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17/03/2012

Laïque ou pas

Bonté et dignité vont ensemble, sinon ce n’est que de la dignité d’apparat. Or, la bonté, celle dont on fait preuve vis-à-vis des innocents ou des demandeurs de tout poil, équivaut parfois aussi, et même assez souvent, à savoir dire non. Ceux qui savent la garder en eux sur le long cours, les religieux les appellent des saints et parfois des martyrs. La complexité de la nature humaine étant ce qu’elle est, certains hommes peuvent se montrer extrêmement généreux vis-à-vis de ceux qu’ils estiment être leurs semblables et ignobles vis-à-vis d’autres hommes, qui ne leur ont rien fait, et dont ils ne reconnaissent même pas l’humanité. Il y a des témoignages qui tendent à montrer combien les choses sont potentiellement réversibles de l’humain à l‘inhumain chez un même homme. De grands résistants de la seconde guerre mondiale qui avaient héroïquement combattu la folie et la hargne des nazis pratiquèrent la torture durant les guerres suivantes, d’Indochine et d’Algérie. À une autre époque, Gilles de Rais, héroïque compagnon de Jeanne d‘Arc, se fit le triste parangon de cette réversibilité possible toujours redoutable quand elle va dans le mauvais sens, lui qui employa son oisiveté au massacre d’enfants, sans distinction d’appartenance pourvu qu‘ils soient le plus vulnérable possible. La bonté, si elle est en germe évident chez le petit enfant, est souvent perdue au détour de désillusions ou d’illusions qui ne tardent pas à les envahir, et ne revient qu’au prix d’une maturation plus ou moins lente selon les individus et leurs expériences. Qualité magnifique, quel que soit le contexte, laïque ou pas, dans lequel elle se manifeste. 

 

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Décalage

Nous avons trop souvent un train de retard sur l'histoire. Dans vingt ans ou peut-être plus, de jeunes journalistes et historiens diront : "Pourquoi ne creusait-on pas de puits en Afrique dans les années 2010, alors que c'était tellement urgent de remédier au manque d'eau. Les famines qui découlèrent de la sécheresse provoquèrent l'exode de nombreux africains..." Ce sera la grande question, comme on se demande encore pourquoi aujourd'hui les alliés, durant la seconde guerre mondiale, n'ont pas bombardé les lignes de chemins de fer qui conduisaient aux camps de concentration, etc.  

04:46 Publié dans Note | Lien permanent | Commentaires (0)

15/03/2012

Les rives

C’était un matin sans pluie ni soleil. La végétation encore ratatinée en ce début du mois de mars laissait s’imposer le gris, celui de l’eau du canal, miroir éteint aux ondulations verdâtres, celui du ciel, du bitume des étroits chemins de halage, un gris aux nuances noyées dans l’uniformité de sa masse, qui mettait au placard les rares promeneurs. Il y avait ce matin là, un jeune homme qui marchait d’un pas rapide le long de la berge en poussant un caddy vide, il était accompagné d’une personne falote à force de passer inaperçue, comme le sont les caniches et les ombres pour les observateurs distraits. Sur l’autre rive, une femme passait en vélo. L’homme donna de la voix, une voix de basse puissante et prononça des paroles abruptes. Des mots où rien ne vibrait qu’une sorte d’indignation spontanée, mais qui opérèrent une trouée, une aération du placard, et brisèrent l’inertie, la torpeur des alentours : « Hé ! cria-t-il Hé ! I love you ! Je t’aime ! J’vais t’violer ! » La cycliste se retourna et vit la haute silhouette baraquée de l’homme-enfant au caddy vide, à ses côtés elle crut voir trottiner un enfant. Elle eut sans doute la sensation d’une maladresse atavique des pauvres, accéléra par envie de tranquillité, continua un moment, tourna à droite par deux fois et finit par tomber sur le promeneur au caddy qui lui opposa un visage fermé, comme si la marche monotone l’avait fait se perdre dans un mauvais rêve. Il l’ignora complètement, il avait déjà oublié l’injure de tout à l’heure, lancée à la paralysie ambiante des choses, à ce qui lui avait semblé être un estomac plein en train de péter dans la soie.