette le vit passer son lit, comme s’il ne l’avait pas vue et continuer son manège de patient en patient jusqu’au moment où l‘un d‘eux se décide à dénouer de sa main libre le nœud qui maintenait son poignet à la monture de lit et se lève en grondant «  Nous n’allons quand même pas nous laisser faire comme ça par cet individu, déliez-vous, il faut l’arrêter. » le faux infirmier prit dans une poche intérieure de sa blouse un pistolet, visa la poitrine du jeune protestataire, et tira.  la victime tomba et continua de protester, allongée sur le sol ; voyant cela, le tueur approcha une poubelle qui se trouvait à proximité, et y balança le jeune homme, il ajouta ensuite le couvercle. Tout le monde était paralysé par la peur, après les cris s’établit un silence funeste. La main de chacun qui était restée libre ne s’aventura pas à libérer l’autre. L'individu sortit, on sentait qu’il n'allait pas tarder à revenir, ne serait-ce que pour vérifier la  "bonne conduite"  de ceux qu’il tenait sous sa coupe. Un moine tibétain s’introdusit alors comme une ombre dans la salle et accosta en catimini le lit d’Odette, il lui lia le poignet, en murmurant qu’elle devait se ligoter  elle-même  au besoin, si elle voulait survivre. Le moine s’en alla. La dormeuse le vit s’éloigner dans la cour, il s’agissait de la cour du collège qu’elle fréquentait dans son enfance. Elle se réveilla, la ruche bourdonnait, les fumets du potage lui chatouillaient les narines,  son esprit s’éloigna pourtant de cette présence rassurante, un noeud serra sa gorge, elle se rendormit bientôt.

09/08/2012

Chemin faisant (suite Les Marcheurs)

Janin retraversa la forêt, en compagnie de sa fille qu’il avait hissée sur ses épaules, le fauteuil de Peter se téléguidait aisément de lui-même, ce genre de robot porteur, avait l’aspect d’un fauteuil roulant au design perfectionné, les Bléassenghs en possédait sans doute un grand nombre de cette facture pour leur population vieillissante dont on ne voyait pas l’ombre d’un spécimen, Janin imagina des institutions cachées, où l’on accédait par des chemins dérobés, comme ce fut le cas pour leur base hospitalière. À la différence que les Bléasenghs n’étaient pas contraints de se cacher, ils le faisaient par choix. Un choix tout relatif, se dit Janin, tributaires des apparences comme ils l’étaient. Le point faible de leur cuirasse, était leur respect des chiens qui s’apparentait au respect de soi chez eux. L’amour que Janin portait aux animaux avait pris source ailleurs, ce n’était pas le même, les attitudes étaient donc différentes. lui n’aurait pas détourné les chiens de leur maître comme l’avaient finalement fait les Bléassenghs s’agissant des gueux. Ceux qui n’avaient pas eu la bonne idée de quitter la ville devaient maintenant se trouver en prison, probablement moins bien traités que les canidés qui remplissaient désormais les chenils. Des loups aux chiens il n’y avait pas grande différence, chemin faisant Janin se mit en tête de capturer  quelques-unes de leurs bêtes pour tenter de les mettre en contact, petit à petit, avec des loups. Un Bléassengh ne tue pas de chien, cette bête est sacrée chez eux comme les vaches en Inde. Il y avait sans doute quelque chose à creuser de ce côté-là, à exploiter le plus vite possible pour aider les loups. "Pas de chasse aux loups, sans les chiens" murmura-t-il. Dès la nuit suivante, Janin retournerait à Bléassengh, s’il n’était pas trop tard. Cette résolution prise, il chercha le regard de Peter, mais ne vit que ses yeux éteints. 

— Si tu chantais quelque chose pour Peter Janon.

— Chante si tu veux, papa, ça ne me dérange pas.

— On va plutôt écouter l’aube se lever, décida Janin. Le chant des oiseaux Peter l’entendra sûrement mieux qu’une voix humaine pour le moment. Les loups s’en sont allés sinon je leur aurait demandé un petit air comme tout à l’heure.

— Je suis sur les épaules d’un géant, dit Janon en respirant la bise parfumée que les feuillages insufflaient à cette heure.

— Je porte une princesse, remercia-t-il 

Ils continuèrent le chemin à l’écoute de cette forêt que la cupidité des hommes rendraient vulnérable si l’on n’y prenait garde mais que les animaux continuaient inlassablement de régénérer, dans un cycle de vie et de mort qui ne demandait qu'à se perpétuer.