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27/07/2021

Tom, Pascaline et Sylvain

J'ai lu La maison dans la dune hier, de Maxence Van der Meersch.

 

Dans cette histoire, il y a le chien Tom, éduqué pour devenir le "pigeon voyageur" en même temps que la "mule" des contrebandiers. Ici, que du tabac, pas de drogue dure. Les contrebandiers aiment quand même avoir beaucoup d'argent. On assiste par le biais du personnage Sylvain à une métamorphose non physique mais toute intérieure. Il est un ancien boxeur devenu contrebandier,  qui a épousé une prostituée à qui il fit arrêter son métier. À la faveur d'une rencontre inattendue avec un lieu, puis avec une jeune fille qui en est comme l'incarnation, la soif d'une vie axée sur une croissance spirituelle et une décroissance matérielle le fait revenir sans cesse  à la rencontre de ce lieu, et de la jeune fille, Pascaline. Pascaline ne joue pas les ingénues, elle l'est réellement, adolescente n'étant pas encore vraiment sortie de l'enfance.

 

Ce non appétit sexuel de Pascaline est vu par Sylvain comme la pureté d'une eau de roche. Car Sylvain à qui son épouse fait l'amour avec un savoir faire qui le laisse pantois, en sort aussi étrangement écœuré.

 

Complexe ces choses du sexe. Pascaline, asexuée en somme  au niveau de l'appétit sexuel, et dont le rire émerveille Sylvain, enchante positivement l'homme. Elle forme un tout avec les lieux,  dans lequel il  voudrait s'intégrer.

 

Comment oublier le chien Tom, par ailleurs ? Son combat contre un chien de douanier. L'amour de l'auteur pour les animaux est ici tangible, ainsi que sa compassion envers les hommes qui font de ces deux animaux des ennemis à mort. Ici, comme le conseillait Victor Hugo à sa fille, on sent l'auteur plaindre ces hommes bourreaux des animaux quand ils les éduquent à "faire la mule",  et non les haïr, Van der M. montre Sylvain s'étonner de l'amour qu'il porte à l'animal, quand il va le perdre, s'étonner de la douleur qu'il éprouve de cette perte. Chien à qui Sylvain voudrait donner une sépulture.

21:02 Publié dans Note | Lien permanent | Commentaires (0)

Belle journée à Hardelot ♣♣♣ Don Quichotte

À Hardelot, mes voisins de table sur ma gauche avaient comme l'on disait du temps des hippies de bonnes ondes. Pour  comprendre cette expression il suffit de la vivre. Il s'agissait d'une famille de conteurs de rêves pouvant se lire, disaient-ils à leur public, sur plusieurs niveaux. Les enfants y verraient telle chose, et les adultes décèleraient entre les lignes telle philosophie. Je me suis retrouvée à une terrasse avec une des filles du couple, qui dessine et illustre les histoires contées par les parents. J'entendais des gens admirer les dessins de l'adolescente. Je les aurais bien regardés mais je n'ai pas osé demander à feuilleter un de leurs livres à vendre, de peur de corner une page. J'ai vendu deux livres pour ma part. Pas assez pour leur en acheter un. Patrick en a vendu trois. Le Chat Moiré a engrangé une recette sur cinq livres. Quelle comptable je suis !

 

Et surtout quelle belle journée à Hardelot ! Le public était léger. Cette famille magique en somme, relaxante.

 

♣♣♣

 

Hier j'avais emmené avec moi le tome deux de Don Quichotte. J'en ai parcouru quelques lignes. Au début du tome 2, Don Quichotte, retourné chez lui après quelques aventures houleuses, comme seuls peuvent en rencontrer les adeptes d'une chevalerie errante quelque peu imaginaire, se remet peu à peu de ce que ses amis appellent sa folie. Lesquels amis sont le curé et le barbier.

 

Les deux amis en question reçoivent des nouvelles du patient par la nièce de Don Quichotte et par la gouvernante, n'osant lui rendre visite de peur de lui inspirer de nouveaux fantasmes en lui rappelant par mégarde ses folles résolutions.

 

Les nouvelles étant encourageantes, le curé et le barbier veulent vérifier par eux-mêmes si Don Quichotte est bel et bien en bonne voie de complet rétablissement. Pour ce faire, ils lui rendent visite. Tous les deux en même temps, afin notamment de se donner mutuellement du courage. Pendant un long temps la conversation de Don Quichotte est brillante. Pour le curé et le barbier,  Don Quichotte est rétabli. Par acquit de conscience toutefois, en examinateurs perfectionnistes, l'un d'eux décide de vérifier le diagnostic de guérison et tente le diable. Il lui parle donc à dessein des difficultés que rencontre de nouveau Sa Majesté avec l'ennemi Turc. Don Quichotte donne alors les premiers signes du mal qui le ronge encore car il déclare vouloir se mettre au service du roi en tant que chevalier errant et est persuadé qu'à lui seul il se pourrait qu'il vienne à bout  de toute une armée d'ennemis du royaume.

 

Dans l'espoir de lui faire réaliser sa folie et de l'en faire revenir, le barbier lui conte alors l'histoire d'un fou qui se croit guéri mais qui se trahira en déclarant au détour d'un discours d'adieu à un autre patient, au moment de sortir de l'asile, qu'il est Neptune. 

 

Réponse de Don Quichotte au barbier :

 

 

" — Monsieur le barbier, dit alors don Quichotte, c'est donc là le conte que, pour venir ici à propos, comme s'il avait été jeté au moule, vous ne pouviez vous empêcher de nous faire ? Ah ! monsieur du rasoir, monsieur du rasoir, bien aveuglé celui qui ne voit point à travers le tamis ! Est-il possible que vous ne sachiez pas que les comparaisons qui se font d'entendement à entendement, de valeur à valeur, de beauté à beauté et de lignage à lignage, sont toujours odieuses  et mal reçues ? Moi, monsieur le barbier, je ne suis point Neptune le dieu des eaux, et ne désire point que l'on me tienne pour un homme sage, puisque je ne le suis pas. Je m'épuise seulement à faire entendre au monde l'erreur où il est de ne renouveler pas le bienheureux temps où l'on voyait courir la campagne à l'ordre de la chevalerie errante ; mais la perversité de notre siècle ne mérite pas la jouissance d'un si grand bien duquel jouissaient les siècles où les chevaliers errants entreprenaient  et portaient sur leurs épaules la défense des royaumes, la protection des dames, le secours des orphelins et des pupilles, le châtiment des superbes et la récompense des humbles. La plupart des chevaliers dont on use à présent font plutôt craquer le damas, le drap d'or et autres brocarts dont ils se parent que la cotte de maille dont ils s'arment. Il n'est plus maintenant de chevalier qui dorme en rase campagne, à la rigueur du ciel, armé de toutes armes, depuis les pieds jusqu'à la tête. Il n'y en est pas un qui aujourd'hui, sans tirer le pied de l'étrier, appuyé sur sa lance, tâche seulement de couper la tête au sommeil, ainsi que faisaient les chevaliers d'antan. Pas un qui, maintenant, sortant d'un bois, passe par une montagne, et puis marche sur une déserte plage de la mer, le plus souvent altérée de tempêtes et qui, trouvant en ce rivage un petit bateau sans voile, sans rame, sans mâts et sans cordages, s'y élance néanmoins d'un cœur intrépide, se livrant aux impitoyables vagues de la mer profonde, qui tantôt s'élèvent jusqu'au ciel, tantôt le descendent en l'abîme, cependant que lui, opposant sa poitrine à l'invincible tempête, se retrouve, quand il y pense le moins, à plus de trois mille lieues d'où il s'était embarqué ; et, tombant sur une terre inconnue, il lui arrive des choses dignes d'être écrites, non pas sur parchemin, mais en bronze. Mais maintenant la paresse triomphe de la diligence, l'oisiveté du travail, le vice de la vertu, l'arrogance de la valeur, et la théorie de la pratique des armes, qui ne vivaient et ne reluisaient qu'au siècle d'or des chevaliers errants. Or dites-moi, je vous prie, trouveriez-vous un chevalier plus honnête et plus vaillant que le fameux Amadis de Gaule ? Quelqu'un plus sage et plus discret que Palmerin d'Angleterre ? Plus gentil et plus traitable que que Titan le Blanc ? Plus galant que Lisuart de Grèce ?  Plus Balafré et balafreur que don Bélianis ? Vit-on homme plus intrépide que Périon de Gaule ? Qui s'exposa à plus de périls que Félix Mars d'Hyrcanie ? Plus sincère qu'Esplandian ? Plus hasardeux que don Cirongile de Thrace ? Plus brave que Rodomont ? Qui plus prudent que le roi Sobrin ? Qui plus hardi que Renaud ? Qui plus invincible que Roland ? Qui plus gaillard et plus courtois que Roger, dont descendent aujourd'hui les ducs de Ferrare, selon Turpin en sa Cosmographie. Tous ces chevaliers et plusieurs autres que je pourrais ici mettre en avant, seigneur curé, furent chevaliers errants, la lumière et la gloire de la chevalerie."

 

La réplique de Don Quichotte n'est pas terminée. Le curé laissera dialoguer ensuite le barbier et don Quichotte puis dira "[...]  Je ne suis pas sûr que ce bataillon de chevaliers errants que vous avez ici rapportés aient vraiment et réellement été personnes de chair et d'os, et vivant dans le monde. [... ]"

 

À quoi don Quichotte va répondre que si, ils ont existé.

 

Don Quichotte pense-t-on a  lu trop de livres sur la chevalerie  et a perdu le sens des réalités. Nous voyons cependant, même si son esprit se trouble en effet, une noblesse en lui, que ne possèdent ni le curé et le barbier qui eux se contentent d'une certaine trivialité étant dans l'absolu conformisme. À savoir finalement quels sont les fous à la longue les plus dangereux ? Les intentions de don Quichotte, qui a soif de noblesse, sont quand même d'aider les plus faibles. Le curé et le barbier en question ont-ils quant à eux ces nobles préoccupations ?

 

   

 

 

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25/07/2021

Là ou ailleurs ♣ Tany...

Etre là ou ailleurs, être bon an mal an. On souffle sur une étincelle et elle ne s'éteint pas au fond. Les yeux fatigués obliquent en soi quand ça souffle fort.

 

  Je ne ressens plus grand-chose à vrai dire à propos de ce qu'on dit de toi. Tu es un long chemin de vie, abrupt et  je tiens encore debout. 

 

"Tenir debout", à ce propos je suis allée voir des photos du juge Michel, couché près d'un arbre, exécuté. Personne n'avait obligé la prof de français qui le troubla si fort à prendre de l'héroïne, certes,  mais pour le juge Michel on aurait dû la protéger, la guider, ne pas l'induire en tentation, surtout pas lui vendre de la drogue. La guillotine existait encore dans les années 1970, avant que Mitterrand, qui fit dans sa jeunesse guillotiner des Algériens activistes étant pour l'Algérie indépendante, n'abolisse finalement la peine de mort dans les années 1980. Le juge Michel dans sa colère contre les trafiquants d'héroïne aurait souhaité la mort pour ceux-ci rapporte l'auteur du courageux bouquin.

 

Victor Hugo dit à sa fille dans l'un de ses poèmes de ne pas haïr, mais de plaindre à la place. Plaindre les bourreaux en somme. Mais est-ce que  plaindre ceux-ci est possible quand on est débordé par la haine ? That is the question.

 

L'étincelle se rallume, chuchote qu'avec le temps va tout s'en va, même la haine. Mais on n'a pas laissé le temps au juge Michel. Paix à son âme cependant. Il a tellement combattu  que, je pense, il est parti en paix. Une photo le montre encore avec son casque, au sol ; derrière la visière, il a les yeux fermés. Il a eu le réflexe de fermer les yeux sans crispation. Signe de paix : il a l'air de dormir enfin. 

 

La haine demande une énergie qui s'étiole le temps passant, à moins que d'être enragé, et le juge Michel est parti en paix.  En grand bonhomme.

 

Court extrait :

 

"Mémé condamné, la place est libre, ses Siciliens l'attendent. Mais pour être le premier à Marseille, encore faut-il être à Marseille. Et tout de suite. Pas dans cinq ans, quand s'achève son interdiction de séjour.

 

À sa sortie Tany déclare se retirer 43 rue [...] à Grenoble, tout en demandant auprès de la direction de la Réglementation une autorisation de séjour à Marseille. Encore une fois l'appareil médical aide un truand. Pour lui renouer le contact avec sa ville."

 

Alain Laville dédie son livre au juge Michel et souligne  :

 

"Quelques personnes citées dans ce livre m'ont suggéré et surtout fait suggérer de renoncer à sa publication, et selon les cas menacé de procès ou de représailles. "Souvenez-vous du juge Michel", m'ont dit plus simplement les autres, et écrivez un roman...

Ce livre paraît. Que ceux qui par leurs témoignages m'ont permis de l'écrire soient ici tous remerciés." A. L

 

L'auteur ne risque plus de représailles car il est décédé, si j'en crois les renseignements du Net. Le journalisme d'investigation est un métier dangereux. Alain a dû décéder de sa belle mort toutefois car rien n'est signalé à ce sujet. Il a rejoint le juge Michel et d'autres amis dont il a défendu la cause. Une vie honorable en somme.  

 

 

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