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20/02/2014

Le rêve

Je pense que d'avoir lu Un mauvais rêve de Bernanos avant de m'endormir a provoqué ce rêve douloureux. Le génie de cet auteur  est parfois un boxeur qui n'épargne personne, du simple fait sans doute de traiter des thèmes lourds :  son héroïne a pour obsession de tuer une petite vieille, certes, très "tatie Danièle", c'est-à-dire banalement méchante comme beaucoup de petites vieilles dans le Nord de la France et en Belgique (j'ai dit, beaucoup, pas, toutes),  mais c'est quand même insupportable à la longue,  (je parle évidemment du crime traité par Bernanos dans son roman) enfin, lourd à force d'être ténébreux et perspicace à la fois en somme. Bizarre que la petite vieille dame se soit transformée dans mon rêve en beau jeune homme blond. Voici le rêve : 

       

Je me promenais dans la ville de Béthune, dont je ne dirai pas que c'est "ma ville" en référence à je ne sais quoi, des racines par exemple, non. Aucune ville n'appartient à quiconque et c'est pour cela qu'on y respire.

 

Je m'y promenais et je me fais soudain cette réflexion en voyant couchée au milieu d'une grand-place une colossale statue-automate, moitié l'une et l'autre, que Béthune recelait des monuments inouïs dont je n'avais pas remarqué la présence auparavant. Dans les bras la statue automate à ses heures tenait une sorte de miroir servant à fournir des renseignements météorologiques, et autres choses plus profondes sur le cosmos. Un miroir rectangulaire qu'à des horaires précis, la statue, se mettant debout, soulevait vers le ciel qui s'y  reflétait. Elle portait un chapeau arborant une plume, tel un mousquetaire, mais c'était bien à Béthune que je me promenais et non en Gascogne.

 

J'arrive au moment où la statue se met en branle avec son trophée qu'elle va lever au ciel. La mer semble s'y refléter bientôt. Plume au vent,  cette statue de Dartagnan m'inquiète, je me demande si le géant au chapeau panaché ne va pas sortir de son rôle, et, à contre-courant de la vie, aller assassiner quelqu'un.

 

Plus loin j'entre dans une colossale maison "hausmanienne",  au détour de la traversée des salles qui se succèdent, je vois des musiciens. Ils m'amusent. Ils poussent de grandes envolées vocales, je suis aussi contente qu'une Alice au pays des merveilles, mais bientôt j'en vois trois s'empoigner. Deux ont le dessus sur un qu'ils tentent d'étrangler. Je suis scandalisée. L'homme victime me regarde avec des yeux poignants, une ceinture autour du cou. Je sors. Quel est le nom de cette immense boulevard de Béthune, qui m'était jusqu'ici inconnu ?

 

Il faut que je téléphone... je suis dans un temps où les portables n'existent pas, je dois trouver un commissariat dans cette ville que je ne reconnais plus. Quelqu'un veut m'entraîner loin des lieux où j'ai été témoin de cette scène  "Tu te rends compte ? Ce sont des gens dangereux. Tu as été témoin de leur crime, il faut fuir, te cacher" me souffle-t-il, mais le regard  de l'homme qui s'est fait attaquer m'interpelle, je meurs si je ne dis pas au premier flic venu ce que je viens de voir.

 

Et comme vous vous en doutez, je me réveille là-dessus.

 

 

 

07:48 Publié dans Note | Lien permanent | Commentaires (0)

19/02/2014

le catcheur et le poète

Je suis allée relire des bribes de l'interview de Joyce Carol Oates pour retrouver de quel poète elle parle vers la fin. Il s'agit de William Butler Yeats, dont elle dit qu'elle a appris par cœur son poème intitulé "To a friend whose work has come to nothing" ....  une pensée pour le grand bosseur  et explorateur Wallace dont j'ai appris la  mésaventure il y a peu dans Englistown, l'homme, vous savez, que  Darwin zappa alors que Wallace voulait partager ses connaissances avec lui. 

 

Bref, je vais chercher le poème que mentionne Joyce Carol, je le trouve sans problème, et, voulant vérifier le sens d'une expression, je vais dans le moteur de recherche que vous savez et tombe alors sur des propos tenus par un catcheur anglophone : John Cena. John Cena, comme Lino Ventura, est aussi acteur. Les propos de Cena ne sont pas mal non plus mais lui fait référence à Muhammed Ali.

 

Catcheur et poète croisent leurs mots ici,  vous trouverez facilement le poème de Yeats, je mets donc les propos de John Cena :

 

 "I never thought of losing. But now that it's happened the only thing to do is to do it right. That is the obligation to those who believe in me. We all take defeats in life. Those are famous words from the great Muhammed Ali. Now tonight you guys have seen various clips of various things that I've said on this road to WrestleMania. And I'll be quite honest: I've talked. I've talked a lot. I've talked so much that anybody else in my shoes right now would be making excuses, backtracking, saying that it wasn't their fault. That is not me. That will never be me. I meant every single thing that I said. I meant it then, I mean it now. There is not one second in the year long built up to WrestleMania, that I ever thought that I was going to lose. Because if you think like that, then, my friend, you have already lost. But no one goes undefeated in life. And a true champion retains the will to win even through their most disappointing loss."

 

 du mental bien envoyé ma foi, une prose qui ne boxe pas autant que celle de Bernanox qui tient de la boxe à réveiller les morts, mais Céna se défend bien.

 

14:11 Publié dans Lecture, Note | Lien permanent | Commentaires (0)

"Névropathe, anxieux, fugueur, et quoi encore ?"

Un extrait du roman Un mauvais rêve, de Bernanos. Où Ganse, l'écrivain à bout, parle de ses angoisses à son ami et lecteur, le docteur  Lipotte :

 

"Depuis un moment, Ganse n'opposait plus à son subtil bourreau qu'un visage défiguré par la rage et par la peur.

 

— Névropathe, anxieux, fugueur, et quoi encore ? Ils se détruiront l'un par l'autre ? A moins qu'ils ne me détruisent d'abord ! Je suis dans une maison de fous, gémit-il.

 

— Ne dîtes donc pas de bêtises, fit Lipotte en haussant les épaules. Est-ce qu'un peintre de la société contemporaine devrait parler ainsi ? Allons donc ! Jadis les religions recueillaient la plupart de ces types, c'est une justice à leur rendre. Sous l'uniforme on ne les reconnaissait plus. Astreints à une même discipline et à des exercices évidemment empiriques, mais assez ingénieux, ma foi, ils harassaient leurs confesseurs pour la plus grande tranquillité des normaux, qui sont, après tout, l'exception. Aujourd'hui le médecin est débordé, laissez-lui le temps de faire face à une tâche colossale, que diable ! Saperlipopette ! Vous vous payez des abattoirs d'hommes — dix millions de pièces débitées en trois ans — des révolutions presque aussi coûteuses, sans parler d'autres divertissements, et vous voudriez en même temps fermer les églises et les prisons... Une maison de fous ! Et après ? Cher ami, des livres comme les vôtres ont, aux yeux du modeste observateur que je suis, une immense portée sociale. En attendant que nous soyons, nous autres médecins, en état d'assurer un service indispensable, la récupération des errants, des réfractaires, votre œuvre leur ouvre un monde imaginaire où leurs instincts trouvent une apparence de satisfaction qui achève de les détourner de l'acte. Parfaitement ! vous déchargez des subconscients qui sans vous, et si faible que soit leur potentiel efficace, finiraient par exploser, au plus grand dommage de tous. Tenez, la comtesse par exemple... Dieu sait ce dont une telle femme eût été capable ! Mais la voilà maintenant, grâce à vous, hors d'état de nuire à qui que ce soit, sinon à elle-même peut-être, et encore ! Je le disais l'autre jour à François Mauriac : les doigts de Thérèse Desqueyroux ont délié plus d'une main déjà serrée autour de la fiole fatale...

 

Il répéta deux fois la phrase avec une satisfaction visible.

 

— Vous croyez ? dit Ganse. C'est que je me méfie de Simone... Tout à l'heure encore elle a prononcé devant moi des paroles bizarres...

 

— Quelles paroles ?...

 

— J'hésitais à vous les rapporter, balbutia l'auteur de L'Impure. Et d'ailleurs je ne me les rappelle pas exactement. Il s'agissait du dénouement d'un livre auquel je tiens beaucoup, et que je n'arrive pas à finir. Bref...

 

La sonnerie du téléphone venait de retentir, et Ganse appuya distraitement l'écouteur à son oreille.

 

— Philippe vient de se tuer, dit-il tout à coup, tournant vers Lipotte un visage livide."

 

Bernanos

 

 

Bernanos confronte sa lucidité de "poilu", (mot  désinvolte, trop, mais que tout le monde comprend),  à la  froide analyse du docteur Lipotte, glacial à force d'insensibilité : "Vous vous payez des abattoirs d'hommes — dix millions de pièces débitées en trois ans ..." C'est énorme, de quoi déclencher un rire de saturation chez le lecteur. Mais en même temps, la lucidité, non pas de Lipotte — parce que sa froideur et ce qu'il envisage à terme comme résolution pratique  le discrédite — cette lucidité de Bernanos, à ce passage du moins, fait beaucoup de bien. 

 

 

  

08:59 Publié dans Lecture, Note | Lien permanent | Commentaires (0)