17/07/2011
Danse sur la musique du temps
"Fénelon, comme plus tard son disciple Chateaubriand, tenait le peintre Nicolas Poussin pour un maître spirituel. Il lui a consacré deux de ses Dialogues des morts, et la conversation de Poussin avec Parrhasius, le peintre ancien, et avec Léonard, le peintre moderne, telle qu'il l'a imaginée, est l'un des sommets de la littérature d'art. Pour trouver la clef de la philosophie du temps humain implicite dans l'éducation du duc de Bourgogne, et dans l'enseignement dispensé par Mentor à Télémaque, il faut s'adresser à Poussin, et à deux de ses plus singuliers tableaux : La danse sur la musique du Temps et Les Bergers d'Arcadie."
Marc Fumaroli Chateaubriand Poésie et Terreur p. 228
"Felix qui potuit rerum cognoscere causas Atque metus omnes et inexorabile fatum Subjecit pedibus, strepitumque Acherontis avari !" Virgile
Danse sur la musique du Temps : http://www.henrydarthenay.com/article-19421685.html
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12/07/2011
Dialogues des morts - extrait
Dans ses dialogues des morts composés pour l'éducation du duc de Bourgogne, Fénelon avait imaginé ce dialogue entre Achille et Ulysse au royaume des ombres :
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Ulysse : « Bonjour, fils de Thétys, je suis enfin descendu, après une longue vie, dans ces tristes lieux, où tu fus précipité dès la fleur de ton âge. »
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Achille : « J'ai vécu peu, parce que les destins injustes n'ont pas permis que j'acquisse plus de gloire qu'ils n'en veulent accorder aux mortels ».
Mais la colère et l'aveuglement qu'Ulysse reproche à Achille valent largement les ruses et les tromperies trop humaines dont Achille fait reproche à Ulysse. Fénelon enseigne à son élève que nul n'est complet, ni parfait, que chacun a sa pente parmi les humains. Pour le grand éducateur chrétien, la jeunesse semi-divine d'Achille, sa splendeur brève et sa fécondité de gloire, ne sont qu'une illusion vitale, comme celle qu'il a réussi à dissiper chez son coléreux et orgueilleux élève, le roi de France de demain. Pour l'auteur du Génie du Christianisme et des Mémoires, ce sont les souffrances de sa jeunesse qui ont retenu son héroïque illusion vitale de nourrir l'orgueil que Fénelon condamne chez Achille. Elles ont fait de lui non un affolé de pouvoir, mais un poète.
Chateaubriand Poésie et Terreur Marc Fumaroli
Rien à voir avec ce qui est mis en ligne précédemment ; une lecture du jour où l'on s'aperçoit que le sort injuste se pointe aussi là où l'on s'en croit protégé :
"Paralysée du côté gauche et extrêmement affaiblie à la suite d'une lourde opération du cœur, l'enseignante avait glissé du siège où les soignants l'avaient portée après sa toilette matinale, la station assise permettant d'éviter la fonte des muscles. Censé la maintenir à son fauteuil, le drap passé autour de son buste s'est alors transformé en garrot. Victime d'un arrêt respiratoire, elle est inconsciente lorsqu'elle « est trouvée par hasard », si l'on en croit les termes qui figurent sur le compte rendu rédigé par le service de réanimation de Haut-Lévêque."
http://www.sudouest.fr/2011/07/08/elle-meurt-etranglee-sur-son-fauteuil-446863-7.php
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24/06/2011
-Histoire et poésie - ou - style classique, style moderne -
La colère est toujours injuste, c'est un peu le message de Fontanes, qui pratiquait la méditation en même temps que la mesure en poésie (le mètre pour, entre autre, la maîtrise de l'affect ?). Fontanes, ami que Chateaubriand n'a jamais trahi, même si lui, presque à contrecœur, n'a pas gardé la forme classique de versification où il excellait et s'est dirigé vers la prose. Ciment de cette amitié indéfectible : tous deux se sentent une mission commune, une "vocation remémoratrice". Fontanes parti rejoindre Chateaubriand à Londres va même l'aider "à découvrir et mettre en œuvre cette vocation remémoratrice, mais sur l'instrument nouveau que le jeune poète en exil s'était inventé." Belle leçon de compréhension qui va même au-delà de la tolérance. En ce qui concerne Chateaubriand :"Dans les poèmes comme La Mer ou Les Adieux, une violence émotionnelle et une fureur d'imagination inconnues de Fontanes semblent frapper à la porte de l'alexandrin et demander à la franchir pour se répandre avec plus de liberté." Fontanes ira jusqu'à jouer le rôle de conseiller littéraire auprès de son cadet, tout en restant de son côté fidèle au style classique.
après la courte synthèse d'un passage du livre de Marc Fumaroli, voici un extrait du même auteur : "La dissymétrie entre l'aîné et le cadet était en effet aussi patentes que leurs affinités. Pour Fontanes, l'arche de la mémoire était l'art des vers : cet art passait avant l'affectivité intime, bien que celle-ci fût appelée à circuler dans cette forme donnée et à y trouver son rythme juste et mémorable. Pour Chateaubriand c'est cela, et c'est tout autre chose : il a franchi un pas fatal à la suite de Rousseau. Et déjà dans le Génie du Christianisme la mémoire du royaume chrétien aboli qu'il s'agit de rendre aux Français amnésiques est un paysage affectif retrouvé par le poète dans ses émotions d'enfance. Cet art de mémoire fluide est moderne, et c'est bien dans cette modernité de la remémoration, autant que dans le passage du vers à la prose, que consiste sa "révolution littéraire". Elle n'atteindra son plein régime que dans son chef-d'œuvre posthume. Mais c'est une révolution à rebours de la révolution politique. Elle retourne le Rousseau musicien de la mémoire passionnée contre le Rousseau théoricien de la table rase et de la volonté générale, elle mobilise le Rousseau du Vicaire savoyard et sa religion du cœur contre le déisme de Voltaire et l'athéisme de D'Holbach.
Fontanes est assez fin et assez profond pour pressentir dès 1798, en germe dans l'Essai et les Natchez, toute la portée de ce retournement de Rousseau contre l'usage qu'en avaient fait les Jacobins, même si lui-même en était incapable, même s'il ne souhaitait surtout pas s'en montrer capable. Dès qu'il revit Fontanes à Londres, dès qu'il eut commencé à lui lire les Natchez, Chateaubriand sut de son côté que le nouveau Malherbe, son ami, l'aiderait à rendre acceptable au public français la révolution littéraire des Contre-Lumières dont il était porteur."Chateaubriand Poésie et Terreur (P. 171)
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