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22/10/2013

Lu ce matin dans La Zone

"... Bardamu s'enfonce volontairement dans la nuit alors que Suttree, selon le très beau mot que Faulkner adressa à sa nourrice noire lorsqu'elle mourut, endure, se tient droit :
«Ce n’est pas seulement dans les ténèbres de la mort que toutes les âmes ne sont qu’une seule et même âme.
De quoi te repentirais-tu ?
De rien.
De rien ?
D’une chose. J’ai parlé avec amertume de ma vie et j’ai dit que je prendrais ma propre défense contre l’infamie de l’oubli et contre sa monstrueuse absence de visage et que je dresserais une stèle dans le vide même sur laquelle tous liraient mon nom. Cette vanité je l’abjure tout entière.» Et puis demeure, bouleversante, une véritable fraternité des ébranlés, une communion des saints, donc des pécheurs, dans Suttree, qui aurait étonné, voire sûrement choqué l'altier Céline, peu préoccupé, du moins dans sa littérature, de faire étalage de bonté : «La nuit dans le lit en fer tout en haut de la vieille maison de Grand il restait éveillé et entendait les sirènes, clameur solitaire dans la ville, dans les rues vides. Il gisait dans sa chrysalide de ténèbres et ne faisait aucun bruit, partageant sa peine, parcelle après parcelle, avec ceux qui baignent dans leur sang au bord de la grande route ou sur le sol des tavernes jonché de verre ou dans une prison, menottés. Il se disait que même les damnés de l’enfer ont une communauté de souffrance et pensait que semblablement il saurait estimer un chagrin nominal chez les vivants comme sont pesés à la métairie désastre et ruine selon des lois d’une équité trop subtile pour être prédite.»
Il faut parler, à propos des romans les plus aboutis de McCarthy (dont, incontestablement, le très violent Méridien de sang est l'épure) d'un véritable élargissement, la prose magnifique du romancier américain devenant grosse d'un mystère qui la dépasse mais devant lequel elle ne désespère point. On dirait que Céline, de rage, détruit ce qu'il ne peut ou veut comprendre. McCarthy ne se couche pas ni ne cille devant le sombre spectacle de l'horreur : il se tient debout devant elle et consigne minutieusement chaque élément de la scène, cadavres en putréfaction, bagarres inouïes, cannibalisme, tueries abominables, lâchetés insignes, sabbats autour des feux sorciers. Contrairement à nos maigres bavards qui se gargarisent d'un paganisme approximatif coupé à l'eau plate d'un catéchisme de Procure et chiquent puis recrachent, à la demande des pions aisément choqués, un Christ verdâtre qui n'a plus qu'une fort lointaine parenté avec celui des Évangiles et ressemblerait plutôt à la pâte molle et versicolore de quelque sucrerie gluante sucée par un Lautréamont en culottes courtes, McCarthy ne s'embarrasse pas de méandreuses circonlocutions prétendant épuiser l'indicible ou son contraire, l'ineffable. McCarthy écrit."

11:04 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

21/10/2013

Lecture du jour

Au hasard des blogs.

 

D’un point de vue politique, je suis assez d’accord avec l’auteur de ce blog : http://leblogducastor.hautetfort.com/

 

Côté poésie, je trouve l’auteur de blog-ci en plein dedans : http://daniel.hautetfort.com/

 

Merci à eux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

09:32 Publié dans Lecture | Lien permanent | Commentaires (0)

Rabat

Je m'étais promis de lire l'article de Télérama intitulé Leur ville, leur rêve. J'ai lu ce qui concernait la première ville : Rabat. Intéressant cela va sans dire. La personnalité insaisissable de Lyautey, par exemple : "c'est un personnage complexe et attachant, érudit, coléreux, bourré de contradictions. Alors qu'il est capitaine il ose prendre la défense du capitaine Dreyfus. Catholique fervent, il confesse son admiration pour la religion musulmane. Aristocrate dans l'âme, il possède une vraie fibre sociale. Royaliste assumé, il sert la République. En France sa situation serait intenable. Au Maroc dont il tombe amoureux, il donne son meilleur. Aujourd'hui encore, dans la casbah des Oudaïa, Ibrahim, jeune guide touristique autoproclamé mais plutôt pertinent, parle de lui en disant "Le Protecteur". Plus loin, toujours à propos des personnages qui construisirent la nouvelle Rabat de l'époque coloniale, en passe aujourd'hui de se déliter :"Mais le plus talentueux, qui sévira à Rabat jusqu’à sa mort, en 1952, c’est Adrien Laforgue, frère du poète Jules Laforgue : sa gare, en plein centre-ville, est un chef-d’œuvre d’épure, et sa cathédrale Saint-Pierre, un surprenant objet arabo-gothique d’une grande modernité…" Une question se pose tout de même : que penseraient les français si d'un coup de géniaux architectes chinois ou africains  leur imposaient des chefs-d'oeuvre ? Ne se poseraient-ils pas la question de la contrepartie ? Quelles conséquences morales de part et d'autre au niveau des rapports de domination ? Après de si belles "tribulations artistiques", qui seront les oubliés de l'histoire ? Les grands édifices sont si ingénieux qu'ils recèlent aussi des oubliettes. J'ai aimé visiter les églises et les cathédrales et j'en visiterai sûrement encore à l'occasion, ainsi peut-être, dans d'autres vies,  que les temples bouddhistes du Cambodge, les pyramides d'Egypte, il y a tant de génie là-dedans. Les plaines balayées par les vents sont habitées elles aussi paraît-il, et les génies qu'on y rencontre ne seraient  pas toujours très fréquentables. Il faudrait se laisser aller à la confiance et croire que ceux qui ont élevé ces édifices seraient des "protecteurs" comme dit Ibrahim à propos de Lyautey, se laisser aller à une certaine candeur reposante et peut-être bien salvatrice, mais c'est de moins en moins évident parfois. Dans le très beau, il y aurait de la laideur cachée et inversement...du sortilège pas forcément Bernanosien...

09:11 Publié dans Lecture, Note | Lien permanent | Commentaires (0)